Le multiculturalisme, nouvelle vache sacrée?

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Avec le temps, la censure idéologique du lobby multiculti se radicalise

Est-il devenu interdit de critiquer le multiculturalisme au Québec et au Canada ?


La réaction véhémente à l’endroit des tweets de Maxime Bernier sur le sujet nous porte à le croire.


Certes, le messager et la manière dont il a formulé son propos sont assurément en cause ici.


Ses tweets avaient quelque chose de dystopique, évoquant la « balkanisation culturelle » qui « amène la méfiance, les conflits sociaux et potentiellement la violence ». Et Bernier a malheureusement choisi des messages Twitter pour s’exprimer. Sans compter qu’il se trouve en porte à faux avec les positions du parti.


Mais au-delà du malaise explicable ; au-delà des personnalités en cause, sur le fond, on doit conclure qu’il a simplement repris un discours qui, jadis, était courant et accepté. Et tenu par une certaine gauche, qui acceptait alors d’en débattre.


« Apartheid doux »


L’année 1995 en est une faste pour la critique du multiculturalisme à la canadienne.


L’écrivain québécois Neil Bissoondath publie son essai intitulé Selling Illusions : The Cult of Multiculturalism in Canada, nourri par son parcours personnel d’immigrant au Canada, puis au Québec (en français : Le Marché aux illusions, Boréal).


Quelle était sa thèse, qualifiée à l’époque de « progressiste » ? « En faisant de la préservation des traditions immigrées une manière de politique culturelle, le multiculturalisme mine de l’intérieur l’unité et l’identité canadiennes. Dans ce sens, c’est une forme certes douce, mais néanmoins insidieuse d’apartheid, qui accroît les divisions dans un pays déjà divisé. »


Le livre fut amplement lu et discuté. Bissoondath, originaire de Trinidad-et-Tobago, qui vit à Québec, a été invité partout dans le reste du Canada. Le Parti progressiste-conservateur de Jean Charest, en 1996, citant Bissoondath, s’engage à abolir le « multiculturalisme institutionnel » !


En 1995, le chroniqueur du Toronto Star Richard Gwyn, réputé de centre gauche, publiait Nationalism without Walls (McClelland and Stewart). Lui non plus n’y va pas de main morte : « Le multiculturalisme officiel encourage l’apartheid, ou, pour utiliser un euphémisme, le “ghettoïsme”. »


Admettons que cela rejoint les propos du député beauceron. Je ne dis pas que cela les rend justes ou justifiés, je constate seulement que la « tolérance » face aux critiques du multiculturalisme s’est, à l’évidence, émoussée.


Désormais, on en fait instantanément l’expression d’une xénophobie, voire carrément du racisme. Il faut dire que, depuis 1995, des auteurs ont soutenu que les accusations d’apartheid « doux » de Bissoondath et Gwyn ne se vérifiaient pas dans les faits.


J’ai moi-même traduit un livre du philosophe canadien Will Kymlicka (La voie canadienne, Boréal, 2002) qui, à l’aide de données statistiques, réfutait ces thèses.


D’autres, toutefois, comme le sociologue américain Robert Putnam — l’inventeur du concept de « capital social » — ont conclu il y a une décennie, à la suite de recherches entre autres empiriques, qu’une grande diversité peut entraîner « de l’anomie et de l’isolement ».


Un pays sans identité ?


J’admets qu’avec ses tweets polémiques, Bernier n’a pas contribué à ce que le débat soit serein. Mais cela ne doit pas disqualifier tous les discours critiques à l’égard de l’idée extrême de Trudeau selon laquelle « there is no core identity, no mainstream in Canada ».


Le débat entre le Québec — qui a choisi l’interculturalisme — et le reste du Canada — qui a imposé le multiculturalisme — découle d’une insatisfaction du premier à l’égard de la politique fétiche de l’autre.


Le rapport Bouchard-Taylor de 2008 affirmait d’ailleurs que « le modèle du multiculturalisme canadien ne semble pas bien adapté à la réalité québécoise ». Philippe Couillard a, en substance, déjà dit la même chose.


Bouchard et Taylor écrivaient aussi que « de façon générale, toute collectivité a intérêt à maintenir un minimum de cohésion », a fortiori une petite nation comme le Québec, menacée de disparaître.


Évitons le nouveau tabou, donc.


LE CARNET DE LA SEMAINE


La diatribe de la semaine



Roch Cholette


Conjoint de la ministre de la Justice Stéphanie Vallée et ancien député libéral lui-même, Roch Cholette s’est carrément déchaîné sur les ondes au 104,7 en Outaouais, après le renvoi cavalier du député de Marquette, François Ouimet. Une charge rare, car elle contenait un appel clair à voter contre le PLQ : « Aux électeurs, j’espère que vous réalisez que pour le Parti libéral du Québec, si vous avez 58 ans et êtes blanc, vous n’êtes plus bons. Vous êtes “passé date”. On tourne la page. Peut-être qu’à votre tour, le 1er octobre, ça sera votre tour de tourner la page. »


Les choix de François 1er



François Legault


« Choisit » : voilà quel pourrait être un des mots les plus utilisés et les plus significatifs de la semaine. En effet, le titre de chaque communiqué par lequel le chef caquiste annonce une candidature est le même : « François Legault choisit Gilles Bélanger dans Orford », « François Legault choisit Line Cloutier dans Duplessis », « François Legault choisit Manon Gauthier dans Maurice-Richard », etc. Un collègue m’a fait remarquer qu’il y avait dans l’utilisation de ce verbe quelque chose de « régalien ». Bref, un petit côté monarchique. « Régalien, précise le Larousse, se dit d’un droit attaché à la royauté, ou qui, en république, manifeste une survivance des anciennes prérogatives royales. (Le droit de grâce du président de la République, en France, est un droit régalien) ».


Narcisse candidat



Cédric G.-Ducharme


Tous les candidats sont, à des degrés divers, narcissiques (on peut certes en dire autant de toute personne qui fait un métier public). C’est sans doute nécessaire pour être en mesure de dire « votez pour moi ». La ZoneAssnat du site web du Journal a trouvé un candidat qui semble fortement narcissique. Il est en plus bien nommé, c’est donc une sorte d’aptonyme : il se nomme « Cédric G.-Ducharme » et porte les couleurs du Parti québécois dans Borduas. Sur Facebook, jeudi, il s’est souhaité « bonne chance » et s’est auto-envoyé des baisers. En 2014, sur Twitter, le jour de son anniversaire, il s’écrivait à lui-même : « Joyeux 32e mon brave. » On peut vous laisser seuls si vous voulez, vous et vous.


LA CITATION DE LA SEMAINE


« Lorsqu’on regarde quelqu’un dans les yeux, et on lui serre la main [...] et que cette entente n’est pas respectée, ça fait mal. »


– François Ouimet, député libéral de Marquette, soutenant que le premier ministre Couillard n’a pas respecté sa parole