Le Superpétrolier péquiste

Chronique de Patrice Boileau


En cette période de flambée du prix du baril de pétrole, rien de mieux que de faire un plein de détente afin de dissiper momentanément la morosité générale. Distrayons-nous donc en traçant un troublant parallèle entre la stratégie étapiste du Parti québécois et le précieux or noir.
Il est frustrant de constater l'inertie de nos gouvernants face à un prix du litre en hausse constante, alors qu'ils savent très bien que cette augmentation tarifaire découle du fait que l'essence est un combustible fossile non-renouvelable, épuisable. Le montant qu'il faudra débourser continuera donc de croître. L'entêtement des dirigeants politiques à s'accrocher à cette forme d'énergie déçoit davantage puisque l'on sait que sa combustion contribue au réchauffement climatique de la planète. Notre environnement s'en trouve bouleversé. Ce sont les générations futures qui écoperont car leur espérance de vie s'en trouvera dramatiquement réduite. Comme solidarité intergénérationnelle, on a déjà vu mieux...
La course du navire péquiste rappelle funestement le pitoyable destin que nous promet le gouvernement en n'agissant pas pour contrer le péril que nous prépare la combustion massive de pétrole. Nombre d'indépendantistes sont inquiets depuis 1995. Voilà maintenant plus de dix ans qu'ils répètent aux conseils nationaux péquistes que le carburant référendaire est devenu nocif depuis le second référendum. Y recourir une troisième fois pourrait entraîner une irrémédiable détérioration de l'environnement du territoire québécois.
L'unique écosystème francophone de l'Amérique du Nord entamera alors une période de déclin qui fera disparaître le peuple qui l'occupe présentement. L'état-major péquiste connaît ce risque. Pourtant, pareille aux gouvernements qui refusent de voir que le climat de la planète connaît des perturbations, l'intelligentsia du Parti québécois ignore les avertissements que leur envoient les souverainistes qui délaissent de plus en plus la formation politique. Voilà pourtant des signes concrets que quelque chose de grave se passe au PQ.
Le combustible référendaire a contaminé le projet souverainiste. Celui-ci est aussi devenu épuisable : bientôt, il sera trop tard pour espérer le préserver si son avènement ne survient pas sous peu pour en assurer sa pérennité. Au lieu de se résigner à le voir mourir à petit feu, il faut s'empresser de développer un autre mode d'accession à la souveraineté qui recueillera la majorité absolue des suffrages exprimés : une démarche propre et renouvelable. La voie élective représente cet autre véhicule démocratique. Pas de doute que les Québécois l'adopteront si on leur explique clairement tous les avantages qu'il détient.
Plusieurs obstacles doivent être vaincus pour renseigner les Québécois qu'il existe une alternative au traditionnel référendum qui rebute tant. Un peu comme les chercheurs qui hésitent à sortir de leur carton un prototype de véhicule propre, les leaders souverainistes redoutent de dévoiler publiquement que la voie élective peut également propulser le Québec vers le progrès. Les scientifiques craignent le lobby des pétrolières. Les indépendantistes celui des médias fédéralistes. Les poids lourds du Parti québécois ressentent également cette peur. Doit-on s'y résigner et accepter que disparaisse, par cet immobilisme, la présence d'un peuple différent sur le continent nord-américain? Est-ce comme pour le pétrole? Il faut s'y accrocher bêtement jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus, tout en sachant que cette stupide décision éliminera la vie terrestre?
Le refus du PQ de carburer à autre chose pour réaliser la souveraineté le condamne à l'épuisement. Il se consumera lentement dans l'attente d'un troisième référendum. Son parti frère à Ottawa, le Bloc québécois, fait de même. Le dernier sondage de la maison Crop, bien qu'il faut toujours se méfier de cette firme à la solde des fédéralistes, a dévoilé hier que l'apathie des chefs souverainistes désespère les Québécois qui sont alors humainement portés à rechercher l'espoir ailleurs. Résultat, plusieurs trouvent un « bonheur d'occasion » chez le Parti conservateur.
Voilà un scénario qui plaît aux médias québécois qui ont depuis longtemps « institutionnalisé » l'attentisme péquiste. Les incartades sont immédiatement dénoncées: hors de l'arène politique établi par ceux-ci, point de Salut! Trop longtemps ces derniers ont aseptisé le débat sur la question nationale. Les Québécois veulent pourtant être transportés différemment vers la souveraineté, comme le démontrent nombre de sondages. Qui comblera ce besoin alors que présentement, il y a dégradation du climat politique qui intoxique tout le monde lentement?
Laissons les Canadiens creuser leur tombe dans le sous-sol bitumineux d'Alberta, s'ils le désirent. C'est leur choix, bien que curieux comme héritage à donner à leurs enfants. Les Québécois ont encore la chance de se démarquer et de tirer la sonnette d'alarme sur la scène internationale. Il leur faut cependant une voix que le statut politique actuel du Québec leur refuse. Ce n'est pas à bord d'un superpétrolier que le commandant péquiste convaincra les Québécois de le suivre pour en obtenir une. Le risque de marée noire que ce mode d'accession à la souveraineté peut produire est dorénavant beaucoup trop élevé : les traces qu'elle laisserait sur les rives du Saint-Laurent y seraient indélébiles. Vivement une alternative qui nous permettra de mettre les voiles autrement en 2007.
Patrice Boileau

Carignan, le 2 mai 2006


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