Le flou complexe

Un refus aussi entêté est presque devenu la meilleure preuve de sa nécessité

Les astuces-de-morons du Parti des oligarchies - aucun état d'âme, aucun honneur, mais IMPUTABLES!!



Moins de 24 heures après le témoignage «troublant» de Jacques Duchesneau en commission parlementaire, il aurait été un peu délicat d'écarter du revers de la main sa proposition d'une commission d'enquête en deux temps, mais le premier ministre Charest a donné la nette impression de chercher des problèmes à une solution que plusieurs voyaient pourtant comme une porte de sortie à la crise actuelle.
Certes, la proposition de M. Duchesneau sera étudiée, mais M. Charest a noté d'entrée de jeu le «niveau de complexité» d'une telle formule, de même qu'un «certain flou» dans le partage de ce qui devrait être fait à huis clos et en public. Un flou complexe ou une complexité floue, selon le point de vue.
À peine une heure plus tard, à l'entrée du Conseil des ministres, l'inquiétude du leader parlementaire et ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, avait encore monté d'un cran. Il constatait maintenant l'«extrême complexité» de l'exercice. Qu'en sera-t-il dans trois jours?
Il est vrai que les explications de M. Duchesneau n'ont pas été limpides. Il se défend bien de vouloir se lancer en politique, mais il montre de très belles dispositions. Manifestement soucieux de ne pas effaroucher les libéraux, M. Duchesneau a d'abord insisté sur les avantages du huis clos, avant de réitérer sa foi dans les vertus d'une commission publique. L'évocation du modèle australien, inconnu de tous, n'a rien fait pour clarifier les choses.
En réalité, tout cela ne devrait pas être si difficile à démêler, à condition d'y mettre un peu de bonne volonté, mais rien n'est moins sûr. À partir des trois critères énoncés par le premier ministre, il ne devrait pas être très difficile d'organiser un bel enterrement.
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Au lendemain de sa comparution, M. Duchesneau se voulait optimiste. «Je pense que M. Charest va agir», a-t-il déclaré dans une entrevue au 98,5. Le premier ministre doit en effet sentir l'impérieuse nécessité de faire un geste, mais pas nécessairement celui-là.
Le collègue J. Jacques Samson, du Journal de Québec, rapportait hier que le gouvernement est à la recherche d'une personnalité irréprochable qui agirait comme une sorte de superprocureur chargé de voir à ce que les enquêtes policières se traduisent le plus rapidement possible en poursuites judiciaires.
Déjà, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, s'était inspiré de l'exemple de New York pour créer l'Unité permanente anticorruption (UPAC), dont l'équivalent new-yorkais s'est précisément adjoint les services d'un procureur spécial.
Même si M. Charest arrivait à dénicher la perle rare, il serait très douteux que l'opinion publique y voie une solution de remplacement valable à une commission d'enquête publique. Elle soupçonnerait plutôt une nouvelle astuce.
La population a déjà trouvé son M. Net dans la personne de M. Duchesneau, qui semble déterminé à ne pas lâcher le morceau. Si le gouvernement refuse de tenir une enquête publique, le patron de l'Unité anticollusion s'est dit prêt à «prendre le bâton du pèlerin».
Il pourrait devenir très encombrant s'il décidait de partir en croisade. Il n'y a rien de pire qu'un homme qui s'accroche à son rapport. Jamais Robert Bourassa n'aurait cru que Jean Allaire lui donnerait autant de fil à retordre. Auréolé par son rapport sur le déséquilibre fiscal, Yves Séguin n'a jamais voulu en démordre, malgré les adjurations de Jean Charest: le gouvernement fédéral était un véritable vampire.
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Mardi soir, le député péquiste de Richelieu, Sylvain Simard, qui présidait la commission parlementaire, s'était moqué de la proposition de M. Duchesneau. Son volet public serait «une sorte de colloque universitaire», raillait-il. Hier matin, Pauline Marois la défendait bec et ongles.
Il ne fait pas de doute que le PQ souhaite sincèrement la création d'une commission d'enquête publique. Il n'en serait pas moins très embêté s'il fallait que le premier ministre change soudainement son fusil d'épaule. Du coup, il perdrait son principal cheval de bataille. À défaut de faire la souveraineté, délivrer le Québec de «l'empire malfaisant» dénoncé par M. Duchesneau peut toujours être présenté comme une noble mission à des militants désabusés. Au sein du caucus péquiste, c'est à qui trouvera le contrat le plus juteux pour démontrer l'étendue de la turpitude libérale.
Il faut vraiment que M. Charest craigne comme la peste ce qui pourrait surgir de cette boîte de Pandore pour qu'il s'enferme dans un refus qui explique en grande partie pourquoi le taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement bat tous les records depuis deux ans.
S'il donnait le feu vert à une enquête, il serait pourtant très facile de faire traîner les choses de manière à ce que rien de compromettant n'en sorte avant les prochaines élections. Un refus aussi entêté est presque devenu la meilleure preuve de sa nécessité.
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mdavid@ledevoir.com


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