Le démon de l’immigration

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Jean-François Nadeau n'a rien compris à l'immigration massive. En 1900, il s'agissait de coloniser le Canada par l'immigration européenne, aujourd'hui c'est le Tiers-Monde qui est importé au Québec avec toujours le même objectif : nous mettre en minorité démographique !

Ce ressassement du thème de l’immigration en temps d’élections, comme s’il disait tout de la nation, a quelque chose de fascinant. Voit-on dans cette fixation sur l’Autre, sous le couvert de quelques principes vagues qui n’en sont pas moins brutaux, une solution toute faite pour endiguer l’érosion sociale ? La confusion dont François Legault se fait à cet égard le colporteur est symptomatique. Tout, dirait-on à l’entendre, passe par l’immigration. Et la maternelle pour les quatre ans.


Aucune discussion ou presque durant cette campagne sur les paradis fiscaux qui grèvent les finances de l’État et les moyens dont il dispose pour affirmer sa cohésion. Ainsi en est-on réduit à entendre un premier ministre justifier la déconfiture sociale en allant jusqu’à affirmer qu’il est possible pour une famille entière, à condition d’être créatif, de se nourrir avec 75 $ par semaine. Sur la foi de cette déclaration abracadabrante dont il ne sait plus comment se dépêtrer, on voit un millionnaire comme François Lambert, candidat pressenti pour les conservateurs, lui emboîter le pas et affirmer qu’il sait maintenant pour qui voter !


Depuis mars dernier, M. Lambert a affirmé plus d’une fois qu’il était facile de nourrir une famille avec si peu. S’érigeant volontiers en exemple, publiant ici et là sa liste d’épicerie, il oublie chemin faisant de compter le prix de tout ce qu’il tient par ailleurs à sa disposition, de sa ferme jusqu’à sa maison, sans penser non plus à effacer les photos des réseaux sociaux où on le voit partir en hélicoptère pour aller manger à Sacacomie ou bien bouteille à la main au milieu de sa cave à vin ou encore devant une montagne de homards qu’il s’apprête à déguster.


Pour les démunis qui vivent dans un autre pays que ceux de ces nantis, M. Couillard promet non pas une hausse de salaire, mais cette charité moderne renommée « plan de lutte contre la pauvreté ». Il ajoute, bon prince, la promesse de baisser les impôts, comme si cela ne profitait pas essentiellement à ceux qui sont déjà en haut.


Mais on préfère se tirer les cheveux au sujet de l’immigration, ce qui déplace la question de l’unité nationale sur un alibi porté tout entier par autrui. Voilà qui est bien commode quand vient le temps de s’éviter de parler de pauvreté.


Parlons donc pour une fois d’immigration. Faut-il parier sur le pouvoir de l’interdire, comme si cela était la promesse première d’un monde meilleur ? À quoi peut rimer une politique qui érige aussi fortement en principe général d’avenir une volonté d’endiguer ce qui a assuré précisément la constitution de son passé ?


« Le nombre des immigrants qui viennent au milieu de nous augmente constamment et dans des proportions considérables. » Ce n’est pas là le préambule d’une critique articulée par quelques nostalgiques d’une société fermée qui n’a d’ailleurs jamais existé que dans leur tête, mais bien le début d’un reportage paru en 1905, au temps où « la patrie » était aussi le nom d’un journal. « Bientôt, le travail et la bonne conduite aidant, ces pauvres gens dont, hier encore, l’estomac criait famine, auront des biens au soleil et contribueront à l’augmentation de la richesse du Canada », poursuit le journal.


L’immigration ne date pas d’hier. Les Québécois ne revendiquent pas pour rien, chaque fin d’hiver, des racines irlandaises lors des fêtes de la Saint-Patrick. Il est loin le temps où Lionel Groulx pouvait écrire, sans susciter l’ire, que les relations sexuelles avec les Autochtones n’avaient heureusement engendré que des enfants incapables de se reproduire à leur tour ! « En Amérique, on est tout’une gang de bâtards », rappelait en chanson Plume Latraverse.


Sur ces 117 271 personnes arrivées en 1905, « 491 seulement ont été renvoyées d’où elles venaient ». Elles n’avaient pas échoué à un test flou de valeurs à la François Legault, mais elles étaient atteintes de maladies contagieuses ou alors leur casier judiciaire était trop chargé.


Le Québec comptait alors 1,7 million d’habitants et le Canada, 5 millions. En comparaison, toutes proportions gardées, cela représente trois fois plus d’immigrants qu’aujourd’hui. Le nombre d’immigrants oscille désormais entre 250 000 et 300 000 par année pour… 38 millions d’habitants.


En 1913, le Canada reçoit 400 000 immigrants. Sa population n’est que de 8 millions d’habitants. Dans les années 1930, alors que les parfums nauséabonds de l’intolérance empestent l’air de l’Occident, l’immigration est stoppée quasi complètement. Mais beaucoup de discours insensés continuent d’expliquer que les immigrants, présents ou pas, expliquent le tout des malheurs du monde ! Voilà de tout temps un bouc émissaire commode. Il faut attendre 1957 pour que le nombre d’immigrants accueillis au Canada remonte à 280 000, c’est-à-dire à peu près celui de ces années-ci. Sauf que la population totale du pays est alors deux fois moins importante ! En proportion, nous jonglons désormais avec de petits chiffres.


> La suite sur Le Devoir.



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