Le mal est fait

Dion-le-fossoyeur

Il aurait pourtant suffi, pour éviter le dérapage auquel nous assistons, que le chef libéral fasse acte d'autorité la semaine dernière et condamne, sans équivoque les propos du directeur général de son parti. Il aurait suffi de trois mots de la part de celui-ci pour passer à autre chose: «Je m'excuse.»


Mais ça ne s'est pas passé comme ça. D'abord, Jamie Carroll a nié avoir envoyé paître les militants du Québec, puis son chef l'a cru et défendu, refusant d'écouter ses propres députés et ses principaux organisateurs.
Erreur grave. Fatale, même. Dans un parti politique, c'est le caucus qui maintient un chef en poste par sa confiance et ses organisateurs sur le terrain qui assurent sa survie par le financement et le recrutement. En moins d'une semaine, Stéphane Dion a perdu et les uns et les autres.
Si on reconnaît un chef à ses qualités de rassembleur, le moins que l'on puisse dire, c'est que M. Dion a tristement échoué à tous les tests en cette rentrée automnale.
Du coup, le diable est aux vaches, encore une fois, au PLC. Quand il est question de guerres internes, on parle souvent des turbulents péquistes, mais le PQ a l'air d'un paisible salon de thé ces temps-ci en comparaison avec le Parti libéral du Canada.
Résumons le bordel des derniers jours: le DG Jamie Carroll résiste à la pression grâce au soutien de son chef, mais finit par claquer la porte hier en menaçant de poursuivre son parti. M. Dion a annoncé hier des changements dans son entourage, mais le mal est fait: le caucus québécois a tourné le dos à son chef, qui a ignoré ses récriminations à l'égard de M. Carroll et ses demandes de changements après la dégelée dans Outremont. Des poids lourds de son caucus, Pablo Rodriguez, Denis Coderre et Marcel Proulx ont réclamé le départ de M. Carroll, en vain. Une autre députée, Raymonde Folco, a déclaré ouvertement que son chef ne passe pas et qu'il est trop tard pour y changer quoi que ce soit. Meurtri, M. Dion, s'est terré dans un coin pour ruminer sa colère.
Comme les malheurs viennent toujours en lots, des candidats pressentis, dont Marc Garneau et Paul Leduc, ont sauté du train avant le déraillement. Même des candidats largement inconnus dans des circonscriptions imprenables ruent dans les brancards. C'est le cas de Pierre-Luc Bellerose, dans Joliette, et de Fabrice Riveault, dans Laurier-Sainte-Marie. Le premier quitte avec fracas. Le second menace de poursuivre le PLC pour avoir le droit de se présenter.
Au passage, un autre fidèle de Stéphane Dion, Michel Joncas, un des rares organisateurs qui lui ont permis de remporter la course à la direction, a lui aussi décidé de quitter le navire, lundi. L'avocat de Sherbrooke, loyal supporteur de M. Dion, n'en peut apparemment plus du climat de paranoïa et des guerres internes au PLC.
Il faut rappeler que Stéphane Dion a été élu chef contre les militants et le caucus du Québec, majoritairement regroupés derrière Michael Ignatieff. La direction de l'aile québécoise du PLC est encore dominée par d'ex-partisans de M. Ignatieff, à commencer par le président, Robert Fragasso. En plus, M. Dion, s'est entouré de plusieurs loyaux conseillers de Paul Martin, ce qui contribue à la paranoïa ambiante.
Une illustration, surréaliste celle-là, de ce climat malsain: il y a deux semaines, Paul Martin, qui est toujours député de LaSalle-Émard, a fait quelques téléphones auprès de libéraux influents, question de parler de l'état du parti. Il n'en fallait pas plus pour que la machine à rumeurs s'emballe, certains députés croyant que M. Martin préparait un retour!
On voit mal dans les circonstances comment Stéphane Dion peut sérieusement vouloir faire tomber le gouvernement dans deux semaines et provoquer des élections. Pourtant, des organisateurs et des députés qui lui ont parlé ces derniers jours affirment que leur chef envisage sérieusement ce scénario.
Pendant ce temps, certains profitent de la faiblesse du chef pour y aller de quelques initiatives. Comme Bob Rae, candidat malheureux de la course à la direction, qui a publié cette semaine une longue lettre en faveur d'un gouvernement fédéral fort affirmant sans complexe son pouvoir de dépenser dans les champs de compétence des provinces.
Et comme la commission électorale du PLC-Québec, qui a dressé une liste de candidats pour des circonscriptions normalement «réservées» par le chef. Et vlan dans l'autorité! On y retrouve, notamment, Liza Frulla dans LaSalle-Émard, une candidate dont Stéphane Dion ne veut rien savoir et qui affirme elle-même ne pas vouloir se présenter maintenant.
Duceppe partira, partira pas
Rarement a-t-on vu une réaction aussi forte de la part de Gilles Duceppe. Fallait écrire que le chef du Bloc préparait son départ pour que celui-ci retrouve une fougue que l'on n'avait pas vu chez lui depuis un bail.
«Jaunisme», «journalisme de bas étage et sans rigueur», M. Duceppe a accusé hier notre chef de bureau, Joël-Denis Bellavance, de tous les maux.
Évidemment, M. Duceppe ne veut pas avoir l'air d'un canard boiteux avant les élections, mais le rôle du pitbull, c'est un peu exagéré. Le collègue Bellavance, dont les sources sont fiables, n'a fait qu'écrire ce qui se dit tout bas dans l'axe PQ-BQ depuis des mois.
C'est peut-être, à bien y penser, ce qui explique la colère du chef bloquiste.
Un candidat pas branché
Pour un ancien PDG d'Hydro-Québec, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'André Caillé a du mal à se brancher.
En 2004, il avait accepté de se présenter dans Honoré-Mercier pour les libéraux de Paul Martin avant de changer subitement d'avis. Depuis plusieurs mois, il se laisse courtiser par les conservateurs, qui pensaient jusqu'à cette fin de semaine que l'affaire était conclue. Mais pas si vite, voici maintenant que M. Caillé zieute l'attrayante ADQ.
À force de chercher, M. Caillé finira peut-être par trouver la lumière.
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