Le courage du nom

Décider, agir, affirmer, critiquer, dénoncer: autant de choses bien plus faciles à faire sous le couvert de l'anonymat. Les démocrates engagés persistent et signent.

Médias et politique



En démocratie, il n'est pas seulement fondamental que chacun puisse s'exprimer. Il est essentiel aussi que chacun agisse à visage découvert. Le secret et l'anonymat sont les refuges de ceux qui trompent ou n'osent pas affronter l'opinion. Ceux-là ne sont pas d'authentiques démocrates.
Dans le cadre de la restructuration de Chrysler, certains créanciers qui tentent de bloquer le processus - donc de pousser Chrysler à la faillite - ont demandé au juge de préserver leur anonymat. Qualifiés de «spéculateurs» par le président Obama, ces fonds d'investissement et de retraite ont dit craindre que des personnes mécontentes s'en prennent à leur personnel. Le juge a estimé cet argument peu convaincant et a forcé les créanciers à dévoiler leur identité. L'avocat de Chrysler a ainsi résumé les risques de l'incognito: «L'anonymat nourrit l'irresponsabilité.»

Cela est vrai dans les situations les plus graves comme les plus bénignes. Pourquoi tant de blogueurs tiennent-ils à cacher leur identité? Sans doute le recours au pseudonyme permet-il plus de licence. Lovequeen18 peut insulter, inventer, écrire sans se soucier de l'orthographe. On gagne en cacophonie, pas en démocratie.
Le journalisme politique s'abreuve aux sources anonymes. Dans plusieurs cas, c'est inévitable et justifié: ces sources permettent de déterrer les scandales. Si ces gens sortaient de l'ombre, ils s'exposeraient aux représailles. Dans d'autres circonstances, politiciens et membres du personnel politique profitent de l'anonymat pour glisser des «confidences» dans l'oreille des journalistes. Il faut mettre le mot confidences entre guillemets: en réalité, pour des motifs personnels ou partisans, la source veut que l'information soit publiée mais sans qu'on sache qu'elle vient d'elle. Pourquoi faire de la politique si on n'a pas le courage de ses opinions?
Les entrepreneurs et les financiers composent une partie importante de l'élite québécoise. Quand les entend-on prendre position sur quelque enjeu public? Aux yeux de Québec inc., le silence est toujours d'or.
Dans le milieu des affaires pourtant, on ne se gêne pas pour critiquer le manque de courage politique des élus. Or, on devrait reconnaître que les politiciens, eux, s'exposent quotidiennement à la critique publique. Ils doivent sans cesse convaincre, expliquer, justifier. Ils n'affrontent pas seulement un conseil d'administration ou quelques analystes, mais des millions de personnes. Chacun de leur geste, chacune de leurs dépenses est épiée et autopsiée.
Combien de gens d'affaires accepteraient de se plier à un tel examen? Les comités de rémunération seraient-ils aussi généreux pour les patrons d'entreprise si les médias publiaient à chaque occasion le nom et la photo des personnes qui y siègent?
Décider, agir, affirmer, critiquer, dénoncer: autant de choses bien plus faciles à faire sous le couvert de l'anonymat. Les démocrates engagés persistent et signent.

Featured e9ce29e1df8a56a11b26e68ffd733781

André Pratte878 articles

  • 317 159

[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé