Le référendum et les Nordiques

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L'élection du PQ serait le meilleur moyen d'assurer le retour des Nordiques à Québec

La perspective que le Québec devienne un pays souverain nuirait-elle aux chances de retour des Nordiques?
Le passage en politique de Pierre Karl Péladeau, jusque-là porteur du dossier, avive l'intérêt autour de ce débat. Candidat du Parti québécois, PKP a motivé son choix par le désir de faire du Québec un pays. Et cet enjeu se retrouve au coeur de la campagne électorale.
Régis Labeaume est convaincu que la question nationale n'aura pas d'impact sur les décisions du circuit. Selon le maire, cité par Le Soleil, la Ligue nationale de hockey n'a cure de la situation politique du Québec, puisqu'elle s'intéresse à l'argent et à la rentabilité d'une future équipe. «C'est une organisation qui fait des affaires et qui ne fonctionne pas sur l'émotion», dit-il.
M. Labeaume a-t-il raison? Pour voir plus clair, analysons les événements lors du premier mandat du gouvernement Lévesque (1976-1981) et celui du gouvernement Parizeau (1994-1995).
Ironiquement, dans ces deux occasions, l'avenir des Nordiques et la tenue d'un référendum sur la souveraineté étaient des sujets d'une actualité brûlante. Ce sera de nouveau le cas si le Parti québécois remporte une majorité le 7 avril prochain.
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En 1976, le Parti québécois a été élu en promettant de tenir un référendum avant la fin de son premier mandat. L'intention était claire: les citoyens se prononceraient bientôt.
Au même moment, le hockey professionnel traversait une crise. L'Association mondiale de hockey (AMH), lancée en 1972 et dont les Nordiques faisaient partie, offrait une vive concurrence à la LNH. Dans les deux ligues, plusieurs équipes perdaient des fortunes. Seule la fin des hostilités assainirait l'environnement.
Après des tentatives infructueuses, un accord a été conclu. Quatre équipes de l'AMH, dont les Nordiques, se joindraient à la LNH en octobre 1979. Et le circuit rebelle cesserait ses activités.
La LNH ne voulait pas de Québec, mais ce n'était pas pour des raisons politiques. Plusieurs dirigeants du circuit estimaient simplement le marché trop modeste. Les quatre clubs de l'AMH sont cependant demeurés unis. Si Québec et Winnipeg n'étaient pas de la partie, aucune entente ne surviendrait. Ils ont finalement obtenu gain de cause.
Marcel Aubut a joué un rôle majeur pour permettre à Québec d'accéder à la LNH. Mais l'influence de deux autres hommes, un souverainiste et un fédéraliste, a aussi été déterminante.
Le premier ministre Lévesque a accepté que le gouvernement du Québec finance en partie le nécessaire agrandissement du Colisée. Malgré ses réticences, il a été convaincu par son ancien patron et ex-premier ministre libéral Jean Lesage, alors président du conseil d'administration des Nordiques.
Dans toutes les négociations menant à la fusion LNH-AMH, la question nationale du Québec n'a pas été évoquée. Et le référendum de 1980 a eu lieu moins d'un an après le début des Bleus dans la LNH.
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En septembre 1994, le Parti québécois a été élu en promettant de tenir un référendum durant la première année de son mandat. À cette époque, l'avenir des Nordiques, coincés dans un Colisée désuet, était préoccupant.
Pour le gouvernement Parizeau, ce dossier constituait une épine au pied. Trouver une piste de solution, entre les finances serrées du Québec et les demandes extravagantes des propriétaires des Nordiques, constituait un rude défi. «Ils nous demandent une pompe branchée sur le fonds consolidé de la province», avait imagé Jean Royer, chef de cabinet du premier ministre.
Le gouvernement ne voulait pas porter l'odieux du départ des Nordiques, craignant les répercussions sur le vote des gens de Québec au référendum. Après plusieurs passes d'armes, les discussions ont échoué. En mai 1995, cinq mois avant le référendum, les Nordiques ont déménagé au Colorado.
Comme en 1979, la question nationale n'a pas préoccupé la LNH, malgré le référendum imminent. Si un nouveau Colisée avait été construit, les Nordiques seraient demeurés à Québec.
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La situation d'aujourd'hui n'est pas celle du passé. Cette fois, contrairement à 1979, Québec ne fait pas partie d'un front commun susceptible de rétablir la paix dans le hockey; et contrairement à 1995, il ne cherche pas davantage à préserver son équipe, mais plutôt à en obtenir une nouvelle. La ville a perdu son droit acquis et doit convaincre la LNH qu'elle mérite une deuxième chance.
Alors, le maire Labeaume a-t-il raison d'affirmer que le commissaire Gary Bettman et les propriétaires d'équipe feront abstraction de la question nationale en cas de future expansion? Et que la rentabilité et l'argent seront les seuls éléments de décision?
Même s'il est difficile de lire dans la tête de Gary Bettman, cette théorie se défend. Le commissaire et les gouverneurs d'équipes ne sont sûrement pas des sympathisants souverainistes, mais il faut reconnaître que le projet de référendum est actuellement pour le moins diffus.
Contrairement à René Lévesque et à Jacques Parizeau, qui avaient dévoilé leur échéancier, Pauline Marois et Pierre Karl Péladeau ne précisent pas leurs intentions. Peut-être un référendum, mais peut-être pas non plus.
En revanche, il ne faut pas être naïf. Au-delà de la question politique, la LNH aura des interrogations de nature économique si le projet de référendum se précise et que Québec est sur les rangs pour obtenir une équipe de l'expansion. Notamment sur la monnaie du nouveau pays.
La LNH fonctionne en dollars américains. Au tournant des années 2000, elle a vécu une crise lorsque le huard s'est dégonflé par rapport au billet de l'Oncle Sam. Un programme d'aide a dû être mis sur pied pour aider les concessions plus fragiles comme Ottawa et Edmonton.
La LNH est tributaire de la valeur du dollar canadien. Un exemple: en décembre dernier, elle a estimé à 71 millions le plafond salarial la saison prochaine. Tout indique que ce chiffre sera revu à 68 millions, en raison de la récente baisse de notre monnaie.
Au bout du compte, M. Labeaume a raison. L'argent et le plan d'affaires feront la différence. Mais si un référendum est dans les cartes, la question de la devise sera aussi au coeur de l'équation.
En ce sens, la présence de Pierre Karl Péladeau dans un Conseil des ministres du gouvernement Marois fournirait un interlocuteur crédible pour répondre aux interrogations de la LNH.


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