Le justicier

«le MTQ ne possède aucun estimateur spécialisé en mesure d'évaluer ponctuellement le coût réel d'un projet de construction d'infrastructure routière»

Actualité québécoise - Rapport Duchesneau

La réingénierie de l'État par JJC se révèle donc être un remplacement de professionnels par des criminels... Duchéno-Pépito-Pinocchio rejoint donc le train de Gepetto-Charest. - Vigile
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À chaque période de questions à l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, répète inlassablement son laïus sur la nécessaire séparation entre le politique et le judiciaire.
Jeudi matin, son vis-à-vis péquiste, Stéphane Bergeron, s'interrogeait sur la longueur de l'enquête menée sur l'ancien ministre de la Famille, Tony Tomassi, qui a dû démissionner il y a 17 mois après avoir utilisé une carte de crédit fournie par l'agence de sécurité BCIA. Réponse de M. Dutil: «Le ministre ne peut pas s'impliquer dans les enquêtes policières. Point à la ligne.»
Dans une lettre adressée à La Presse, qui n'est pas signée, mais dont l'authenticité a été vérifiée, des policiers de la SQ se plaignent pourtant d'une ingérence systématique du gouvernement dans leur travail. «Dans notre système actuel, il n'y a aucune indépendance entre le pouvoir policier et le pouvoir politique et c'est ce dernier qui dicte ses ordres au DG et aux DGA de la Sûreté», peut-on y lire.
Les enquêtes policières seraient orientées de manière à éviter d'éclabousser les membres du gouvernement. Malgré la création de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), ces policiers «très bien placés» se disent convaincus de la nécessité d'une commission d'enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction.
Entre les assurances répétées de M. Dutil et la réalité décrite par les auteurs de la lettre, il y a un véritable abîme. Bien entendu, la direction des communications de la SQ s'est empressée de réfuter ces allégations. Le ministre de la Sécurité publique va certainement profiter de la première occasion pour expliquer qu'une lettre anonyme n'a aucune crédibilité. L'Association des policiers provinciaux s'est abstenue de tout commentaire, mais il est manifeste qu'il existe un sérieux malaise au sein des forces policières.
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Hier, à l'issue de sa rencontre avec le ministre des Transports, Pierre Moreau, Jacques Duchesneau affichait un optimisme de circonstance sur les suites que le gouvernement donnera à son rapport. «On s'en va dans la bonne direction», a-t-il dit. Peut-être, mais le gouvernement s'était aussi engagé à suivre les recommandations du vérificateur général, qui avait fait des constats semblables dans son rapport de 2009.
Maintenant qu'il a lu le rapport, le premier ministre Charest assure qu'il prend la situation très au sérieux. M. Moreau aussi se dit bien intentionné. Pourtant, durant toute la semaine, il a nié l'existence de ces «extras» qui permettraient aux firmes de génie-conseil de contribuer généreusement à la caisse des partis politiques. À l'entendre, tous ces dépassements de coûts sont parfaitement justifiés.
Hier, en point de presse, il s'est employé à minimiser la perte d'expertise que déplore le rapport. Les témoignages recueillis au sein même de son ministère sont pourtant éloquents. «En dix ans, le MTQ a perdu toute son expertise technique au profit des firmes de génie privées. Comme nous ne sommes plus capables de recruter des ingénieurs au ministère, il sera difficile de renverser la situation.»
Ainsi, «le MTQ ne possède aucun estimateur spécialisé en mesure d'évaluer ponctuellement le coût réel d'un projet de construction d'infrastructure routière». Il ne dispose pas davantage des ressources pour vérifier les erreurs ou les omissions que pourraient receler les plans et devis et qui ouvrent précisément la porte aux «extras».
Avant qu'il soit nommé à la tête de l'Unité anticollusion du MTQ, M. Duchesneau se disait lui aussi d'avis que les enquêtes policières étaient insuffisantes et que seule une commission d'enquête permettrait d'aller au fond des choses.
Ses nouvelles fonctions lui interdisent de contredire ouvertement la position du gouvernement, mais ce qu'il a découvert au MTQ ne l'a certainement pas fait changer d'idée. En réalité, il pense probablement la même chose que les policiers de la SQ qui ont écrit à La Presse.
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M. Duchesneau a la réputation d'avoir un ego surdimensionné, mais son goût pour les feux de la rampe et le désir de corriger certaines interprétations qu'on a pu faire de son rapport n'expliquent sans doute pas à eux seuls sa décision d'accepter l'invitation de Tout le monde en parle, au risque de froisser la susceptibilité des députés devant lesquels il comparaîtra mardi prochain.
Le patron de l'Unité anticollusion du MTQ a une âme de justicier. Il sait aussi que seule une énorme pression de l'opinion publique pourrait éventuellement forcer le premier ministre Charest à déclencher une enquête publique. Malgré tout le respect qu'on doit aux institutions parlementaires, Guy A. Lepage lui offrait une bien meilleure tribune.
Dans l'entrevue qu'il a accordée à ma collègue Kathleen Lévesque, du Devoir, M. Duchesneau s'est bien défendu d'avoir la moindre intention de tenter une nouvelle incursion sur la scène politique, treize ans après sa candidature malheureuse à la mairie de Montréal. «C'est encore une rumeur pour me discréditer», dit-il.
Il a sans doute raison de se méfier. Ses éventuels adversaires sont cependant les premiers à reconnaître qu'un ticket Legault-Duchesneau ferait un malheur.


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