Le grand test de Michael Sabia

CDPQ - Où va Michael Sabia?



(Montréal) La Caisse de dépôt et placement du Québec saura-t-elle regagner la confiance des Québécois et des 25 institutions qui se fient à elle pour faire fructifier leurs milliards?
C'est à ce défi, colossal, que l'on évaluera Michael Sabia.
Depuis son arrivée controversée à la présidence de la Caisse de dépôt, ce dirigeant a fait plusieurs gestes qui ont changé, de façon significative, les orientations et les façons de faire de cette société vieille de 44 ans. L'expression «recentrage» que la Caisse emploie ne rend d'ailleurs pas justice à l'ampleur de cette transformation extrême, qui n'est pas que cosmétique.
Mais il faut bien voir que la Caisse n'avait pas le choix, devant la grogne de moins en moins sourde de ses déposants, abasourdis par le rendement de -25% enregistré en 2008.
La rébellion était-elle dans l'air? «Ils étaient tannés d'avoir des mauvaises surprises», résume diplomatiquement Bernard Morency, premier vice-président, gestion des comptes des déposants, en rencontre à La Presse.
Michael Sabia se donne 18 mois pour accomplir sa première mission, qui revient dans son discours comme un leitmotiv: «Renforcer les fondations de notre maison, pour rétablir nos résultats à moyen terme.»
Les journalistes qui côtoient l'institution au quotidien ont déjà remarqué la plus grande transparence de la Caisse, qui vient de s'engager à donner un aperçu de ses résultats à la mi-année. Ses dirigeants sont maintenant accessibles pour expliquer les nouvelles et les situer dans leur contexte, ce qui était impensable par le passé.
Mais cela, c'est la partie la plus facile d'un changement d'orientation qui bouscule les pratiques établies à la Caisse.
L'institution calculera mieux ses risques. Par exemple, la Caisse n'abandonnera pas le secteur immobilier même si celui-ci souffre de l'effondrement du marché commercial aux États-Unis (-40% en moyenne depuis 2007, selon l'agence Bloomberg). En revanche, la Caisse se limitera aux hypothèques de premier rang plutôt que de consentir des prêts mezzanines ou d'investir dans des titres d'emprunts immobiliers d'une complexité qui frise l'opacité.
La Caisse compte aussi investir davantage au Québec, dans des PME qui ont du potentiel à l'international. Ce faisant, Michael Sabia a habilement balayé sous le tapis le sempiternel débat entre le rendement et le développement du Québec. Comme les investissements dans les marchés que l'on connaît le mieux, de par leur proximité, sont censés rapporter plus, il n'y aurait plus de contradiction entre ces deux considérations.
Mais le changement le plus significatif est assurément la relation que la Caisse entretient avec ses déposants. Ces institutions, dont la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec, pour n'en nommer que deux, auront une grande liberté de choix. Mais une liberté tout de même balisée: les déposants ne pourront retirer leur argent de la Caisse et le placer où bon leur semble.
Contrairement à ceux qui estiment que la Caisse est devenue trop grosse pour le Québec, Michael Sabia défend l'intégrité de l'institution avec conviction. Seule une institution forte pourra participer à de grandes transactions internationales et s'offrir des services de recherche à la pointe. La Caisse est ainsi en voie de recruter un économiste en chef de renommée mondiale.
«À ce moment-ci dans l'histoire, la taille de la Caisse représente un actif important», dit Michael Sabia.
Les déposants auront néanmoins des choix qui vont beaucoup plus loin que leur seule politique de placement. Comme annoncé en décembre, les déposants pourront investir dans des fonds indiciels plutôt que de confier la partie internationale de leur portefeuille d'actions aux gestionnaires de la Caisse. Étant donné que la performance de ces fonds mime celle des grands indices, ces déposants ne feront ni mieux ni pire que les marchés boursiers.
Autre nouveauté, les déposants pourront aussi choisir leur degré de protection (la couverture dans le jargon) aux variations du taux de change, de l'inflation et des taux d'intérêt.
Ces ouvertures font suite aux demandes exprimées par les déposants au printemps et à l'été, lors des nombreuses rencontres tenues avec les déposants, précise Bernard Morency, aussi responsable des initiatives stratégiques.
La question est de savoir si en entrouvrant la porte, les déposants de la Caisse prendront la poudre d'escampette. Michael Sabia fait le pari, audacieux, qu'ils ne se prévaudront pas tous de cette liberté, ce qui réduirait la taille de la Caisse, dont il s'enorgueillit. En effet, les actions internationales peuvent représenter plus de 20% des portefeuilles. Les déposants prendront cette décision le mois prochain, au moment même où, coïncidence, la Caisse dévoilera ses résultats financiers 2009.
La Caisse n'a pas perdu d'argent l'an dernier. Néanmoins, son rendement global, qui devrait tourner autour de 6%, selon les informations qui ont déjà filtré, va encore souffrir de la comparaison, en cette année de transition.
La nouvelle philosophie d'investissement de Roland Lescure, qui privilégie les investissements par industrie plutôt que par grande région géographique, saura-t-elle séduire les déposants? C'est le grand test de la nouvelle équipe de direction pilotée par Michael Sabia.
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Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca
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