Vers une recomposition de la côte est nord-américaine

Le mouvement des plaques tectoniques

Le Québec pourrait tirer avantage de la dislocation des U.S.A.

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Chronique de Patrice-Hans Perrier

Gracieuseté du site : http://www.chlapresquile.qc.ca

Nous reprenons, sur Vigile, une analyse spécialement composée pour notre propre site et pour Dedefensa.org.

Les élites californiennes sont en train de fomenter une véritable sécession qui ouvre une boîte de Pandore abyssale. La dislocation anticipée des États-Unis d’Amérique est un sujet d’actualité qui tombe à pic à une époque où le Dominion canadien ne tient, tout simplement, plus en place. Les plaques tectoniques de la géopolitique nord-américaine risquent fort de pratiquer le grand écart à moyen terme. Le Québec pourrait bien, si ses élites se réveillaient, prendre le leadership d’un mouvement sécessionniste appelé à embraser toute la côte est du continent.

La réalité géographique

La province de Québec jouxte les états du Vermont, du New Hampshire et du Maine : il s’agit de trois états importants de cette Nouvelle-Angleterre qui compte une population totale avoisinant les 15 millions d’âmes. Cette même réalité tectonique fait en sorte que la Nouvelle-Angleterre semble se prolonger, plus au nord, en direction du Nouveau-Brunswick, toujours en frôlant un Québec qui n’est rien moins que l’héritier de la Nouvelle-France. De facto, le Québec partage beaucoup plus d’affinités avec ses voisins de la Nouvelle-Angleterre qu’avec l’Ontario, une province canadienne dont la genèse économique est intimement liée à la région de Detroit, puisqu’elle est devenue le centre de production de l’industrie automobile au nord des Grands Lacs.

Si la Californie se joint, dans un mouvement naturel, au Mexique, il en va de même en ce qui concerne la relation symbiotique qui unie la Nouvelle-Angleterre avec un Québec qui étouffe au sein d’une fédération canadienne construite d’est en ouest. L’implosion des deux fédérations nord-américaines, par-delà les questions de péréquation ou d’étiolement des anciens centres de production, nous apparait inévitable au vu de l’énormité des contradictions intrinsèques à leur développement historique. Montréal, Boston, New York et Philadelphie constituaient les principaux centres portuaires vers le milieu du XIXe siècle et c’est à partir de cette position côtière que se développera la première révolution industrielle du continent.

L’ironie de l’histoire

Rappelons, qu’entre 1860 et 1920, une portion importante de la population de la Province de Québec se déplacera, plus au sud, pour venir s’agréger à l’armée de réserve constituée par les ouvrières et ouvriers du textile. Chemin faisant, une part importante de la population de la Nouvelle-Angleterre fut irriguée par les ancêtres des Québécois. Cette saignée empêchera la « Belle Province » de reprendre le peloton de tête du développement économique de la côte est nord-américaine.

Étonnement, Montréal fut, autour de 1880, la troisième métropole en importance du Dominion britannique, après Londres et New Delhi. Son port était l’un des plus importants du continent nord-américain et de gigantesques usines polluaient le ciel des principaux quartiers ouvriers de la métropole québécoise. En outre, la rue Saint-Jacques, à deux pas du Vieux-Montréal, était surnommée la Wall Street du Canada au tournant du XXe siècle. Pourtant, en l’espace d’un rapide demi-siècle, le Québec sera victime du même étiolement industriel qui allait frapper la Nouvelle-Angleterre. Nos voisins du sud seront en mesure de compenser cette mue en réorientant leurs activités économiques du côté de la finance, des hautes technologies, de l’enseignement supérieur, des activités culturelles à valeur ajoutée et du tourisme.

L’aliénation d’une nation

Montréal, sans oublier Québec, notre capitale nationale, vont s’inspirer d’une ville comme Boston afin de mettre en branle une politique de développement de centres de recherche universitaires et de maillage avec certaines grappes industrielles ou commerciales supposément stratégiques. Tout cela sans oublier les innombrables transactions économiques avec l’état de New York, un flux continu d’échanges de biens et personnes qui soulève la problématique de l’implantation d’une desserte de trains à haute vitesse à l’intérieur d’un corridor qui permettrait de connecter rapidement la Nouvelle-Angleterre avec le Québec. Malheureusement, les mandarins d’Ottawa mettent, constamment, des bâtons dans les roues du développement de l’unique nation francophone d’Amérique.

