Le pyromane

Pendant que Gérald Larose traitait Jack Layton d'imposteur crapuleux, le National Post l'accusait plutôt d'avoir vendu son âme aux nationalistes québécois.

Élection fédérale du 2 mai 2011 - au Québec : une « insurrection électorale »


Pendant que Gérald Larose traitait Jack Layton d'imposteur crapuleux, le National Post l'accusait plutôt d'avoir vendu son âme aux nationalistes québécois.
Pour M. Layton, il est grand temps que la campagne électorale prenne fin. Ces mystérieuses «conditions gagnantes», qui permettraient éventuellement à un gouvernement néodémocrate de ramener le Québec dans le giron constitutionnel canadien, commencent à devenir embarrassantes.
S'il n'est pas un imposteur ou un de ces «crosseurs professionnels» dénoncés par M. Larose, il ressemble dangereusement à un pyromane qui joue avec des allumettes à côté d'un baril de poudre.
L'éditorialiste du Post n'avait pas tort de s'inquiéter en voyant M. Layton créer des attentes qui risquent d'être cruellement déçues. Il est très clair que le Canada anglais n'a aucune envie de rouvrir le dossier constitutionnel, encore moins de faire la moindre concession au Québec. Et il en aura de moins en moins envie.
Brian Mulroney a été le dernier à oser ouvrir la boîte de Pandore. Si son chef n'en est pas suffisamment conscient, Thomas Mulcair, qui a participé à la bataille référendaire dans le camp du Non, serait certainement en mesure de lui expliquer les effet que les échecs répétés de Meech et de Charlottetown ont eus sur l'opinion publique québécoise.
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Stephen Harper a tiré les leçons des tentatives de M. Mulroney, qui avait promis beaucoup plus qu'il n'était en mesure de livrer. Dans son ouvrage intitulé Harper's Team, Behind the Scenes in the Conservative Rise to Power, paru après la victoire conservatrice en 2006, l'ancien gourou de M. Harper, Tom Flanagan, expliquait qu'il valait mieux renoncer à une nouvelle razzia au Québec plutôt que de décevoir à nouveau.
Ce que le gouvernement Harper a accordé au Québec entre 2006 et 2008 est probablement tout ce qu'il faut en attendre. Même si le premier ministre Charest s'est fait le plus discret possible durant la présente campagne, M. Harper estime d'ailleurs avoir été récompensé bien chichement de ses efforts. Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Pierre Moreau, en est rendu à inventer de toutes pièces des négociations sur la culture et les communications pour faire croire que des gains sont encore possibles.
Lundi, les conservateurs s'estimeraient sans doute heureux de conserver la dizaine de sièges qu'ils détiennent présentement au Québec. Si la montée du NPD leur permet de se faufiler dans quelques comtés additionnels, ce sera un bonus.
Michael Ignatieff a également été d'une franchise qui l'honore au cours de la campagne. Dans son esprit, le Québec possède déjà tous les pouvoirs qui lui sont nécessaires. Un gouvernement libéral ne lui accorderait rien de plus.
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Les griefs historiques de Gérald Larose contre le NPD sont fondés. Des acteurs néodémocrates importants ont bel et bien joué un rôle dans le drame de la «nuit des longs couteaux» en novembre 1981. Par la suite, Ed Broadbent a appuyé le rapatriement de la Constitution, Audrey McLaughlin s'est opposée à l'Accord du lac Meech et M. Layton lui-même a voté en faveur de la Loi sur la clarté.
Il est vrai qu'en septembre 2006 le congrès fédéral du NPD a adopté la Déclaration de Sherbrooke, qui reconnaissait le caractère national du Québec, son droit à l'autodétermination et le principe du fédéralisme asymétrique. Dès sa fondation, en 1961, le NPD avait déjà fait sienne la thèse des «deux nations».
Le problème est d'inscrire tout cela dans la Constitution. La position officielle du parti est une chose; ce qu'un gouvernement néodémocrate serait prêt à défendre face à l'opinion publique canadienne, nettement moins bien disposée qu'à l'époque de Meech, en est une autre. D'ailleurs, M. Layton a bien précisé que le dossier constitutionnel ne serait pas prioritaire.
Comme chacun le sait, le diable se cache dans les détails et ceux dont il est question ici ne sont pas les moindres. Quels pouvoirs additionnels M. Layton serait-il prêt à accorder au Québec pour concrétiser son caractère national? Comment concilierait-il le droit du Québec à l'autodétermination avec les dispositions de la Loi sur la clarté?
En 2007, certains souverainistes, qui ne croyaient pas André Boisclair capable, ni même désireux, de réaliser la souveraineté, se demandaient s'il ne valait pas mieux laisser Mario Dumont faire une nouvelle fois la preuve de l'impossibilité de réformer le fédéralisme à la satisfaction du Québec.
Il est vrai que l'«autonomie» proposée par l'ADQ était un concept passablement flou, mais le peu qu'on en savait, qui s'inspirait du rapport Allaire, allait inévitablement être accueilli par une fin de non-recevoir.
Les projets de M. Layton sont tout aussi nébuleux que ceux de l'ADQ, mais ses chances de succès ne sont pas meilleures. S'il doit causer une nouvelle déception au Québec, que ce soit en renvoyant le dossier aux calendes grecques ou en provoquant une levée de boucliers dans le ROC, les souverainistes ne devraient pas s'en plaindre.


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