Le PQ doit sortir de l’électoralisme

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« La nation phénomène sociologique tend à coïncider avec le phénomène politique, dans la mesure où elle atteint cette identification avec son État » - Daniel Johnson, dans Égalité ou indépendance

Nombreux sont les sympathisants de l’objectif de souveraineté qui ont baissé les bras. Pourquoi ? Tout au long des 25 dernières années, en tant que militante et intellectuelle, j’ai vu se déployer des stratégies souverainistes le plus souvent axées sur l’objectif électoral (à l’exception du référendum de 1995), condition juridique évidente mais insuffisante d’une avancée véritablement nationale et politique.



Ces dernières années, l’objectif électoral a été le fer de lance de l’option souverainiste, sous-estimant le rôle de l’imaginaire, passant à côté du fait que beaucoup de citoyens attendaient des mises en perspective, une conscience mieux éclairée et avouée des obstacles capable de renforcer la détermination. Un nombre important de sympathisants de la cause souverainiste s’en sont éloignés parce qu’ils avaient des attentes plus élevées que celles qu’exige le simple calcul électoral.



Déçus du peu de continuité dans l’action, déçus de la pâleur des objectifs, ils finissent par être démotivés par le pragmatisme et le rétrécissement de ce que les technocrates de l’action appellent la clientèle cible, passant du Québécois au sens large (toute personne qui réside en sol québécois) à ladite majorité historique. De nombreux sympathisants, déçus du défaitisme avoué de ces militants ne croyant pas en leur chance d’obtenir la sympathie des Québécois de toutes origines, craignant la différenciation des communautés culturelles par peur du multiculturalisme, voient que les confusions s’additionnent, rétrécissant sans cesse l’auditoire et remplaçant les appuis perdus par la quête de la souche. S’agit-il bien de fatigue ?



Une nouvelle nation



De plus, une difficulté récente s’est insinuée : le lien entre la résistance à concevoir la nouvelle nation comme une association, une mixité, une invitation à se penser ensemble en opposition à l’obsession de gagner une majorité de votes, quelles que soient les concessions à faire sur le fond. On calculera que plus il y aura de défenseurs de la survivance, de nationalistes conservateurs, plus on aura de chances de gagner l’élection. Ce calcul, en fait, ne promet rien. S’il mise sur les votes d’une couche sociale appréhendée — les Canadiens français de souche, qui incarneraient à eux seuls la destinée de tous les Québécois —, il laisse pour compte la représentation des multiples autres citoyens devant la promesse d’un futur État ; cette méthode ne produit pas les projections imaginaires inclusives dont tous ont besoin, cette approche ne se sent concernée que par les intérêts et les droits de quelques-uns.



Pendant que des conseillers avertis élaborent des raisonnements censés garantir la réussite électorale, le citoyen ordinaire ne réussit pas à s’imaginer dans un projet qui ne concerne pas la communauté à inventer mais une soi-disant majorité qui ne pense qu’à elle-même, et il vote ailleurs. La nation tournée vers un rêve d’avenir exige une représentation de l’universel dans laquelle chacun se reconnaît. La souveraineté du Québec ne peut être autre chose qu’un appel à tous pour transformer son monde et le monde, mais il faut encore y mettre du temps. La scène électorale ne suffit pas pour parachever ce chantier.



Région du Canada



Il est facilement observable que les Québécois sont sollicités dans leurs passions à aimer aussi bien le Canada que le Québec. Il faut le voir lors des Jeux olympiques : « Nous jouons tous pour le Canada » ! Le consentement à la domination de l’État canadien par la voie fédérale est la première cheville de leur assujettissement. Toujours, le Québec est rappelé à son statut de région du Canada. On l’a bien entendu dans l’appel de Philippe Couillard lancé au printemps 2017, intitulé « Québécois, notre façon d’être Canadiens » ! Dans cet appel, la nation est moulinée dans ladite diversité canadienne. En découle la difficulté pour la nation québécoise de s’affirmer comme telle.



La nation qui est projetée dans l’imaginaire doit se situer par rapport aux deux ensembles de représentations conflictuelles qui sont mises en avant. Soit les représentations de la nation sont inscrites dans l’axe Québec/région et celle-ci reste subordonnée à l’intégration dans le Canada, définie comme simple nation culturelle ou historique, happée par le besoin de sa seule survivance. Soit les représentations de la nation sont inscrites dans l’axe Québec/nation susceptible de compenser les effets du fédéralisme ou de la double appartenance : le Québec/nation chemine alors vers une définition juridico-politique qui peut la placer au coeur d’un processus de souveraineté.



La cause de la souveraineté doit passer à une tout autre dimension du politique. L’institution légitime représentative de ce projet, le ou les partis souverainistes doivent avoir l’humilité d’aller chercher du côté de la société civile (comme le font des organisations comme le OUI QUÉBEC) une réflexion qu’à eux seuls ils ne peuvent pas mener. Fort heureusement, les dernières années ont favorisé l’émergence d’une nouvelle génération de militants pour qui il importe de ne pas penser seulement en matière de gains électoraux, mais de gains fondés sur un profond engagement sociétal. L’objectif de souveraineté doit reposer sur la confiance en soi. 


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