Le retour du déséquilibre fiscal?

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Le véritable enjeu dont le gouvernement Couillard n'ose parler tant il risque de mettre le feu aux poudres

Les stratèges libéraux insistent lourdement depuis quelques jours pour dire que le premier budget Leitao n'est que la première étape du retour à l'équilibre budgétaire et, surtout, vers une réforme structurelle de l'État et de la fiscalité.
En effet, le ministre Carlos Leitao et son collègue président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, ont posé hier les jalons de réformes et de décisions qui s'annoncent difficiles. Ce budget, sans le dire ouvertement, annonce aussi une nouvelle collision fiscale entre Québec et Ottawa.
Le gouvernement Couillard se garde bien de le nommer, mais on sent bien l'ombre d'une bête familière: le fameux déséquilibre fiscal. Ottawa se dirige allégrement vers des surplus dès cette année alors que le gouvernement du Québec est contraint d'annuler des dépenses déjà annoncées, de geler ses budgets et l'embauche en plus de revoir l'ensemble de ses programmes. Le Québec souffre-t-il d'un nouveau déséquilibre fiscal?
«Non!», s'est empressé de répondre M. Leitao, mais le chapitre de 27 pages de ses propres documents budgétaires démontre précisément le contraire!
Selon ces documents, Québec a déjà perdu huit milliards depuis 2008 et prévoit une autre perte de dix milliards au cours de la prochaine décennie à cause, notamment, des changements imposés par le gouvernement Harper au programme Transfert canadien en matière de santé.
Le ministre des Finances plaide en outre pour une révision du programme de péréquation et s'en prend aux «mythes» selon lesquels le Québec touche une part démesurée des fonds fédéraux.
Malgré ce plaidoyer, M. Leitao marche sur des oeufs et évite soigneusement de parler de déséquilibre fiscal, un concept qui a empoisonné les relations fédérales-provinciales pendant des années. La conclusion de cette bataille n'avait pas été très heureuse pour les libéraux. En pleine campagne électorale de 2007, Jean Charest avait transformé les fonds obtenus en vertu de ce déséquilibre fiscal, normalement destinés à la Santé et aux services, en promesse de baisses d'impôts. Stephen Harper n'avait pas apprécié la manoeuvre et il serait plus qu'étonnant de le voir replonger dans une nouvelle discussion sur le sujet. D'autant que tout le monde sait que M. Harper compte utiliser les surplus pour baisser les impôts en 2015, juste avant les élections.
Prudemment, M. Leitao se borne à dire que le Québec, comme les autres provinces, veut une révision des paiements de transfert fédéraux. Il évoque aussi un possible front commun des provinces, ce qui annonce des joutes intéressantes sur la scène fédérale-provinciale d'ici les élections fédérales de 2015. M. Harper a fait connaître ses couleurs (baisses d'impôts), mais Thomas Mulcair et Justin Trudeau devront aussi de prononcer éventuellement.
Pages 16, 17, 18 et A-55
En quelques semaines seulement, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux s'est taillé à Québec une réputation d'homme rigoureux, mais un peu cassant. Ces traits de personnalité lui seront fort utiles au cours des prochains mois. Il a insisté hier pour dire que le «coup de frein» imposé aux dépenses publiques ne constitue pas un recul et que certains projets mis au rancart pour le moment pourraient revoir le jour une fois le déficit épongé.
D'ici là, toutefois, M. Coiteux devra dire non à ses collègues et aux groupes de pression qui voudront lancer de nouveaux projets ou programmes. Plusieurs initiatives déjà annoncées par le précédent gouvernement passeront aussi dans le tordeur, ce qui promet de fortes réactions dans les milieux touchés. En trois pages bien serrées, le Conseil du Trésor énumère deux douzaines de dépenses, de projets, de programmes qui seront revus ou annulés. Entre autres, les engagements du gouvernement Marois pris lors du Sommet sur l'Éducation, l'abandon de l'assurance-autonomie, la réduction de subventions à des programmes communautaires, l'étalement de la rémunération des médecins et même révision du programme de procréation assistée (rappelez-vous la prise de bec entre Philippe Couillard et Julie Snyder à ce sujet il y a quelques années).
En tout, il y en a pour 576 millions de dépenses déjà annoncées et près de deux milliards en économie à venir. Le positionnement des partis de l'opposition a donné dès hier le ton des prochaines années à l'Assemblée nationale. François Legault, de la CAQ, applaudit ces cibles de réductions de dépenses «ambitieuses», notamment le gel d'embauche dans la fonction publique, mais il promet de talonner le gouvernement pour qu'il garde le cap.
Françoise David, de Québec solidaire, a accusé le gouvernement Couillard d'abandonner les plus vulnérables en faisant croire que ses mesures budgétaires n'affecteront pas les services publics.
C'est plus compliqué pour le PQ, esquinté cette semaine par le Vérificateur général. L'ex-ministre des Finances, Nicolas Marceau a noté, avec ironie, que la situation économique du Québec n'est pas «plus rose» depuis que les libéraux ont été reportés au pouvoir.


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