Le Parti Québécois, un instrument de libération, forgé par les Québécois, pour les Québécois (Pierre Vallières)

Élection Québec 2012 - les souverainistes

LE PARTI QUÉBÉCOIS, UN INSTRUMENT DE LIBÉRATION, FORGÉ PAR LES QUÉBÉCOIS, POUR LES QUÉBÉCOIS (PIERRE VALLIÈRES)

La création du Parti Québécois en 1968 a représenté la plus importante rupture dans l’histoire politique du Québec depuis la Rébellion des Patriotes.
Elle consolidait sur le terrain politique et électoral la rupture des États généraux du Canada français, tenus quelques années auparavant, avec la vieille conception de la nation canadienne-française d’un océan à l’autre.
La question nationale, qui avait été diluée dans le grand tout canadien en une question purement culturelle et linguistique avec la théorie des deux peuples fondateurs, retrouvait deux de ses attributs essentiels : le territoire, celui du Québec, et le projet économique, avec « Maîtres chez nous! ».
L’arrivée du Parti Québécois qui mettait à l’ordre du jour l’indépendance du Québec représentait une menace dont la classe dirigeante canadienne a vite pris conscience.
La contre-offensive n’a pas mis de temps à se mettre en branle. Est-il besoin de rappeler le vol de la liste des membres du Parti Québécois, l’instrumentalisation de la crise d’Octobre pour détruire le PQ, et l’infiltration au plus haut niveau avec l’arrivée de Claude Morin?
Il semble bien que les seuls à ne pas prendre la mesure de l’ampleur du mouvement des plaques tectoniques furent les représentants de la gauche radicale.
En fait, une seule des têtes d’affiche de l’époque a saisi l’importance des transformations alors en cours et l’importance du levier politique que constituait la création du Parti Québécois pour tous ceux qui rêvaient de transformation sociale et nationale.
L’Urgence de choisir de Pierre Vallières, publié en 1972, est le livre le plus important de l’époque et un des plus importants de toute l’histoire politique du Québec.
Dans ce livre, Vallières tire les leçons de la Crise d’Octobre. Il prend la mesure du rapport de force entre le pouvoir et les groupes révolutionnaires, après l’assassinat des leaders des Black Panthers, de Martin Luther King et de Che Guevara et prône l’abandon de la théorie du foyer révolutionnaire, une voie sans issue, devenue l’objet de manipulations policières.
« On ne provoque pas, écrivait-il, au nom du peuple, l’armée du pouvoir en place quand on ne possède pas soi-même une armée dans laquelle le peuple peut se reconnaître, s’intégrer consciemment, et par un combat politique, s’acheminer vers la conquête du pouvoir politique et la réalisation de ses objectifs sociaux. »
Vallières proclame que la lutte de masse au Québec doit emprunter la voie électorale et il préconise l’entrée de la gauche dans le Parti québécois où l’alliance entre les souverainistes, le mouvement syndical et les groupes de citoyens est en train de se cristalliser.
Vallières écrit alors que « le mouvement indépendantiste québécois a un contenu objectivement progressiste et révolutionnaire » et que « le PQ constitue la principale force politique stratégique de ce mouvement indépendantiste ».
Sa position s’appuie sur une analyse fort pénétrante de l’impérialisme américain et de ses relations avec le Canada et le Québec sur la question de l’indépendance du Québec, qui garde, encore aujourd’hui, toute sa pertinence.
Vallières écrit qu’il « faut se garder de l’illusion d’une indépendance facile. La bourgeoisie canadian, l’impérialisme américain et leurs valets autochtones vont résister avec la dernière énergie à notre volonté d’indépendance ».
Il poursuit : « Trop d’illusions sont encore véhiculées au sujet des avantages que les Etats-Unis pourraient trouver à l’indépendance du Québec comme si le Canada tel qu’il est constitué présentement ne servait pas au maximum leurs intérêts impérialistes. »
La réflexion de Vallières va beaucoup plus loin que le jeu politique à trois entre le Québec, le Canada et les Etats-Unis. Il aborde ce qui constitue l’essence même de l’impérialisme, c’est-à-dire la division entre nations oppressives et nations opprimées.
Pour lui, la domination impérialiste s’exerce principalement sur les secteurs-clés de l’économie et cela suffit « pour influencer directement l’ensemble d’une collectivité, surtout d’une collectivité colonisée. »
Dans cette perspective, Vallières reproche à la gauche de ne pas apprécier à sa juste valeur la « portée politique stratégique fondamentale » de la question de l’indépendance du Québec. Il invite la gauche à considérer le PQ « comme un instrument de libération, forgé par des Québécois pour les Québécois ».
Son appréciation portée sur les dirigeants du PQ est aussi d’une brûlante actualité. « Ils seront contraints, écrit-il, d’adopter un comportement plus révolutionnaire, à cause, d’une part, de l’hostilité des milieux d’affaires (anglo-américains et assimilés) au projet d’indépendance et surtout à toute politique québécoise de développement économique autonome (ne fût-ce que sur la base d’une intervention mitigée de l’État dans le système économique actuel) et, d’autre part, de l’ampleur des transformations sociales exigées par la population dans son ensemble. »
Vallières sait que toutes ces considérations politiques stratégiques échappent ou n’intéressent tout simplement pas une bonne partie de ses interlocuteurs de gauche, affairés sur le terrain des luttes sociales et économiques. Aussi, dénonce-t-il dans L’urgence de choisir, le trade-unionisme d’une certaine gauche qui « réduit la lutte politique à une suite de revendications économiques et sociales sans portée stratégique ».
Quarante ans et deux référendums plus tard, l’ensemble de cette analyse tient toujours la route. Sur la dernière question, celle de l’absence de considérations stratégiques d’une certaine gauche, je ne prendrai à témoin que le dernier livre de Françoise David, De colère et d’espoir, un ramassis de revendications économiques et sociales, sans aucune portée stratégique, dans la plus pure tradition du défunt groupe En Lutte.
Le problème avec Vallières, c’est que quelques mois après la publication de L’urgence de choisir, il abandonnait la politique au profit de la contre-culture et se réfugiait dans une commune dans la région de Mont-Laurier.
Il laissait alors le champ libre à ceux dont il avait critiqué les positions, et plus particulièrement à son ancien compagnon d’armes felquiste, Charles Gagnon qui allait fonder le groupe En Lutte.
L’histoire du mouvement maoïste qui allait se développer par la suite, avec En Lutte et le PCO, est connue. Au plan politique, le mouvement « marxiste-léniniste » va prendre le contre-pied de ce que Vallières avait mis de l’avant. Le Parti Québécois est l’ennemi principal, et le slogan le plus populaire est « Parti Québécois, parti bourgeois ». Le mouvement maoïste va devenir l’allié objectif des fédéralistes, ce qui se traduira par un appel à l’annulation lors du référendum de 1980, ce qui revenait à rallier le camp du NON.
Après l’échec du référendum de 1980, la conjoncture change. Le fédéral passe à l’offensive avec le rapatriement de la Constitution et l’adoption de la Charte des droits, dont un des principaux objectifs est d’invalider les dispositions les plus importantes de la Loi 101.
Au Québec, l’économie québécoise est durement touchée par la crise économique. Le Parti Québécois rompt avec ses alliés du mouvement syndical.
Quelques années plus tard, René Lévesque abandonne le projet de souveraineté au profit du « beau risque » avec Brian Mulroney. Plusieurs ministres, avec à leur tête Jacques Parizeau, et de nombreux militants quittent le parti et trouvent refuge dans le Rassemblement démocratique pour l’indépendance.
Nombreux sont ceux, à l’époque, qui croient que la rupture avec le mouvement syndical est irrévocable, que la scission au sein du PQ est définitive et que l’indépendance est devenu un vieux rêve inaccessible.
À gauche, les groupes maoïstes se sont dissous sans produire de véritable bilan. Une certaine gauche syndicale croit que la conjoncture est propice pour occuper le terrain et crée le Mouvement socialiste, avec à sa tête l’ancien président de la CSN, Marcel Pepin. Le mouvement se transforme en parti politique, participe à une élection, mais son score est anémique.
Puis, subitement, le PQ que plusieurs croyaient mort et enterré ressuscite avec Jacques Parizeau. En 1994, Parizeau prend le pouvoir et prend l’engagement de tenir un référendum. Les organisations syndicales, populaires et féministes reprennent contact avec le PQ et se regroupent dans une même organisation avec le Bloc Québécois et le Parti Québécois, c’est Partenaires pour la souveraineté.
La population fait mentir tous ceux qui affirmaient depuis quinze ans qu’elle en avait marre de la question nationale. Le taux de participation au référendum est tout simplement incroyable : plus de 94% de la population se rend voter, signe d’une politisation importante.
La réaction des fédéralistes est tout à fait conforme aux prédictions de Pierre Vallières. Tout est mis en œuvre pour voler le référendum et l’ambassadeur américain, James Blanchard, prépare même un plan pour la partition du territoire du Québec en cas de victoire du OUI. Il en a même publié la carte dans ses mémoires.
La suite est connue. Parizeau démissionne. Bouchard prend la relève. Mais, plutôt que de profiter de la montée de l’appui des Québécois à l’indépendance au lendemain du référendum, comme l’indiquent les sondages, et d’appeler rapidement à des élections, puis à un autre référendum, Bouchard capitule honteusement devant Ottawa et Wall Street.
C’est le Sommet du Déficit Zéro et la rupture éventuelle avec les organisations syndicales, féministes et populaires.
Le PQ entre dans un période trouble et perd ses points de repères historiques. Landry démissionne et est remplacé par André Boisclair, dont le modèle est Tony Blair. Au plan identitaire, Boisclair profite des propos malencontreux de Parizeau pour se faire le promoteur du nationalisme civique, une idéologie néolibérale.
Au Canada, la quasi-victoire du camp du Oui lors du dernier référendum marque un tournant. La « Grande Frousse » de 1995 provoque un changement brutal de stratégie. Finies les concessions! Désormais la ligne dure va prévaloir : c’est la loi sur la clarté, les menaces de partition, le programme des commandites.
Parallèlement, les stratèges fédéralistes cherchent à neutraliser les points d’appuis économique, diplomatique et médiatique du mouvement souverainiste.
Les éléments du Plan O de Jacques Parizeau, prévu pour contrer les turbulences dans la phase d’accession à l’indépendance, sont démantelés.
Michael Sabia, un fédéraliste notoire, dirige la Caisse de dépôt et les autres institutions clefs du Québec Inc. – la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins et le Fonds de solidarité – sont en voie d’être absorbées dans le Canada Inc., comme en témoigne leur association avec la Banque CIBC, la Banque Toronto-Dominion et la Banque Scotia, au sein du bien nommé groupe Maple, pour gérer les Bourses de Montréal et Toronto.
Au plan diplomatique, Paul Desmarais convainc son protégé Nicolas Sarkozy de renoncer à la politique de « non ingérence et non indifférence » de la France qui assurait au Québec la reconnaissance internationale de la seule grande puissance susceptible d’appuyer une déclaration d’indépendance. L’arrivée de François Hollande est, à ce égard, une bouffée d’air frais, le Parti Socialiste français ayant, lors de son dernier congrès, adopté une résolution pour le retour à la politique de « non ingérence et non indifférence » à l’égard du Québec.
Au plan médiatique, où les souverainistes subissent la subtile campagne de désinformation de Radio-Canada et des médias de Power Corporation, s’ajoute désormais l’hostilité des médias de Quebecor, le seul grand groupe qui, historiquement, manifestait une certaine sympathie pour leur option.
