Peu présent au cours de la première moitié de la campagne électorale, le thème de la santé est revenu à l'avant-scène cette semaine alors que les trois partis pancanadiens y sont allés de nouvelles promesses. Malgré les milliards jetés sur la table, une question surgit: l'argent suffira-t-il pour humaniser cette gigantesque machine à traiter nos malades?
À la suite des dernières élections fédérales, en 2004, Ottawa a promis de verser quelque 41 milliards supplémentaires aux provinces sur une période de dix ans dans le but d'améliorer le régime de santé. Depuis ce temps, la Cour suprême a rendu un jugement qui force le gouvernement du Québec, pour un, à autoriser la vente d'assurances privées destinées à la couverture de soins essentiels pourtant déjà fournis par le régime public. «La preuve démontre que, dans des cas graves, des patients meurent en raison de listes d'attente pour la prestation de soins de santé publics», écrivait la juge Deschamps.
Même si cet arrêt de la Cour suprême ne touche que la vente d'assurances, il ne manquera pas d'influencer les décisions du prochain gouvernement fédéral et des provinces. Au Québec notamment, on sait que le ministre Philippe Couillard n'attend que la fin de la campagne fédérale pour publier un document de réflexion sur la question. Il est donc étonnant que personne n'ait soulevé la question depuis le début de cette campagne électorale. Serait-ce dû au fait que le sujet soit trop important ?
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Jusqu'à présent, les partis politiques fédéraux se sont contentés de promettre plus d'argent. Au NPD, on avance l'idée peu originale d'un régime d'assurance médicaments pour situations extrêmes et l'injection de centaines de millions pour l'ouverture de places en centres de longue durée; chez les libéraux, on s'engage à financer la formation de 1000 médecins de plus d'ici cinq ans, la recherche sur le cancer et un programme de déplacement des patients d'une province à l'autre au besoin. Quant aux conservateurs, leur chef Stephen Harper s'engage aussi à créer un programme de déplacement des personnes en attente d'une intervention majeure. Comme si certaines provinces faisaient face à un excédent de personnels pendant que d'autres souffraient de pénurie ! Quant à l'idée d'étendre le territoire de traitement aux hôpitaux américains, quel bel aveu d'échec du merveilleux modèle canadien.
À l'évidence, ces propositions ont été conçues pour répondre aux critiques virulentes formulées par les citoyens et reprises par la Cour suprême, mais on est en droit de douter de leur efficacité sur le terrain. Selon l'entente intervenue entre Ottawa et les provinces en 2004, celles-ci devront bientôt publier la liste des délais maximums acceptables pour les interventions graves. Fort bien ! Encore faudra-t-il les respecter, ce dont nous sommes loin d'être assurés.
Puis, que dire des soins à domicile, du soutien aux proches des personnes atteintes de maladie mentale ou d'alzheimer, autant de victimes de la maladie, certes, mais aussi d'un système dont la lourdeur bureaucratique bouffe les milliards comme des petits fours, au fur et à mesure qu'ils sont injectés, sans amélioration digne de ce nom.
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Devant une situation aussi dramatique, on en vient à ne plus croire à la capacité de nos gouvernements à réformer efficacement le système de l'intérieur, ce qu'ils ont vainement tenté depuis 15 ans.
Moins de trois semaines avant la tenue des élections, il y a fort à parier que rien ne viendra à bout de la résistance des partis à aborder la question autrement qu'en ânonnant les mêmes lieux communs qu'à l'habitude. Voilà qui est sans doute rassurant pour les tenants du statu quo, mais qui n'augure rien de bon pour les patients de demain. À moins, bien sûr, qu'un gouvernement conservateur nous réserve une surprise dont la légitimité serait aussitôt contestée à cause de l'absence de débat pendant la campagne !
Quoi qu'il en soit, conservateurs et libéraux ne pourront se fermer les yeux bien longtemps en se contentant d'acheter le silence des provinces, les seules qui soient en mesure d'apporter des solutions durables aux vices de moins en en moins cachés d'un système qui néglige certains de ses malades les plus vulnérables et leurs proches sous le couvert de traitements équitables.
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