Dans le budget qu'il déposera demain à Québec, le ministre des Finances, Michel Audet, annoncera que le gouvernement imposera des redevances sur l'eau, de la même façon que le gouvernement albertain impose des redevances aux entreprises qui puisent du pétrole sur son territoire. Voilà l'un des points saillants du budget, dont La Presse a obtenu les grandes lignes.
L'eau représente une des grandes richesses naturelles du Québec, mais elle n'est soumise à aucun régime de redevances, de sorte que n'importe qui peut la capter en toute légalité sans payer quoi que ce soit à qui que ce soit. Cette situation est en soi une aberration. Lors de leur congrès d'octobre 2005 à Québec, les jeunes libéraux avaient d'ailleurs adopté une résolution imposant des redevances aux entreprises qui exploitent l'eau à des fins lucratives.
Dans son budget, le ministre Audet ne s'arrêtera pas aux embouteilleurs. Les redevances s'étendront aussi aux entreprises industrielles et commerciales; elles pourraient même toucher les particuliers.
Le produit de ces redevances, qui pourrait atteindre plusieurs centaines de millions, ne sera pas ajouté au fonds consolidé du revenu. L'argent sera entièrement versé au Fonds des générations, dont la création a été annoncée par le premier ministre Jean Charest dans son discours inaugural de la semaine dernière. Ce fonds servira essentiellement au remboursement de la dette de 117 milliards.
En canalisant les redevances ailleurs que dans le fonds consolidé, qui sert à financer l'ensemble des dépenses du gouvernement, le ministre veut clairement indiquer l'importance qu'il accorde à un fonds spécifiquement consacré à la dette.
Les redevances sur l'eau ne constituent qu'un des éléments qui viendront alimenter le Fonds des générations.
La semaine dernière, dans une intervention remarquée, un groupe d'économistes du Mouvement Desjardins et du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) a recommandé une hausse des tarifs d'électricité pour accélérer le remboursement de la dette. Toutes proportions gardées, le gouvernement québécois est deux fois plus endetté que la moyenne des autres gouvernements provinciaux. Une hausse des tarifs de 5 %, dont le produit serait intégralement consacré au remboursement de la dette, permettrait aux Québécois de rejoindre la moyenne canadienne en 11 ans.
Le ministre ne retiendra pas cette suggestion. En revanche, le budget mettra Hydro-Québec à contribution de deux façons. Lorsqu'il y aura des surplus provenant de l'exportation d'électricité, l'argent sera automatiquement dirigé vers le Fonds des générations. D'autre part, Hydro-Québec sera soumise à un régime de redevances, dont le produit servira également à garnir le Fonds. Ces mesures risquent d'affecter les profits de la société d'État, et donc de réduire le dividende qu'elle verse au gouvernement, son seul actionnaire. Visiblement, M. Audet a fait le choix de rogner sur son dividende en faveur du remboursement de la dette.
Il se peut que le ministre profite aussi des prix élevés du secteur immobilier pour se départir à bon prix de certains éléments inutilisés du parc immobilier du gouvernement. Cette possibilité avait déjà été évoquée par l'ex-ministre Yves Séguin, mais le gouvernement n'y a jamais donné suite. Le produit de ces ventes irait également au Fonds.
Quand elle était ministre des Finances, Pauline Marois a affecté une somme symbolique au remboursement de la dette, mais il s'agit d'un geste isolé. Depuis 25 ans, aucun ministre québécois des Finances, péquistes et libéraux confondus, n'a placé la dette en tête de ses priorités. Le chef du Parti québécois, André Boisclair, a présenté un plan prévoyant des remboursements de la dette lorsque la croissance économique dépassera 2,5 %, et que les recettes budgétaires augmenteront en conséquence. C'est une approche pour le moins hasardeuse. Au cours des 25 dernières années, la croissance a été inférieure à 2,5 % 14 fois, et supérieure 11 fois. Autrement dit, le plan Boisclair équivaut à jouer à la roulette russe avec le remboursement de la dette.
Contrairement à Ottawa, le gouvernement québécois ne s'est jamais doté d'un plan cohérent, stable et crédible de réduction de la dette. Le budget de demain réparera largement cette négligence.
Évidemment, les Québécois qui espèrent des baisses d'impôts devront déchanter. Certes, pour la forme, M. Audet annoncera quelques baisses, question de montrer qu'il fait son bout de chemin pour soulager les contribuables, mais ces baisses n'atteindront même pas le tiers du milliard annuel promis par Jean Charest lors de la campagne électorale de 2003.
Le budget contiendra aussi une nouvelle baisse de la taxe sur le capital des entreprises et des allégements fiscaux pour les petites et moyennes entreprises.
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