Le ministre Clement remet en doute les données du recensement

Recensement 2011

Hélène Buzzetti - Ottawa — Le ministre de l'Industrie, Tony Clement, remet en doute les données recueillies par Statistique Canada lors des recensements précédents. Selon lui, le fait que les citoyens étaient obligés de répondre au questionnaire long rendait les informations moins fiables. C'est pour cette raison qu'il a voulu le rendre volontaire.
En entrevue avec le Globe and Mail mercredi soir, le ministre Tony Clement a fourni une explication supplémentaire pour justifier les changements apportés par son gouvernement au recensement. Il voulait mettre fin, dit-il, «à la coercition de l'État».
«Je crois qu'on obtiendra une réponse beaucoup plus honnête et enthousiaste que celle obtenue lorsqu'on brandit la menace d'une amende ou d'une peine de prison pour arracher une réponse, a dit le ministre Clement. Je m'interroge sur la validité de cela.»
Le 26 juin dernier, alors que tous les regards étaient tournés vers les sommets du G8 et du G20, le gouvernement conservateur a fait savoir que le long questionnaire du recensement de 2011 ne serait plus obligatoire comme il l'a toujours été dans le passé. Dans ce questionnaire, envoyé à 20 % de toute la population canadienne, on interroge les gens sur le nombre d'heures qu'ils travaillent, le salaire qu'ils touchent, la ou les langues qu'ils parlent, leur origine ethnique, etc.
Les citoyens sont obligés d'y répondre. Le taux de réponse est d'ailleurs de près de 97 %. Des poursuites en justice ont eu lieu dans le passé contre les récalcitrants. Le ministre Clement a indiqué que les questions étaient «très intrusives». «Nous avons tenté de trouver un équilibre entre les préoccupations des gens à propos de cela et le besoin de données.» Le porte-parole de M. Clement n'a pas répondu à notre demande de clarification des propos du ministre.
Le long questionnaire n'étant plus obligatoire, il sera envoyé à un plus grand nombre de personnes: une sur trois au lieu d'une sur cinq. Tous les chercheurs qui utilisent les données du recensement crient à la catastrophe. Ils font valoir que les données ne seront plus aussi fiables si le taux de réponse diminue, ce qu'il fera assurément à leur avis.
«Est-ce que cela va subir le même sort que les sondages privés, c'est-à-dire que ça restera sur le coin de la table de cuisine pendant des jours, puis finira dans les poubelles?» se demande Jean-Guy Prévost, de l'UQAM. Le spécialiste du recensement explique que le long questionnaire est comme un énorme sondage. Il permet notamment de valider la représentativité de l'échantillon restreint des sondages des firmes privées en servant d'étalon.
En outre, il s'inquiète de la perte d'information auprès de segments de la population moins susceptibles de répondre à un questionnaire volontaire comme les nouveaux arrivants, les personnes ne maîtrisant pas totalement les langues officielles, les autochtones et les personnes défavorisées. Les résultats du recensement pourraient en être d'autant faussés.
Le Bloc québécois a condamné cette décision, dénoncée d'ailleurs par les municipalités, les professeurs d'université et les entreprises. «En réduisant la qualité de l'information disponible, le gouvernement tente de museler les critiques légitimes qui sont souvent apportées à leurs politiques», estime le Bloc.
L'Association francophone pour le savoir (Acfas) a uni sa voix au concert de critiques hier. «Les chercheurs en sciences sociales ne peuvent se passer de ces données complètes et fiables, a dit son président, Pierre Noreau. C'est par leur analyse que les chercheurs peuvent proposer des solutions aux grands défis qui nous attendent: vieillissement de la population, gestion du système de santé ou encore immigration. [...] Le gouvernement mesure-t-il les implications de cette décision en jetant ainsi un voile opaque sur la société qu'il représente et qu'il gouverne?»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->