Le Québec se souviendra de la (brève) visite de Sarkozy

France-Québec : fin du "ni-ni"?


En visite à Québec ce week-end pour le Sommet Canada-Union européenne et le Sommet de la Francophonie, le chef de l'État a mis fin à la bienveillance de la France à l'égard de la cause nationale québécoise. Au grand dam des souverainistes, qui se sentent trahis.

Wikimedia Commons (plaque minéralogique arborant la devise du Québec : « Je me souviens »)

Vive le Québec... canadien ! En visite vendredi et samedi à Québec, où il participait au Sommet Canada-Union européenne puis au Sommet de la Francophonie, Nicolas Sarkozy a mis fin à l'attitude ambigüe de la France à l'égard de la « Belle Province ». A la grande déception des souverainistes québécois, qui comptaient, depuis le discours de De Gaulle à Montréal, en 1967, sur le soutien de la « mère-patrie ».
Le président a en effet déclaré, au côté du Premier ministre canadien fraîchement réélu, Stephen Harper : « S'il y a quelqu'un qui vient me dire que le monde aujourd'hui a besoin d'une division supplémentaire, c'est qu'on n'a pas la même lecture du monde. » Sarkozy remet ainsi en cause la doctrine « ni ingérence, ni indifférence » élaborée par Alain Peyrefitte, qu'aucun président français n'avait reniée.
« Énormité »
Les réactions n'ont pas tardé dans la province francophone, où la question de la souveraineté du Québec reste sensible : même si l'hypothèse d'un troisième référendum d'auto-détermination est inenvisageable du fait de la présence d'un Premier ministre fédéraliste à Québec (Jean Charest), il n'empêche que lors de la dernière consultation, en 1995, le «oui» avait réuni 49,4 % des suffrages. Autant dire que la sortie de Nicolas Sarkozy a mécontenté près de la moitié des Québécois. Ainsi, Jacques Parizeau, Premier ministre du Québec à l'époque du dernier référendum, a qualifié les propos du président français d'« énormité ». Un autre ancien Premier ministre, Bernard Landry, a quant à lui estimé que Nicolas Sarkozy avait commis une « erreur d'une extrême gravité ».
Il faut croire que cette affaire est de nature à inspirer les Premiers ministres, anciens ou actuels, car du côté français, François Fillon a également réagi pour relativiser les propos du président. Il a tenu à rassurer les Québécois en affirmant que la France ne serait « jamais indifférente au Québec. [...] En même temps, a-t-il ajouté, il faut que les Québécois comprennent - et je pense que la grande majorité d'entre eux le comprennent - que nous voulons avoir des relations amicales avec le Canada et des relations fraternelles avec le Québec. » Fillon reprenait ainsi à son compte les récentes déclarations de Nicolas Sarkozy qualifiant les Canadiens (anglophones) d'« amis » et les Québécois de « frères ».
Bush plutôt que la Francophonie
Cela sera-t-il suffisant pour conserver l'affection, toujours précaire, de la « Nouvelle-France » pour l'ancienne ? Le journal Le Québécois, souverainiste, appelle carrément à « supporter ceux qui, en France, combattent Sarkozy, afin que celui-ci soit défait aux prochaines élections et que l'on efface ce triste épisode des relations France-Québec » . Et lance un avertissement : « L'indépendance du Québec se fera avec ou sans Sarkozy, et avec ou sans la France. Si le premier nous a clairement abandonnés, [espérons] que la seconde ne le fera pas. [...] Nous pourrions faire l'indépendance sans elle, voire malgré elle, mais ce ne serait pas à son avantage. Elle doit le comprendre. »
Mardi 21 Octobre 2008 - 08:42
Roman Bernard


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