Mais jusqu’où diable ira le masochisme de Jean Charest?

JJC - chronique d'une chute annoncée


QUÉBEC – Finalement, il faudra sans doute donner raison à l’ineffable Clotaire Rapaille… Les Québécois sont peut-être d’authentiques sado-masochistes dans l’âme. Et à l’heure actuelle, l’exemple le plus édifiant vient sûrement de leur premier citoyen, ci-devant le premier ministre Jean Charest, qui persiste à endurer sa souffrance face à un peuple qui n’en finit plus de le maudire et qui ne relâchera pas sa morsure aussi longtemps qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut.

Le congédiement jeudi du ministre Tony Tomassi du conseil des ministres et du caucus libéral n’est pas un événement « providentiel » pour Jean Charest, comme il a été dit cette semaine.
Bien sûr, il permet au chef libéral de se débarrasser d’un boulet extrêmement gênant qui éclaboussait son gouvernement depuis plusieurs mois. Mais l’épisode indique surtout qu’à défaut de tenir une commission d’enquête publique menée dans un cadre formel, le gouvernement sera livré pieds et poings liés à un tribunal populaire, beaucoup plus impitoyable et démagogique.
On ne sait toujours pas qui a informé le bureau du premier ministre de l’inqualifiable conduite de Tony Tomassi qui a accepté d’être «sur le bras» de la compagnie BCIA, propriété de son ami Luigi Coretti. Mais ce qu’il faut retenir de cet événement spectaculaire, c’est que les citoyens ont décidé de rompre le silence et d’alimenter en informations les journalistes et les partis d’opposition qui agiront en lieu et place des magistrats et des avocats.
Cette dynamique risque d’être extrêmement douloureuse pour les libéraux, et surtout pour Jean Charest. Chaque nouvelle révélation, chaque nouveau rebondissement viendra renforcer la mauvaise humeur des Québécois qui ont déjà jugé ce gouvernement comme corrompu.


Amir Khadir et Pauline Marois ont bien compris l’état des choses.
Mercredi, le député de Québec solidaire a lancé à deux reprises un «appel au peuple» à qui il a demandé d’avoir le «courage» de sortir de l’ombre et de dénoncer les situations douteuses dont il est témoin.
«Il n’y a maintenant que le courage de ces citoyens qui peut faire la lumière sur les allégations de corruption dans le financement du Parti libéral du Québec», a-t-il dit lors d’un point de presse. Il a notamment demandé aux salariés qui ont servi de prête-nom à des entreprises pour verser de l’argent à la caisse électorale du PLQ de se dénoncer.
Jeudi, quelques heures à peine avant le congédiement de Tony Tomassi, Pauline Marois a déclaré pour la première fois que le gouvernement de Jean Charest «présente tous les indices» d’un gouvernement corrompu. Elle a fait cette affirmation en dehors du Salon bleu, donc sans immunité parlementaire.
La chef du Parti québécois et le député de Québec solidaire parlent maintenant d’une «culture» de trafic d’influence au PLQ. Le cas de Tony Tomassi est troublant en ce sens. Comment un député peut-il trouver acceptable de posséder une carte de crédit dont les soldes sont acquittés par une compagnie? Le député de Lafontaine a enfreint en toute connaissance de cause des règles élémentaires d’éthique.
Vendredi, La Presse a révélé que cette proximité a bien servi Luigi Coretti. Incapable d’obtenir un permis de port d’arme de la Sûreté du Québec, il est passé par Tony Tomassi pour obtenir une rencontre avec le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis. Sans présumer du rôle joué par ce dernier, le propriétaire de BCIA a finalement son permis de port d’arme.
Qu’on le veuille ou non, l’écart de conduite de Tony Tomassi donne aussi du poids aux accusations de trafic d’influence du Parti québécois dans l’octroi des places subventionnées dans les garderies privées. Chez les citoyens, la réflexion est claire. Pourquoi un député qui accepte de posséder une carte de crédit d’une entreprise se gênerait-il pour favoriser ses amis lorsqu’il est en position de le faire?

L’attitude des politiciens est bien connue lorsqu’ils sont ainsi acculés au mur : au lieu de lâcher prise, ils persistent à s’accrocher au pouvoir jusqu’à un point de rupture ultime. Mais jusqu’où diable ira le masochisme de Jean Charest? On se le demande.
Aux bas-fonds dans les sondages, incapables de raisonner les Québécois sur leur probité, les libéraux auront maintenant toujours tort aux yeux du peuple… même s’il ressort qu’ils avaient raison. Le budget «historique» de Raymond Bachand, notamment, ne servira que de catalyseur à la grogne populaire, au lieu d’être un sujet de débat pour l’avenir du Québec.
Le premier ministre n’aura bientôt que deux choix si les révélations s’accumulent au rythme actuel : se rendre au vœu des citoyens en créant une commission d’enquête sur la construction et le financement des partis politiques ou déclencher des élections générales.
Peut-être cela vous surprendra-t-il mais je crois qu’il optera pour la seconde option, s’il y est obligé. Mieux vaut une défaite électorale avec un certain honneur que de voir son nom et son gouvernement traînés dans la boue jour après jour lors d’audiences publiques sur lesquelles il n’aura aucun contrôle.
Mais ce moment est sans doute encore loin. Jean Charest ne rêve que d’une chose à l’heure actuelle : voir la session se terminer le 11 juin pour échapper au supplice quotidien des questions de l’opposition officielle. Les doigts croisés, il attend ce jour en espérant qu’il n’y aura pas d’autres psychodrames d’ici là, ce qui est loin d’être assuré…


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé