Le paradigme pourrait changer rapidement

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Souveraineté alimentaire ?

Pas besoin d’une production de masse importante pour vivre d’agriculture au Québec. Maude-Hélène Desroches et son conjoint Jean-Martin Fortier l’ont prouvé avec une production à petite échelle, aux Jardins de la Grelinette, à Saint-Armand, une microferme biologique de moins d’un hectare cultivé qui génère des ventes de plus de 150 000 $. Selon Mme Desroches, changer le paradigme de production au Québec pourrait se faire plus rapidement qu’on pense.


Le secret d’une petite production? « Nos prix ne sont pas plus chers que ceux des autres producteurs, mais nous avons simplifié la production. Nous n’avons pas de machinerie lourde à entretenir et nous misons beaucoup sur la qualité du sol. Nous pouvons donc mettre les cultures plus serrées les unes sur les autres. Notre ferme est aussi diversifiée. Nous faisons de la vente directe d’une quarantaine de légumes. Nos paniers hebdomadaires sont toujours très diversifiés » résume Mme Desroches, qui vend aussi ses produits à l’épicerie de Frelighsburg. 


Les petites productions arrivent semble-t-il à embaucher facilement parce que les tâches à effectuer sont très diversifiées. 


L’autre clé, pour les Jardins de la Grelinette, c’est la serre qui permet de partir les semis en toute sécurité, à la fin de l’hiver, ou de poursuivre la culture à l’automne et au printemps. Dans une lettre publiée dans La Presse mercredi, Jean-Martin Fortier proposait d’ailleurs d’appuyer les petites fermes aux productions diversifiées qui fonctionnent en circuit fermé, par exemple en permettant à Hydro-Québec de leur offrir le même taux préférentiel que celui des alumineries, ce qui permettrait de rentabiliser le chauffage des serres. 


Mme Desroches explique l’idée du chauffage des serres. « La serre nous permet de partir des épinards en août, de récolter, et parce qu’ils ont survécu à l’hiver dans une serre non chauffée, nous avons pu recommencer le travail en mars. Si la serre était chauffée, nous pourrions produire en hiver, tout en plantant des légumes adaptés à nos saisons, comme des verdurettes, des carottes, des radis. Le frein à une plus grande souveraineté alimentaire, c’est vraiment le chauffage. Et en ce moment, ce n’est pas intéressant d’utiliser des combustibles fossiles pour y arriver. »


Et quand il est question de chauffer les serres, on ne parle pas de recréer le climat estival. « Ce serait de garder la température à 5 degrés Celsius en plantant des légumes résistants au froid. Parce qu’en hiver, il n’y a pas grand-chose qui pousse au Québec. Ce ne serait pas difficile de gagner du terrain, parce que c’est trois fois rien ce qui se fait en ce moment. »


L’autre élément encourageant serait de donner une meilleure accessibilité à la terre. « En ce moment, c’est compliqué parce que ça coûte cher. Les lots à vendre sont trop grands. »


Maude-Hélène Desroches croit donc que le paradigme actuel pourrait changer très rapidement si on s’en donnait la peine. Surtout que les futurs producteurs affluent dans les écoles d’agriculture.


« Dans le même sens, pourquoi ce sont les producteurs du bio qui doivent payer pour identifier leurs produits? Pourquoi ce ne sont pas les utilisateurs de produits chimiques qui payent pour avoir le droit de polluer? Pourquoi devons-nous nous assurer d’avoir une bande tampon pour éviter que nos produits bios soient contaminés? Pourquoi ce ne sont pas ceux qui polluent qui doivent assumer cette bande tampon? Les Québécois sont prêts à prendre ce virage. Les producteurs aussi. »


Et oui, Mme Desroches voit dans la crise de la COVID-19 une occasion d’accélérer la souveraineté alimentaire du Québec. « Le Québec est déjà franchement avancé en matière d’agriculture. Le modèle qu’on utilise fonctionne. Il a été rentable après deux ans. Les gens sont prêts à acheter les légumes qui sont cultivés près de chez eux. »