La controverse autour de la consultation sur le racisme systémique devient loufoque. On la critique de partout. Sa crédibilité est à zéro. Ceux qui en font la promotion active sont discrédités. Les Québécois francophones sont remontés contre elle. Et pourtant, Philippe Couillard la tiendra à tout prix. Il a peut-être un peu louvoyé, dit-on, après la défaite de sa candidate dans Louis-Hébert. Mais il a vite renoué avec l’étrange certitude selon laquelle le Québec serait structurellement raciste et qu’il serait temps de le prouver. Ce serait une machine à produire de la discrimination raciale. Il faudrait conséquemment en analyser les rouages et la démonter. Cette vision du monde, qui provient de la sociologie la plus militante et la plus idéologique qui soit, plaque sur la société québécoise une grille de lecture qui n’a absolument rien à voir avec sa réalité.
Mais nous le savons, cette consultation a surtout une fonction politique. Elle est portée par un gouvernement dont le premier ministre est convaincu qu’on est traversé par la tentation de l’intolérance dès qu’on exprime devant des réserves devant l’augmentation des seuils d’immigration ou qui n’as pas hésité à assimiler les souverainistes québécois aux populismes européens. Au fond de lui-même, Philippe Couillard se méfie des Québécois qu’il regarde avec les yeux de Pierre Trudeau. Il voit de l’intolérance partout. On ne sera pas surpris de constater qu’il voit du racisme partout.
Le rôle de la consultation sur le racisme systémique est clair: il s’agit dès lors de mettre formellement la majorité historique francophone en accusation et d’inhiber le plus possible l’expression de la question identitaire, qui ne joue pas à l’avantage du PLQ, ce que Philippe Couillard ne peut que savoir. Il s’agit de créer une association mentale entre nationalisme et racisme, comme si le premier ne pouvait que conduire au second – comme s’il y avait le moindre lien entre le premier et le second, en fait. Il s’agit d’imposer la question du racisme québécois au cœur de la vie publique. Il s’agit aussi, accessoirement, de radicaliser et de mobiliser la base électorale du PLQ qui a besoin de carburant pour alimenter son hostilité radicale à l’endroit des nationalistes.
Le pari de Philippe Couillard est transparent et il s’inspire directement de la stratégie de la mouvance inclusive qui prétend se réclamer de l’antiracisme: à terme, quiconque n’admettra pas la présence d’un problème de racisme systémique au Québec sera presque immédiatement suspecté de complaisance avec le racisme et même de collaborer au maintien de son caractère systémique. En politique, celui qui parvient à définir les critères de respectabilité médiatique domine le terrain et parvient à s’imposer à ses adversaires. Le PLQ entend ici se délivrer de ses contradicteurs. Le PLQ veut, lors des prochaines élections, se présenter comme le grand parti défenseur des minorités et promoteur de l’inclusion, contre ses adversaires qui s’enfonceraient dans le repli identitaire.
De ce point de vue, les partis d’opposition devraient se montrer plus vigoureux dans la critique de cette consultation et aller jusqu’au bout de leur pensée en dénonçant l’idée même de racisme systémique et en refusant de se soumettre à l’idée que notre société serait fondamentalement discriminatoire. Ils devraient chercher à s’affranchir mentalement d’une vision de la société qui repose sur un procès permanent et systématique du peuple québécois. Chose certaine, la question identitaire sera au cœur de cette année électorale, et celui qui la définira à son avantage pourrait bien remporter la mise.