Le temps emprunté

Avec des résultats aussi serrés entre le PQ et l'ADQ, impossible de dire qui remporterait les élections en ce moment, mais une chose est sûre: ce sont les libéraux qui termineraient troisièmes.

Climat politique au Québec



Ce n'est pas pour «casser le parti» de Pauline Marois, dont c'est la journée aujourd'hui, mais ce n'est pas elle qui vole la vedette dans notre nouveau sondage CROP. C'est Mario Dumont. Et Jean Charest. Mais celui-ci pour les mauvaises raisons.



On pourrait résumer ce nouveau coup de sonde pré-estival en trois grandes lignes:
a) Mario Dumont reste le chouchou des Québécois, mais l'ADQ stagne;
b) l'ère des gouvernements minoritaires semble vouloir durer;
c) rien ne va plus pour les libéraux et pour Jean Charest.
Retenons le dernier point pour tout de suite, pas par sadisme envers le premier ministre, mais parce que c'est celui qui risque d'avoir le plus d'incidence sur la suite des choses sur la scène politique québécoise au cours des prochains mois.
Les politiciens et leur entourage font toujours preuve d'une créativité étonnante pour trouver dans les sondages de quoi se remonter le moral, même en périodes difficiles. Mais avec de tels chiffres sous le nez, Jean Charest et les siens vont devoir verser dans un jovialisme près de la béatitude pour y voir quelque signe encourageant.
D'abord le taux de satisfaction envers le gouvernement, qui perd 7% en un mois et tombe à 36%, malgré les baisses d'impôts du dernier budget. La fin de session houleuse a donc fait mal aux libéraux, qui se sont pourtant bien tirés d'affaire dans les circonstances.
Puis, le nerf de la guerre électorale: les intentions de vote. Rien de bon de ce côté non plus. À 27%, les libéraux se maintiennent là où ils étaient ce printemps (29% pour le PQ, 28% pour l'ADQ), mais il s'agit tout de même d'une perte de 6% depuis les élections. C'est chez les francophones que ça se gâte: 19%, contre 34% pour le PQ et 32% pour l'ADQ.
Pour le deuxième sondage CROP de suite, on constate que le PLQ perd des plumes même dans le vote non francophone. En effet, 20% de ces électeurs tournent le dos aux libéraux pour aller chez les verts.
Avec des résultats aussi serrés entre le PQ et l'ADQ, impossible de dire qui remporterait les élections en ce moment, mais une chose est sûre: ce sont les libéraux qui termineraient troisièmes.
On a beaucoup parlé de la dégringolade du Parti québécois, qui a chuté à 33% lors des élections de 2003, puis à 28% à celles de mars, mais le paysage n'est pas plus rose pour les libéraux. Loin de là. Qui se souvient, en effet, que les libéraux de Jean Charest ont pris le pouvoir, en avril 2003, avec 46% des voix? Ils sont tombés à 33% en mars et ne recueillent plus que 27% aujourd'hui dans les intentions de vote. Une «débarque» de 19% en quatre ans!
Les libéraux ne trouveront guère plus de raisons de s'enthousiasmer dans les autres questions du sondage (qui ferait le meilleur premier ministre, qui est le plus apte à régler les problèmes de l'heure, qui présente le plus d'idées nouvelles pour le Québec, qui voudriez-vous avoir comme ami parmi les chefs). Le portrait est simple: M. Charest est dernier partout.
Voilà matière à réflexion pour les libéraux, cet été, entre la piscine et le BBQ. Pour Jean Charest aussi. Sur un air de Stop ou encore, je m'arrête ou j'continue? comme chantait Plastic Bertrand à peu près au moment où M. Charest a commencé sa longue carrière politique.
Comme les libéraux fédéraux sous Paul Martin en 2005 et comme les péquistes sous André Boisclair l'an dernier, les libéraux du Québec se retrouvent devant un dilemme: changer de chef tout de suite et risquer de brûler une bonne cartouche ou repartir à la guerre avec leur impopulaire chef actuel, sachant qu'ils perdront.
Seule consolation pour Jean Charest, le PLQ ne ferait pas vraiment mieux, selon CROP, avec Philippe Couillard.
Mario Dumont, par contre, fait flèche de tout bois. C'en est presque comique, quand on constate que c'est à lui que les Québécois font le plus confiance pour régler la question des changements climatiques. Le programme électoral de l'ADQ résumait cette question complexe en trois lignes...
Mais bon, les Québécois aiment Mario Dumont et ils ne lui tiennent apparemment pas rigueur de son attitude dans la crise budgétaire de la fin mai. C'est particulièrement vrai quand on leur demande qui propose le plus de nouvelles idées pour le Québec: 52% pour Mario, loin devant Pauline Marois (15%) et Jean Charest (11%).
Mme Marois jouit d'une bonne cote parmi les électeurs, qui voient en elle la chef politique la plus apte à occuper le poste de premier ministre (tout juste un point devant M. Dumont), mais la question de la nouveauté, de la fraîcheur, pourrait devenir un défi majeur pour Pauline Marois, une femme présente dans le paysage politique québécois depuis près de 30 ans.
Un autre grand défi attend Mme Marois: assurer la pertinence du PQ dans un contexte où l'appui à la souveraineté est au plus bas. Est-ce que le PQ doit devenir, temporairement, le temps de se refaire des forces, un parti «ordinaire», un parti dont le seul but est de prendre le pouvoir? Ou, à tout le moins, s'extirper de sa gênante position de troisième parti. Voilà des questions qui promettent de beaux débats au PQ au cours des prochains mois.
À première vue, le faible appui à la souveraineté et, surtout, l'aversion des Québécois pour un nouveau référendum, paraissent comme de bien mauvaises nouvelles pour le PQ, mais dans l'immédiat, c'est plutôt une bonne chose pour sa nouvelle chef.
Tant que le OUI en arrache, il se trouvera bien peu de purs et durs et autres référendistes pressés pour la contredire quand elle affirme que le PQ doit, pour le moment, passer à autre chose. Cela donne le temps à Mme Marois de donner au PQ au coup de modernité dont il a bien besoin.
Ce colossal boulot commence ce soir pour Pauline Marois.


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