Dans le contexte du débat québécois sur La Charte des valeurs communes se pose comme enjeu fondamental l'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Le développement de l'individualité est un grand acquis de l'Occident et un apport considérable pour l'humanité et nous devons être fiers au Québec d'avoir une Charte des droits et libertés de la personne. Cela nous a permis de retirer les individus du joug traditionnel du couple, de la famille, de l'église, et dans une certaine mesure du pouvoir politique et de la société en général, et a permis aux individus et en particulier aux femmes de développer leur autonomie, leur libre arbitre et d'agir avant tout selon leur conscience.
Nous avons cependant adopté cette Charte il y a une quarantaine d'années déjà et elle doit être revue . Elle nous a rendu de grand services mais les temps ont changé. De l'affirmation des libertés individuelles nous en sommes passés à une société valorisant l'individualisme et même l'égocentrisme, le matérialisme, la société de consommation ayant ouvert la voie en ce sens. D'une société de '' Je n'ai pas le droit de...'' nous sommes passés à une société de
'' J'ai le droit de...'' que l'on entend quotidiennement pour justifier à peu près n'importe quelle conduite individuelle et dans toutes sortes de situations ( à l'école, sur la rue etc. ). Tout est devenu affaire de droit, de règlement judiciaire, ce qui est très bon pour les revenus des avocats(es), et les juges sont même maintenant amenés à se substituer aux politiciens pour interpréter les chartes et prendre les décisions à leur place.
Il est maintenant temps de ramener le balancier vers le collectif sans nier l'individualité et de réaménager de façon créative l'équilibre entre ces deux pôles complémentaires du vivre ensemble. Les dérapages actuels dans tous les domaines nous l'imposent et le contexte du débat sur la Charte des valeurs québécoises est une belle occasion de le faire.
Pourquoi ne pas profiter de l'occasion de remplacer la Charte des droits et libertés de la personne par une Charte des droits et libertés individuels et collectifs où le collectif ne disparaîtrait plus au profit de l'individu, mais où un nouvel équilibre des deux serait expérimenté. La Charte des droits et responsabilités de la Ville de Montréal pour nous inspirer à ce niveau. Espérons que la polarisation actuelle sur la Charte de valeurs soit passagère et que nous pourrons passer à un niveau plus fondamental qui est de revoir l'équilibre entre les droits individuels que peuvent exercer les individus et les choix collectifs que peut faire une société. Dans ce contexte on ne peut nier l'espace particulier occupé par le Québec où les influences française républicaine et anglo-saxonne communautariste se juxtaposent historiquement A nous de trouver une voie originale entre ces deux pôles pour continuer à évoluer comme société. L'idée d'une Charte des droits individuels et collectifs est une piste que je suggère en ce sens.