Le seul regret de Mme McClellan était d'avoir prévu une hausse des dépenses de 10 %, malgré une «gestion prudente». Hier, M. Audet était visiblement envieux. «On ne vit pas sur la même planète», a-t-il laissé tomber. Sans doute, mais à voir son budget, on pouvait se demander s'il n'avait pas découvert un petit gisement de pétrole quelque part en Gaspésie.
Paraphrasant Mme McClellan, la présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, a parlé d'une «approche prudente» qui lui a permis de limiter la hausse des dépenses à 4,1 % alors qu'elle était d'à peine 2,3 % en 2005-06. Les employés de l'État, qui pestent contre la loi 142, vont recevoir un choc en apprenant que le gouvernement avait les moyens d'augmenter les crédits consacrés à la santé de 6,3 % et ceux destinés à l'éducation de 5,4 %.
Même s'il se fait tirer l'oreille pour respecter la promesse de Paul Martin en ce qui concerne les services de garde, le gouvernement Charest peut dire un gros merci à Stephen Harper, qui a accepté de respecter l'engagement préélectoral de Ralph Goodale sur la péréquation, ce qui a permis à M. Audet d'anticiper une hausse substantielle de 8,3 % des transferts fédéraux, au moins pour cette année. Il est bon d'avoir des amis.
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Après un remaniement ministériel raté et un message inaugural moqué de toute part, le ministre des Finances avait la lourde responsabilité de donner l'impression que le gouvernement a une idée, même vague, de l'endroit où il va. Il a au moins réussi à faire illusion.
Le plan de financement du Fonds des générations au moyen des redevances sur l'eau et des bénéfices d'Hydro-Québec fait preuve d'une imagination certaine, même si, en conférence de presse, M. Audet a eu presque autant de difficulté à l'expliquer que la fois où il avait tenté d'élucider le mystère des politiques de prix de la SAQ.
Il y a là un beau défi pédagogique. Le commun des mortels risque d'avoir un peu de mal à comprendre que le gouvernement investisse 74 millions dans un fonds de réduction de la dette avec le résultat que celle-ci augmente encore de trois milliards. Il faudra plusieurs années avant qu'elle ne commence vraiment à baisser. C'est le genre de plan qu'aurait pondu le père Bougon, a raillé Mario Dumont.
Bien sûr, on est encore très loin de l'Alberta, où la dette n'est plus qu'un lointain souvenir, mais la perspective de voir son poids diminuer à 25 % du PIB d'ici 2025 permet au moins de faire rêver.
Le discours de M. Audet ne contenait pas les passages habituels sur la scandaleuse iniquité fiscale du fédéralisme. M. Audet n'est pas homme à crier au vampire, mais «l'ouverture intéressante» qu'il a évoquée contrastait avec son agacement poli de l'an dernier.
Certes, l'arrivée du gouvernement conservateur à Ottawa a ouvert des perspectives encourageantes, mais il y a aussi que le ton d'ensemble de son budget n'est pas celui d'un gouvernement au bord de l'étouffement financier. D'ailleurs, la comparaison avec l'Alberta illustre bien le fait que le déséquilibre fiscal au Canada est aussi horizontal que vertical.
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L'opposition ne laissera personne oublier que les libéraux ont été élus sur la promesse de diminuer les impôts d'un milliard de dollars par année pendant cinq ans et que, cette année encore, ils ont manqué à leur engagement. Cette fois-ci, le PQ a annoncé que la baisse annoncée équivaut à 32 ¢ par semaine, mais le capital d'indignation des contribuables arrive à épuisement.
M. Audet n'a pas joué au père Noël, mais son budget ne constituerait pas un handicap si jamais le premier ministre décidait de déclencher des élections générales à l'automne. Pour un gouvernement qui a pris la mauvaise habitude de commettre gaffe sur gaffe, c'est déjà un progrès.
Dès le début de son mandat, M. Charest avait demandé qu'on juge d'abord son gouvernement d'après son bilan en matière de santé. Même le PQ a dû reconnaître que les crédits qui y seront consacrés vont au-delà des simples coûts de système. Il en va de même de cette autre priorité que devait être l'éducation.
Qu'il s'agisse des régions, des municipalités, du logement social, des transports en commun ou de l'action communautaire, le budget contient suffisamment de mesures ou de bonnes intentions pour permettre aux candidats libéraux d'avoir quelque chose à dire quand ils n'agiteront pas l'épouvantail référendaire. Évidemment, on n'en est pas encore à distribuer les chèques, comme Ralph Klein, mais M. Audet a fait son possible. On peut toutefois se demander quel était l'intérêt d'organiser une série de fuites dans les médias, qui lui ont inutilement fait perdre l'effet de la surprise.
mdavid@ledevoir.com
Perspectives
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