Depuis des années, les analystes, commentateurs, politologues, sociologues et autres «experts» ont vainement tenté d'élucider le mystère de Québec. Pourquoi les électeurs de la capitale se comportent-ils aussi différemment des autres francophones?
On aurait pu penser que l'étonnante faveur dont y jouissait l'ADQ disparaîtrait après le départ de Mario Dumont et la course au leadership complètement loufoque qui l'a suivi. Au contraire, le mystère s'épaissit.
Le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir accorde maintenant 39 % des intentions de vote à l'ADQ, loin devant le PQ (28 %) et le PLQ (19 %). Il s'agit là d'une progression tout à fait remarquable. Depuis la brève lune de miel qui a suivi les élections du printemps 2007, l'ADQ n'avait pas atteint un tel sommet. Pourtant, à Montréal, elle ne recueille toujours que 7 % des intentions de vote.
Il est vrai que la marge d'erreur est plus élevée dans un sous-échantillon régional et que l'électorat a été très volatile au cours des dernières années, mais le contraste est trop marqué et trop constant pour s'expliquer par des distorsions de cet ordre.
D'ailleurs, ces chiffres sont tout à fait compatibles avec les intentions de vote au fédéral. Le Parti conservateur arrive bon premier avec 35 %, suivi du Bloc québécois (28 %), du NPD (21 %) et du PLC (10 %). Pourtant, dans l'ensemble du Québec, 44 % des francophones voteraient pour le Bloc et 43 % pour le PQ.
Pour symboliser sa détermination à reconquérir la capitale, où Agnès Maltais (Taschereau) est seule de son camp depuis 2003, le PQ a tenu, le 7 décembre dernier, sa première assemblée d'investiture en vue des prochaines élections générales dans la circonscription de Jean-Lesage. Manifestement, il y a encore beaucoup de travail à faire.
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Au moment où Gilles Duceppe faisait escale à Québec, les conservateurs ont eu l'idée de dépoussiérer le rapport qu'il avait commandé à l'ancienne vice-présidente du Bloc québécois, Hélène Alarie, après la déconfiture de son parti dans la région de Québec aux élections fédérales de janvier 2006.
À l'époque, M. Duceppe n'avait pas aimé se faire reprocher sa «frénésie gauchiste» et sa vision «montréalcentrique». Hier, il a dit ne pas avoir vu les nouveaux messages publicitaires du PC, mais il devrait peut-être prendre la peine de relire le rapport Alarie d'ici au déclenchement de la prochaine campagne.
Un certain chauvinisme explique peut-être en partie le regain de popularité de l'ADQ à Québec. Un sondage effectué dans la région par la firme Segma Recherche indiquait récemment que 29 % des électeurs de la capitale aimeraient mieux voir le p'tit gars du coin, Gérard Deltell, prendre la tête d'un nouveau parti de droite, plutôt que François Legault (20 %).
On ne peut cependant pas accuser M. Deltell de prêcher uniquement pour sa paroisse. Alors que Jean Charest et Pauline Marois se sont tous les deux engagés à faire assumer par l'État québécois jusqu'à 45 % des coûts d'un nouvel amphithéâtre, le chef de l'ADQ a mis un bémol, insistant sur la nécessité d'une participation significative du secteur privé. La fin de non-recevoir opposé par Stephen Harper aux réclamations du maire Labeaume ne semble pas davantage avoir nui à la popularité du PC.
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Les considérations habituelles sur l'impopularité de Pauline Marois ne suffisent pas à expliquer pourquoi l'ADQ bénéficie à ce point de l'impopularité du gouvernement Charest à Québec. Les problèmes du PQ y sont bien antérieurs à son arrivée.
Pourquoi les habitants de la ville qui aurait tiré les avantages les plus évidents de la souveraineté ont-ils été moins enclins que les autres francophones à voter oui en 1995? Autre énigme: même si l'économie de la capitale s'est diversifiée, c'est là que la présence de l'État a l'effet le plus structurant. Pourtant, l'antiétatisme y est plus virulent que partout ailleurs.
Au départ, plusieurs ont tenu Gérard Deltell pour une quantité négligeable, mais il connaît bien sa clientèle. Contrairement à Mario Dumont, qui n'a jamais voulu se compromettre définitivement sur la question constitutionnelle, il a affiché sans hésitation son profond attachement au Canada.
À cet égard, la nomination de l'ancien président de la Standard Life, Claude Garcia, à la présidence de la commission politique de l'ADQ envoie un message clair. Il a eu beau s'excuser d'avoir déclaré en 1995 qu'il ne suffisait pas de vaincre le camp souverainiste, mais qu'il fallait aussi l'écraser, on ne dit pas une chose pareille sans avoir l'âme d'un kamikaze de l'unité canadienne.
On peut également compter sur M. Garcia pour donner du muscle au projet de société de l'ADQ. «Il y a trop de monopoles au Québec, que ce soit sur l'alcool, dans la santé ou sur les chantiers de construction», a-t-il déclaré d'entrée de jeu.
Le mystère de Québec ne semble pas à la veille d'être percé. Le phénomène n'est pas facile à expliquer, mais il ne faut surtout pas confondre l'effet et la cause: si tant d'animateurs de la radio poubelle y ont connu du succès, c'est que le terreau est particulièrement fertile.
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mdavid@ledevoir.com
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