Les mains désormais liés par ses investissements dans la chaîne Sun Media au Canada anglais, Pierre Karl Péladeau œuvre en étroite collaboration avec le gouvernement Harper. Il a créé de toutes pièces, à coups de sondages et de pages frontispices flatteuses, la Coalition pour l’avenir du Québec de François Legault, dont il ne faut jamais oublier qu’elle est sous la supervision de Charles Sirois, président du conseil d’administration de la Banque CIBC.
En somme, les souverainistes n’ont plus qu’une seule institution : le Parti Québécois. C’est la dernière cible à abattre pour que les fédéralistes puissent crier : Victoire ! Pas étonnant qu’il se retrouve sous des feux croisés ennemis et « amis ».
S’il venait à disparaître, nous nous retrouverions avec une multitude de chapelles. Et, comme le soulignait Michel Rioux, « avec 22 chapelles, on ne forme pas une cathédrale ».
Québec solidaire ne bénéficierait pas de cet éclatement du PQ. Pourquoi? Parce que, issu du mouvement « altermondialiste » – un mot qui, contrairement à son prédécesseur « internationaliste », évacue le mot nation – , Québec solidaire ne fait pas de la question nationale l’axe principal de son action, comme le révèle son alliance avec le NPD canadien, confirmée par la déclaration récente d’Amir Khadir, « la souveraineté si nécessaire, mais pas nécessairement la souveraineté ». Québec solidaire est, au plan idéologique et politique, l’héritier du mouvement maoïste des années 1970.
Mais la campagne électorale démontre que le PQ, qu’on donnait agonisant ou même mort, est loin d’avoir rendu l’âme. S’ils ne le connaissaient pas, les fédéralistes découvrent le dicton : « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ».
Au cours des derniers six mois, le PQ a effectué un virage étonnant. Il a abandonné la stratégie qui prévalait depuis Boisclair, soit de tenir un discours de droite dans l’espoir de faire des gains auprès de l’électorat adéquiste de la région de Québec et de la Beauce, et s’oriente résolument à gauche.
Aujourd’hui, la liste des candidates et les candidats progressistes est impressionnante. La plateforme électorale est progressiste. On y retrouve plusieurs des causes défendues par le SPQ Libre au cours des dernières années. Mentionnons l’électrification du transport, la nationalisation de l’éolien, l’application des dispositions de la Loi 101 aux cégeps, la modernisation de la Loi anti-scabs et le référendum d’initiative populaire sur la souveraineté.
Même Françoise David a reconnu que la plateforme était progressiste en se déclarant prête à l’appuyer dans l’éventualité où Québec solidaire détiendrait la balance du pouvoir.
Aujourd’hui, avec le déclin démographique du Québec et sa marginalisation politique au sein du Canada, avec un gouvernement Harper anti-Québec comme aucun des gouvernements de l’histoire récente du Canada, la question de l’indépendance du Québec se pose avec encore plus d’acuité qu’il y a quarante ans, à l’époque de Pierre Vallières.
Le SPQ Libre est donc fier de se réclamer du Pierre Vallières de L’urgence de choisir.
La stratégie du SPQ Libre s’appuie sur trois fondements. Un fondement théorique, celui élaboré par Pierre Vallières dans L’urgence de choisir.
Un fondement politique, basée sur l’analyse des modes de scrutin effectuée par Paul Cliche. Une analyse, illustrée avec plusieurs exemples à l’appui, qui rappelle que la loi d’airain de notre mode de scrutin, au mieux condamne les tiers partis à la marginalité et, au pire dans le cas de Québec solidaire et Option nationale, avantage le Parti Libéral en divisant le vote progressiste et souverainiste.
Enfin, un fondement pratique. Notre expérience au sein du Parti Québécois nous a démontré qu’il était toujours un parti de masse, composé majoritairement de progressistes. Comme le disait Pierre Vallières, « c’est un instrument de libération, forgé par les Québécois, pour les Québécois ».


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