Le principe de Peter

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L'incompétence de Lise Thériault

Toute la semaine dernière, on s’est posé la question : qui est la véritable Lise Thériault ? L’ancienne ministre du Travail qui avait causé une si forte impression en tenant tête aux matamores de la construction ou la poule sans tête parachutée à la Sécurité publique, qui a mis les pieds dans le plat quotidiennement après la spectaculaire évasion de la prison d’Orsainville ?

La vice-première ministre a été chanceuse que cet incident survienne à la fin de la session plutôt qu’au début. Au train où allaient les choses, c’est à se demander pendant combien de temps le premier ministre Couillard aurait pu tolérer qu’elle ridiculise son gouvernement. Il a eu beau lui renouveler sa confiance, il sait désormais à quoi s’en tenir sur ses capacités quand la situation exige un certain doigté.

Mme Thériault, dont la carrière avait été jusque-là passablement obscure, a connu une célébrité instantanée en abolissant le règlement qui accordait aux syndicats le monopole du placement sur les chantiers de construction, une mission réputée impossible. À l’époque, certains y avaient vu le résultat d’un heureux concours de circonstances bien plus que la révélation d’une politicienne particulièrement douée, mais il aurait semblé mesquin de minimiser son succès,

Il y a maintenant 44 ans que Laurence J. Peter a énoncé son célèbre principe selon lequel « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence ». Mme Thériault n’est ni la première ni la dernière à en faire la démonstration.

Il est vrai que la politique semble poser un problème d’application du principe de Peter, dans la mesure où être élu député et devenir éventuellement ministre ne constitue pas à proprement parler une promotion par rapport à une fonction antérieure. La réussite dans une carrière antérieure est cependant largement perçue comme un gage de compétence.

Faire de la politique à un haut niveau fait appel à un ensemble de qualités qui ne sont pas fréquemment réunies chez une même personne. Des hommes aussi indéniablement brillants que Claude Ryan ou Michael Ignatieff, qui étaient célébrés de toutes parts, se sont cassé la figure quand ils ont tenté d’atteindre le sommet, alors que d’autres apparemment moins doués sur le plan intellectuel ont très bien réussi.

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Nul ne peut reprocher à Mario Beaulieu un manque de détermination dans la défense du français durant ses années à la présidence de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et du Mouvement Québec français. Son élection comme chef du Bloc québécois pourrait néanmoins offrir une nouvelle occasion de vérifier le principe de Peter.

La première qualité d’un chef de parti est d’être rassembleur. Avant de penser à susciter de nouvelles adhésions, M. Beaulieu doit d’abord conserver les modestes appuis dont bénéficie encore le Bloc, en commençant par les membres du caucus qui s’étaient tous rangés derrière son adversaire. Déclarer que le parti s’est complu depuis vingt ans dans le défaitisme et l’attentisme n’était certainement pas la meilleure entrée en matière. Vouloir les priver d’une partie de leur salaire n’a rien pour faciliter les choses.

Faire de la promotion de la souveraineté la priorité absolue du Bloc est un choix tout à fait légitime, mais il y a aussi la manière. S’il a suffi que Pierre Karl Péladeau lève le poing en l’air pour déclencher une sorte de panique et précipiter la défaite du PQ, reprendre à son compte le slogan du FLQ — « Nous vaincrons » — était encore moins avisé. M. Beaulieu entend poursuivre le combat contre la « francophobie » qu’il avait entrepris à la SSJBM. Il est vrai qu’il existe au Canada anglais une tradition de Quebec bashing qui ne manque aucune occasion de s’exprimer, mais les pyromanes font rarement les meilleurs pompiers.

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Depuis sa fondation, le Bloc québécois a toujours constitué une sorte d’ambassadeur du mouvement souverainiste au Canada anglais. Si les « séparatistes » en général y ont très mauvaise presse, Lucien Bouchard et Gilles Duceppe avaient su gagner le respect, voire une certaine estime. M. Beaulieu a déjà un sérieux rattrapage à faire.

On peut certainement s’interroger sur l’utilité pour les souverainistes d’être représentés à Ottawa. À partir du moment où l’on décide de jouer le jeu électoral, il faut cependant l’assumer. On ne peut pas considérer la Chambre des communes simplement comme un organisme dispensateur de subventions pour faire la promotion de la souveraineté.

L’arrivée de M. Beaulieu posera aussi un défi au PQ. Si les relations entre Lucien Bouchard et Jacques Parizeau ont été parfois orageuses, les relations entre les deux partis frères ont été généralement harmonieuses. Les positions radicales du nouveau chef du Bloc, notamment sur les questions identitaires, pourraient devenir très embarrassantes.


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