Déjà, autour des années 2006 – 2008, les autorités québécoises enverront des émissaires discuter avec leurs homologues de la Nouvelle-Angleterre au sujet de la faisabilité d’un projet d’implantation d’une ligne de transport ferroviaire (fret et passagers) à haute vitesse reliant Montréal à Boston et, éventuellement, à la ville de Québec. D’autres scénarios avaient été étudiés en tenant compte de la possibilité de relier des centres névralgiques tels que New York, entre autres. Les prérogatives supérieures du domaine du transport relevant d’Ottawa, tout ce branle-bas de troupes n’aura servi à rien. Les études de faisabilité, les missions prospectives, les échanges de bons procédés, tout cela est resté lettre morte. Nous fûmes, en qualité de journaliste indépendant, au parfum de tout ce malencontreux dossier qui allait illustrer, une fois de plus, l’inféodation du Québec aux politiques de l’état fédéral canadien.

Montréal tentera une percée du côté de certains produits dérivés de l’activité boursière afin de compenser le déplacement du centre de gravité de ce secteur en direction de Bay Street. Peine perdue, puisque, même, les autorités financières en matière de transactions boursières ont toutes été regroupées au sein de Toronto, l’éternelle rivale qui aura capitalisé sur la production automobile, et d’autres secteurs industriels de pointe, pour drainer l’essentiel des activités financières au pays. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le Québec exporte une masse critique d’énergie hydroélectrique vers une Nouvelle-Angleterre qui tente de se soustraire à l’emprise des hydrocarbures et du charbon.

Toutefois, le gouvernement fédéral vient d’investir des sommes colossales afin de permettre aux provinces maritimes de venir concurrencer le Québec en matière d’exportation de l’hydroélectricité vers le sud. Nos impôts sont, encore une fois, confisqués afin de permettre à d’autres provinces de nous concurrencer sur des terrains que nous avions prospectés il y a déjà plus d’un demi-siècle. Quoi qu’il en soit, le Québec demeure, jusqu’à nouvel ordre, un géant nord-américain en matière de production hydroélectrique et nous avons développé plusieurs partenariats dans le domaine de la recherche et développement avec nos voisins de la Nouvelle- Angleterre. Il ne manque plus que de mettre en place un corridor ferroviaire de premier plan alimenté par cette énergie renouvelable. Ce projet permettrait, en outre, de trouver de nouveaux débouchés pour nos surplus hydroélectriques et notre expertise en matière de production de matériel ferroviaire. Comble de l’aberration, la division ferroviaire de Bombardier, un des derniers géants industriels du Québec, ne produit pas grand-chose localement, dans un contexte où le gros de ses activités se déroule à l’étranger.

Changement de paradigme

Force est de reconnaître que les Québécois se désintéressent d’une éventuelle indépendance. C’est la donne économique qui préoccupe la majorité de nos concitoyens et, pourtant, ils semblent avoir oublié que sans levier politique rien n’est possible. Dans un contexte où le Donald Trump ambitionne de renégocier l’ensemble des traités de libre-échange qui liaient son pays avec ses voisins immédiats, il va de soi que le Québec devra innover tout en accélérant le développement de ses relations privilégiées avec les citoyens de la Nouvelle-Angleterre.

L’état du Vermont, à l’instar de la Californie ou du Texas, pourrait bien se laisser tenter par le démon sécessionniste, d’autant plus que cet état a déjà été une république indépendante et qu’il pourrait se prévaloir d’accords constitutionnels spéciaux lui permettant de quitter la fédération si le cœur lui en disait. Le Québec et le Vermont ont été des lieux de prédilection pour la nation Abenakis qui prendra les armes aux côtés de la milice de la Nouvelle-France en butte à des escarmouches menées par la Confédération iroquoise pour le compte de la perfide Albion. N’oublions pas que tout le nord de ce qui constitue l’actuelle Nouvelle-Angleterre était encore aux mains de la France avant la défaite de 1763. Peu de temps après, les nouveaux colons puritains vont se lancer dans le développement frénétique de l’artisanat – poterie ; tannerie ; textile – et du commerce, ce qui va créer un mouvement d’échanges économiques importants entre ce qui allait devenir le Bas-Canada et les états du nord de la Nouvelle-Angleterre. Déjà, sous le régime français, d’importantes manufactures de poteries en terre cuite et porcelaine verront le jour dans la région sud d’une Montérégie donnant sur les frontières immédiates de la Nouvelle-Angleterre. Plus de trois siècles d’échanges culturels et commerciaux auront permis à la principale nation francophone d’Amérique de développer des antennes diplomatiques avec le berceau de la révolution industrielle nord-américaine.

Un destin commun

À partir de 1777, le Vermont se constituera en république indépendante et sera un des premiers états à abolir l’esclavage. C’est en 1791 que le petit état rejoindra l’Union des états de l’ancienne colonie britannique au sud du Canada. Cette mythique République des Verts Monts ( Republic of the Green Mountains ) tentera de rejoindre la province de Québec après son annexion à la Couronne britannique; mais sans succès. La République des Verts Monts avait, même, eu le front de battre monnaie et d’émettre des timbres postes. Curieuse coïncidence, le petit état du Vermont ne parviendra jamais à revenir à son état initial d’indépendance, exactement comme cette province du Québec incapable de s’affranchir de la tutelle britannique. Non des moindres, le Vermont est le premier état indépendant d’Amérique du Nord à s’être doté d’une constitution en bonne et due forme.

Il va sans dire que le Québec aurait intérêt, à brève échéance, à se forger une constitution afin de pérenniser ses assises en termes de nation en devenir. Et, dans un contexte où les forces fédéralistes feront tout pour nous obliger à réintégrer la Constitution canadienne, les patriotes n’ont plus le choix : il est urgent que les députés de l’Assemblée nationale du Québec unissent leurs voix pour qu’une pré-constitution soit adoptée d’ici 2020. La constitution du Vermont ne reconnaît-elle pas à ses citoyens le droit inaliénable de s’autogouverner ? On ne comprend pas que le Québec, doté d’un produit national brut dépassant celui de la Suisse, soit incapable de s’affranchir du carcan d’un Dominion canadien qui s’apparente à une implacable matrice coloniale.

Le Vermont aura moussé l’ascension d’un Bernie Sanders qui avait réussi à créer une véritable synergie citoyenne autour de sa candidature aux élections présidentielles américaines. Éliminé par les tractations obscures de la dynastie Clinton, Sanders demeure le vivant symbole d’un courant citoyen qui irrigue une part importante de la côte est nord-américaine. Le Québec en fait partie. Prisonnier des anciens lieux communs d’une politique parlementaire désuète, il serait temps que ses forces vives entreprennent de tendre la main à leurs voisins du sud. Et, le plus naturellement du monde, les fondations d’une véritable confédération de républiques indépendantes pourraient voir le jour au grand dam des puissances néocoloniales qui régentent toujours l’Amérique du Nord. Le Québec et le Vermont, n’ayant jamais osé prendre le large, auraient l’opportunité historique de rejoindre une nouvelle confédération représentant l’unique porte d’entrée vers l’indépendance effective. C’est ainsi, qu’à l’instar de la « Reconquista » mexicaine, les braises encore fumantes de la Nouvelle-France pourraient bien reprendre vie pour que la civilisation française brille à nouveau de ce côté-ci de l’Atlantique.

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Patrice-Hans Perrier181 articles

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Patrice-Hans Perrier est un journaliste indépendant qui s’est penché sur les Affaires municipales et le développement urbain durant une bonne quinzaine d’années. De fil en aiguille, il a acquis une maîtrise fine de l’analyse critique et un style littéraire qui se bonifie avec le temps. Disciple des penseurs de la lucidité – à l’instar des Guy Debord ou Hannah Arendt – Perrier se passionne pour l’éthique et tout ce qui concerne la culture étudiée de manière non-réductionniste. Dénonçant le marxisme culturel et ses avatars, Patrice-Hans Perrier s’attaque à produire une critique qui ambitionne de stimuler la pensée critique de ses lecteurs. Passant du journalisme à l’analyse critique, l’auteur québécois fourbit ses armes avant de passer au genre littéraire. De nouvelles avenues s’ouvriront bientôt et, d’ici là, vous pouvez le retrouver sur son propre site : patricehansperrier.wordpress.com





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1 commentaire

  • Yves Corbeil Répondre

    26 mars 2017

    Merci Monsieur de maintenir ce site qui fait rêver et réfléchir. Si seulement il y avait plus de gens qui se tiendraient au courant de ce qu'il se passe chez nous autrement que par le journal de Montréal, peut-être pourrions-nous tous rêver comme vous.
    https://patricehansperrier.wordpress.com/
    Merci encore pour tout,