Mélissa Guillemette - L'ancien statisticien en chef du Canada, Munir Sheikh, a quitté ses fonctions mercredi dernier pour préserver son intégrité et la crédibilité de Statistique Canada, a-t-il expliqué devant le Comité de l'industrie réuni au sujet du retrait du formulaire obligatoire détaillé de recensement. Le ministre de l'Industrie Tony Clement a quant à lui continué de défendre le changement controversé.
Pour défendre sa décision, le ministre Tony Clement affirmait avoir choisi de retirer le caractère obligatoire du formulaire long avec l'accord de l'agence fédérale de statistiques. M. Sheikh a nié formellement cette affirmation hier. Il a indiqué avoir remis sa démission «lorsque des doutes ont été véhiculés quant à la nature des conseils qui ont été donnés» par Statistique Canada.
Mais Tony Clement n'a pas l'intention de revenir sur sa décision d'envoyer le formulaire long à plus de Canadiens (un foyer sur trois au lieu d'un sur cinq), mais de le rendre volontaire. Il a répété hier que le gouvernement juge qu'il n'est «pas approprié» d'obliger les Canadiens à donner des informations personnelles sous peine d'amendes ou d'emprisonnement. Il s'est cependant dit prêt à évaluer les options, précisant qu'elles doivent être cohérentes avec les principes qu'il poursuit avec cette réforme.
Suggestions
Les chercheurs, économistes et groupes représentant des minorités qui ont ensuite témoigné ont fourni tour à tour tout un lot de suggestions. La Société statistique du Canada a par exemple proposé de réaliser le prochain recensement avec le formulaire obligatoire et de tenir un projet pilote avec le questionnaire volontaire pour mesurer l'écart entre les deux méthodes.
L'idée de conserver le formulaire détaillé obligatoire et de retirer plutôt les peines de prison a aussi été ramenée sur la table lors des témoignages. Certains ont plutôt suggéré d'établir des mesures incitatives, comme de retenir le remboursement d'impôt des retardataires. «Je pense qu'il y a des compromis à aller chercher, mais on veut surtout s'assurer qu'on aura des données fiables et représentatives», a expliqué en entrevue téléphonique la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Marie-France Kenny, qui a témoigné hier après-midi.
Si le gouvernement conservateur maintient sa décision quant au recensement, les partis d'opposition tiennent plus que jamais à l'annuler. Comment? «En mettant plus de pression sur le gouvernement, répond le chef du NPD, Jack Layton. La société civile doit se tenir debout [...] et on [les partis d'opposition] va chercher comment on peut utiliser les outils de la Chambre des communes pour forcer le gouvernement à changer de direction.»
Les partis d'opposition jugent que ces histoires de plaintes et d'intrusion dans la vie privée des Canadiens sont montées de toutes pièces, «un fantôme» créé par les troupes de Stephen Harper, pour reprendre les mots de Jack Layton. «Il y a un mois, est-ce que les gens parlaient du recensement? Non», a illustré le lieutenant du Parti libéral du Canada au Québec, Marc Garneau.
Quelques dizaines d'étudiants membres de la Fédération étudiante universitaire du Québec ont manifesté devant le parlement hier pour exprimer leur souci quant à la qualité de la recherche universitaire sans les données recueillies grâce au questionnaire long obligatoire.
Devant la Cour fédérale
La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada souhaite pour sa part porter le débat à la Cour fédérale. Elle juge que si les données du recensement sont moins détaillées, les droits des minorités risquent d'être en jeu. Elle a déposé une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale afin de vérifier si le changement est constitutionnel et légal.
Le professeur spécialiste du droit des minorités à l'Université de Montréal, Jose Woehrling, doute toutefois de l'efficacité du recours. «Généralement, en droit, on exige un lien de causalité plus direct. On peut considérer que supprimer le formulaire long [obligatoire] aura un effet négatif sur la possibilité qu'ils ont de faire valoir leurs droits, mais se(sic) sont des effets très indirects. Mais je les comprends d'essayer.»
Le bureau du ministre Tony Clement a refusé de commenter cette demande d'examen. Comme la question se trouve devant les tribunaux, il serait «inapproprié» de le faire, a-t-on répliqué. Devant le Comité de l'industrie, il a toutefois affirmé que le «gouvernement était déterminé à prendre en compte les priorités du bureau du commissaire aux langues officielles quant au développement et à l'implantation de ses politiques, programmes et services».
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Avec La Presse canadienne
Le recensement sera volontaire, point
Le ministre Tony Clement refuse de faire marche arrière, mais il se dit néanmoins ouvert à évaluer les options qui vont dans le sens de sa réforme
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