En décembre 2005, Jack Layton a annoncé que son parti soutenait désormais la controversée loi sur la clarté adoptée par le gouvernement Chrétien dans la foulée du référendum de 1995. Il reconnaît donc la règle du 50 % +1... mais aussi les exigences plus restrictives de la loi.
Photo : Agence Reuters
Guillaume Bourgault-Côté - Les adversaires du NPD ont maintenu hier la pression sur le parti-cendrillon de la campagne, soumis à un tir nourri de critiques depuis son émergence imprévue dans les sondages.
Michael Ignatieff a ainsi demandé aux électeurs de scruter au «microscope» la plateforme électorale des néodémocrates, qui ne «tient pas la route» selon lui. Au même moment, Stephen Harper prévenait les électeurs des conséquences économiques d'un vote pour le NPD, synonyme d'après le chef conservateur d'un fardeau financier alourdi.
Ces attaques s'ajoutent à celles que Gilles Duceppe martèle depuis plusieurs jours, à savoir que le NPD est un parti centralisateur qui s'est positionné à maintes reprises contre les intérêts du Québec.
Le tout survient alors que les appuis des néodémocrates semblent se solidifier. Un nouveau sondage Harris-Décima dévoilé en fin de journée hier leur accorde 30 % des intentions de vote à l'échelle nationale, contre 35 % pour les conservateurs et 22 % pour les libéraux. Des chiffres cohérents avec ceux de plusieurs coups de sonde récents.
Au Québec, Harris-Décima crédite le NPD d'une avance de 20 points sur le Bloc québécois (42 % contre 22 %), un écart que la marge d'erreur élevée pour cet échantillon ne comble pas.
C'est dans ce contexte étonnant que M. Duceppe a beaucoup remis en question les engagements du NPD envers le Québec. Dans un discours prononcé devant Jacques Parizeau lundi à Saint-Lambert, le chef du Bloc a insisté sur le fait que le choix de l'élection n'est pas «entre la gauche et la droite», mais entre «un parti qui considère que le Québec a le droit de défendre ses propres intérêts et ses propres valeurs», ou «des partis canadiens».
M. Duceppe rappelait que des «centaines de milliers de Québécois ne sont pas protégés par la loi 101 au travail parce que les [trois] partis canadiens refusent d'adopter un simple amendement législatif». Il dénonçait que ces partis «ont des programmes conçus spécifiquement pour le Canada et qui n'ont rien à voir avec le Québec. Ils nous proposent des programmes mur à mur pour les garderies, l'éducation, la santé».
Dans diverses entrevues et des discours, le chef du Bloc a aussi affirmé que «seul le Bloc se bat» contre le projet d'établissement d'une commission des valeurs mobilières pancanadiennes. Il a critiqué l'appui du NPD à l'aide fédérale au projet du Bas-Churchill, son refus d'accorder un délai au chantier de la Davie, son soutien au pouvoir fédéral de dépenser, de même que celui au rapatriement de la Constitution et à la loi sur la clarté.
Mercredi, Gérald Larose avait aussi évoqué la contribution du NPD dans l'échec de l'accord du lac Meech pour mettre en garde les électeurs.
Déclaration
Un examen des différentes positions du parti sur des enjeux touchant le Québec montre une relation ambiguë entre le NPD et la province. C'est d'ailleurs ce que reconnaissait la «déclaration de Sherbrooke», document adopté par le NPD en 2005 pour définir son programme pour le Québec.
«La question du Québec a trop souvent été une pierre d'achoppement pour le NPD», lit-on dans les premières lignes. Assez bref, le document établit que le NPD «vise, à moyen terme, à atteindre un résultat qui pourrait permettre au Québec d'embrasser le cadre constitutionnel canadien» — Jack Layton a toutefois dit cette semaine que ce n'était pas une priorité.
On vante dans la déclaration le fédéralisme asymétrique comme étant «la meilleure façon de conjuguer l'État fédéral canadien avec la réalité du caractère national du Québec». «Cette asymétrie vis-à-vis du Québec peut notamment s'appliquer par un droit de retrait avec compensation» de tout programme fédéral «intervenant dans des champs de juridiction exclusive des provinces — notamment la santé et l'éducation», indique la déclaration.
Plus loin, le document reconnaît «le droit du Québec à l'autodétermination», et indique que le «NPD reconnaîtrait une décision majoritaire [50 % +1] des Québécois» dans le cadre d'un référendum. La reconnaissance de la nation québécoise avait été inscrite dans la plateforme du NPD en 2004.
Accords et divergences
Dans le concret, ces prises de position s'expriment toutefois de différentes façons. En décembre 2005, Jack Layton a par exemple annoncé que son parti soutenait désormais la controversée loi sur la clarté adoptée par le gouvernement Chrétien dans la foulée du référendum de 1995. Il reconnaît donc la règle du 50 %+1... mais aussi les exigences plus restrictives de la loi.
Il est vrai que le NPD soutient les décisions du gouvernement dans les dossiers du Bas-Churchill (contre l'avis unanime de l'Assemblée nationale) et de la Davie. De même, le parti a voté contre une motion du Bloc québécois demandant l'abolition du pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de compétence des provinces: mais Jack Layton l'aurait soutenu si le Bloc avait accepté un amendement pour limiter cette mesure au Québec, a rappelé hier Thomas Mulcair, chef adjoint du NPD.
Le dossier du registre des armes à feu a révélé l'automne dernier une autre dissension entre un consensus québécois et le NPD: six députés néodémocrates ont voté pour l'abolition du registre, malgré les pressions de M. Mulcair et M. Layton.
Le NPD a récemment déposé deux projets de loi favorisant un usage plus grand de la langue française: celui d'Yvon Godin sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême, et celui de Thomas Mulcair pour franciser les communications dans les entreprises fédérales du Québec. Comme ce dernier projet ne faisait aucune référence à la loi 101 (qui ne s'applique pas dans les institutions fédérales), le Bloc s'est prononcé contre.
Dans le dossier de la refonte de la carte électorale, le NPD soutient les demandes du Bloc québécois de ne pas réduire le poids démocratique du Québec. Même position officielle concernant les valeurs mobilières.
Mulcair réplique
En entretien avec Le Devoir, Thomas Mulcair a affirmé hier que la promesse d'offrir un plein droit de retrait au Québec pour les programmes fédéraux touchant ses compétences était un «engagement formel», et que toutes les questions se rapportant aux garderies ou à l'embauche de médecins étaient ainsi couvertes.
Quant au débat constitutionnel, M. Mulcair réitère qu'il faut créer les «conditions gagnantes» pour que le Québec trouve la place qui lui revient. «Nous proposons une reconnaissance étape par étape, vote par vote», dit-il en évoquant par exemple le soutien au maintien du poids démocratique du Québec. Mais pas question pour le moment de rouvrir la Constitution.
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