Le décrochage scolaire, un des symptomes d'une décadence systémique

Le village, le discours, la cours d'école, l'offre de cours

Tribune libre

Du décrochage scolaire, tout le monde en parle, depuis plusieurs années. De quoi parle-t-on, de quoi s’agit-il au juste ? Plus de 3 enfants sur dix quittent l’école avant la fin du cycle secondaire. Le constat s’avère plus sombre chez les gars, mais somme toute le dilemme du décrochage demeure troublant. Le regard s’arrête là. Si l’on ne parle de l’abandon qu’au secondaire, ce n’est pas que le phénomène disparaît aux cycles supérieurs, collégial et universitaire.
Le décrochage est symptomatique d’une crise sociétale plus profonde, étendue et d’une nature toute différente. Déjà, que la société soit incapable d’en faire un juste diagnostic, malgré les compétences dont regorgent nos centres du savoir, mérite une attention non paresseuse. Des décrocheurs, sont manifestement partout, les grévistes et tous ceux qui ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes à leurs postes d’attache. L'univers décrocheur ne commence pas au débarcadère. Des agents de l'éducation publique, notamment bien des medias populistes, excellent de zèle tout en étant déconnectés de notre idéal sociétale. Cette forme de décrochage, maligne, fait des ravages indémesurables. Ce n’est sûrement pas de leur faute, ou plutôt que si. Un instant, ne nous disputons pas les responsabilités, mieux faut-il nous regarder dans le miroir. Quelle école voulons-nous, et quelle école construisons-nous ?
L’école de notre idéal est celle où l’enfant trouve plus d’attache que de reflue. Plus social que rationnel, le jeune est attentif aux rêves, aux activités récréatives. Notre école qui nivelle par le bas, qui ne valorise pas l’excellence intellectuelle, fait-elle rêver ? Je ne juge pas, je pose la question. Un constat indéniable, notre société a un sérieux différend avec l’intellect. « Être très intelligent », n’est pas très apprécié, surtout s’agissant des leaders. A l’école, le jeune brillant, est stigmatisé par les camarades. Le « nerdz » ! Et rien n’est fait, pour redresser cette attitude de « décrocheuse ». Est-ce que l’école peut faire quelque chose, sans s’exposer aux foudres des milieux environnants ? Tout le monde marche sur des œufs. Et pourtant, les jeunes qui décrochent ne sont plus des poussins, encore moins des œufs. Où est le bug ?
Lors d’une cérémonie de graduation à une école que je ne nommerai pas, triste est ma surprise de n’entendre que des éloges pour les athlètes physiques, aucune mention pour ceux de l’esprit. Ces derniers n’ont pas de visibilité, à moins d’avoir les moyens de parader en limousine. Quelle valeur nos jeunes attachent-ils encore au diplôme ou aux études, pour s’y accrocher ? Est-ce que notre société leur en suggère ? Certainement, mais le défi n’est pas d’avoir des valeurs, c’est de les avoir bien alignées en vision et d’être cohérents tant dans nos politiques que dans nos stratégies de gestion. L’école, nous le savons, c’est aussi la cours de récréation. De quoi a-t-elle l’air ? Au moment où le lien entre l’activité physique, la santé et la performance psychique est sur les lèvres de tous, la société persiste à convertir les infrastructures sportives en centres de profits, au lieu de les rendre plus accessibles. Le sport est dans la cours d’école associé à la capacité de payer, et de moins en moins à la valeur éducative ou à la plus-value du milieu scolaire. Le modèle éducatif sport-études a certes sa place, il convient que la société reconsidère la démocratisation de l’activité physique pour les jeunes, et pourquoi pas pour tous les citoyens. Dans tous les cas, c’est d’un diagnostique général de société qui éclairera les solutions à cette problématique, non isolement des autres dont la résolution semble hasardeuse.

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 février 2011

    Vous avez raison, mais pour moi, il y a une autre raison bien importante: notre statut de minorité au Canada parlant la langue des conquis.
    C'est une évidence même que toute minorité détestée, méprisée et discriminée aura ce genre de maux.
    Ce qu'il faut c'est un pays du Québec avec les ressources, mais surtout le goût d'étudier et de travailler dans son pays, dans sa langue.
    Daniel