Le bluff de Béchard

À jouer aux Don Quichotte de la pompe pour des motifs visiblement électoralistes, le ministre risque plus de se discréditer que de s’imposer comme un interlocuteur sérieux.

Béchard - les pétrolières au pas...



La semaine dernière, le litre d’essence a augmenté de 0,12 $ d’un coup dans la région de Montréal. Aussitôt, le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, lançait un ultimatum aux pétrolières pour qu’elles se justifient par écrit devant la Régie de l’énergie. Il avait déjà annoncé ses intentions en juin.
Le bluff du ministre Béchard n’a leurré personne. Surtout pas les pétrolières. Elles ont ignoré l’appel. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont rien à craindre, sinon un vague projet de loi, à l’automne, qui les obligerait à justifier les prix affichés aux pompes. Rien de bien menaçant !
Certes, il faut freiner la gloutonnerie des pétrolières, mais encore faut-il être en mesure, légalement, de les contraindre à baisser leurs prix. À jouer aux Don Quichotte de la pompe pour des motifs visiblement électoralistes, le ministre risque plus de se discréditer que de s’imposer comme un interlocuteur sérieux.
Il ne doit pas pour autant rester les bras croisés même si les pouvoirs des provinces sont très limités. À Ottawa, le NPD et le Bloc réclament des mesures même si le gouvernement Harper refuse d’intervenir, tout comme les libéraux avant eux.
Un prix plafond ? L’expérience a été tentée ailleurs : les détaillants vendent alors au prix le plus élevé. Le Québec pratique déjà la politique du prix minimum pour protéger les détaillants indépendants. Cela protège les commerçants, pas les automobilistes !
Les taxes ? Elles sont déjà très élevées. Même la taxe verte, pourtant justifiée pour contrer les changements climatiques, sera bientôt refilée aux consommateurs, quoi qu’en pense le gouvernement Charest. Le contraire étonnerait !
Reste donc la fiscalité, la concertation avec le fédéral et les autres provinces. À moins de jouer la même joute que les pétrolières en formant une alliance stratégique avec les indépendants. Un partenariat dans une raffinerie est-il souhaitable ? On regrettera longtemps la décision des gouvernements Chrétien et Martin de brader Petro-Canada à prix d’ami. Au profit de qui, grand Dieu ?
À plus long terme, il faut absolument stimuler le développement de solutions de rechange crédibles au pétrole comme l’électricité, le diesel et le biodiesel, les piles à combustible, mais nos gouvernants semblent désespérément à court d’idées.
Car les raffineurs ont beau jeu depuis que les grandes pétrolières ont fermé plusieurs raffineries montréalaises dans les années 80 pour rationaliser leurs opérations. Elles n’ont cessé, ensuite, de fermer de façon sélective de nombreuses stations-services sous prétexte qu’elles n’étaient pas performantes. Cela explique pourquoi les prix sont plus élevés dans la région de Québec : il n’y a plus de guerres de prix ! Avec pour résultats que les stations que possèdent Shell, Esso, Ultramar et Petro-Canada contrôlent 80 % des ventes d’essence au Québec.
Une étude des professeurs Lauzon et Hasbani de la Chaire d’études socioéconomiques de l’UQAM indique que si les profits des cinq plus grandes pétrolières au monde ont augmenté de 384 % en sept ans (519 milliards $US), c’est parce qu’elles ont éliminé la concurrence par des achats, des fusions, des fermetures.
On n’a pas construit de nouvelles raffineries depuis des décennies. On investit peu, sauf que les dividendes versés aux actionnaires ne cessent d’augmenter. Le prix élevé du brut, les spéculateurs et les taxes ont fait le reste.
Les automobilistes ont aussi leur part de responsabilité. En achetant des véhicules plus gros et énergivores, en boudant le transport en commun, en s’installant toujours plus loin en périphérie, ils continuent d’exercer une pression à la hausse sur les prix.


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