Le silence et l'oubli

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L'auteur de plus de 80 livres, comprenant des romans, des pièces de théâtre, des chroniques, des récits, des essais, des biographies, des articles dont plusieurs marqueront pour longtemps l'histoire de la littérature québécoise, est maintenant réduit à crier à l'aide. Ce même auteur de plusieurs téléromans ayant occupé pendant plus de trois décennies le visage télévisuel du Québec, cet écrivain aux nombreuses récompenses littéraires, se voit tenu d'organiser par ses propres moyens une campagne de financement public, destiné à assurer l'avenir de son écriture, de sa maison d'édition et de sa personne.
Bien plus étonnant, cet appel lancé au Québec tout entier par voie de communiqué de presse est totalement ignoré, sinon par ses fidèles qui le suivent pas à pas. En effet, aucun média, organisme, ou regroupement quelconque ne daigne l'écouter ni même relayer son appel à qui pourrait s'indigner de sa situation et agir en conséquence. Pourquoi donc ce silence de mort autour de Victor-Lévy Beaulieu, comme un étouffement, une censure, un reniement méprisant de l'homme et de son oeuvre?
Pourquoi cette retenue, comme une honte ancestrale devant celui qui se tient debout et ose se battre pour ce qu'il est? Comment expliquer que depuis le lancement de la campagne de financement de l'écrivain, il y a de ça deux semaines, aucun média n'a daigné l'appuyer ou même transmettre l'information aux Québécois? Tenter de réduire ainsi au silence Victor-Lévy Beaulieu, c'est étouffer le Québec dans ce qu'il a de plus précieux, sa langue et sa culture.
Il est étonnant de constater que les défenseurs du droit et de l'opinion, éditorialistes et chroniqueurs en tous genres, ces adeptes de la pensée progressiste québécoise, ne s'offusquent ou ne s'interrogent même pas, qu'un écrivain comme Victor-Lévy Beaulieu soit obligé à se débattre seul dans l'eau bénite afin de publier, au lieu de se consacrer à sa véritable tâche, celle d'écrire! Écrire pour notre plaisir, pour notre mémoire, pour ce que nous sommes et ce que nous pourrions aspirer à être.
Peut-être l'avons-nous déjà oublié, nous qui oublions tout, notre histoire et notre identité, Victor-Lévy Beaulieu, est l'auteur, entre autres, du magique Monsieur Melville, Pour saluer Victor Hugo, Seigneur Léon Tolstoï, de textes sur Voltaire... Kerouac... Ferron et encore d'autres, la liste est pratiquement inépuisable... Du magnifique James Joyce, l'Irlande, le Québec, les mots. Il vient tout juste d'achever un livre sur Nietzche : Frederik Nietzche 666. Il s'agit d'une somme de plus de 1300 pages qui, sans l'avoir lu, puisqu'il n'est pas encore publié, faute de moyens financiers, doit assurément être à la hauteur du génie de l'auteur et de celui de son sujet; n'en doutons surtout pas.
La publication d'un tel livre exige des moyens démesurés pour une maison édition, comme les Éditions Trois-Pistoles, afin de permettre que l'ouvrage soit accessible au plus grand nombre. C'est ce que M. Beaulieu nous demande, alors, pourquoi tergiverser. Qu'attendons-nous pour montrer notre solidarité envers cet écrivain qui alimente notre imaginaire collectif depuis 50 ans? Il doit nous menacer de se taire et de nous abandonner à notre triste rôle de citoyen soumis à ceux qui décident en son nom? Certes, nous l'aurons bien cherché si cela se produit, mais donnons-nous au moins une dernière chance de le mériter.
Malheureusement pour lui, Victor-Lévy Beaulieu est un écrivain trop épris de liberté et sans concessions envers les diktats de l'uniformisation de la pensée et de la «production artistique»; un écrivain de la globalité et de la totalité. Un écrivain de la survivance qui ne limite pas à pondre de belles petites histoires héroïques afin de nous faire sourire au coin du feu ou sur une plage des mers du sud, mais qui nous pousse à nous interroger sur nous-mêmes, notre appartenance à un territoire que nous occupons, mais dont son intériorité nous échappe à force de vouloir le réduire à une simple marchandise. Victor-Lévy Beaulieu écrit pour que vive son pays et nous, ces habitants, se reconnaitre en lui. Il faut le lire, le suivre dans sa musique des mots pour en saisir toute sa sensibilité, sa profondeur et, malgré tous ces coups de colère, comprendre l'immense affection qu'il nous porte.
Nous ne le soupçonnons même pas, mais Victor-Lévy Beaulieu est de la graine de Nobel, mais un rebelle de son espèce ne reçoit pas de Nobel, d'autant plus qu'il représente un pays que l'on tente de museler et de réduire à une simple vision de l'esprit, comme l'a si bien souligné notre premier ministre du nivellement et de la déconstruction collective, ce Québec de l'austérité intellectuelle et culturelle. Écoutons-les chanter que le Québec doit s'en tenir à rester ce qu'il est : une province, avec une pensée provinciale! Une culture provinciale! Un avenir provincial. Écoutons et courbons l'échine, comme d'habitude
Tel Voltaire, exilé dans ses terres lointaines des Trois-Pistoles, Victor-Lévy Beaulieu se bat depuis des années contre «l'infâme», mais, cette fois, il a besoin de nous pour poursuivre son oeuvre immense, qui est également la nôtre. Allons-nous l'abandonner à son sort, l'ignorer, le renier, parce qu'en fait, depuis cinquante ans il nous renvoie le reflet de notre propre incapacité à s'élever au-dessus de notre identité provinciale?
Donc, pour briser le silence et l'oubli, sur le site des Éditions Trois-Pistoles, sous l'onglet Campagne de financement : http://www.editionstrois-pistoles.com/
Pierre Lalanne, Québec


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