Le combat des chefs

Un congrès national, ainsi qu’un vrai « combat des chefs », est impératif au plus tard à l’automne 2007.

Chronique de Patrice Boileau

Voilà quel était le titre de ma chronique jusqu’à hier soir! La maladroite sortie d’André Boisclair la semaine dernière contre son allié (?) Gilles Duceppe me rappelait en effet ce célèbre épisode de la série Astérix, où un chef gaulois en accuse un autre d’accepter les règles du conquérant romain et d’inciter tous les autres à faire comme lui.
Accuser le dirigeant du Bloc québécois de vouloir se comporter comme « Aplusbégalix » afin de le démoniser aux yeux des souverainistes aura été une bourde de trop pour le leader péquiste. Soudainement prétendre que Gilles Duceppe veut ranimer le concept « d’affirmation nationale » concocté par l’ancien dirigeant péquiste Pierre-Marc Johnson, a prouvé aux troupes souverainistes qu’André Boisclair ne pouvait plus demeurer à la direction du Parti québécois.
Le chef du PQ donnait déjà l’impression qu’il s’accrochait à son poste depuis le résultat électoral catastrophique du 26 mars. Affaibli, son intention de « réformer » le programme du parti sans tenir d’abord un congrès national le rendait encore plus suspect. Peu d’indépendantistes s’attendaient à ce qu’André Boisclair propose l’abandon de l’étapisme référendaire. Son refus de « vivre dans le déni », refus qu’il a soulevé au lendemain du scrutin général, laissait croire au contraire qu’il reculerait et adopterait la position qu’il associe à Gilles Duceppe! Il était ainsi stupéfiant de l’entendre affirmer que le leader bloquiste ne pouvait ainsi diriger les troupes souverainistes.
André Boisclair a posé le bon geste en quittant la direction du Parti québécois. Malgré une brillante campagne électorale, son passé tumultueux et ses rapports parfois difficiles avec certains collègues du temps qu’il était ministre, le privaient d’un solide soutien dans ce qu’il préparait. Ses dernières déclarations l’ont tout simplement achevé. Surtout que le leader démissionnaire n’avait visiblement pas l’intention d’orienter son parti vers une démarche résolument souverainiste. En conséquence, ses chances de survie à titre de chef du Parti québécois étaient nulles.
Le député péquiste de Pointe-aux-Trembles dit cependant vrai lorsqu’il soutient que Gilles Duceppe est un « souverainiste patient. » Le chef du Bloc québécois a souvent répété qu’il approuvait l’idée d’attendre les conditions gagnantes avant d’organiser un référendum. L’étapisme s’avère d’ailleurs pour lui l’unique façon d’accéder à la souveraineté. Antidémocratique est à ses yeux toute autre méthode pour recueillir 50% + 1 voix afin de faire l’indépendance. Le dirigeant du Bloc québécois peut donc très bien s’accommoder du cadre politique fédéral en attendant le Grand Soir. Voilà qui rappelle un certain « Aplusbégalix » qui ne s’oppose pas à ce que se multiplient les symboles du conquérant en territoire conquis, au risque que cela endoctrine les esprits des gens qui y vivent…
On dit du leader bloquiste qu’il ne tolère pas la dissidence et les écarts de conduite au sein de son caucus. Une députée a d’ailleurs dernièrement quitté le Bloc pour cette raison. Parions que son intransigeance décuplera lorsqu’il s’agira de mater les souverainistes qui refusent d’affronter un adversaire tricheur dans une joute référendaire sans lendemain. Encouragé par les médias fédéralistes, Gilles Duceppe pourrait très bien entreprendre la chasse aux « purs et durs », s’il succède à André Boisclair. Voilà qui fera plaisir à Ottawa. Un Parti québécois castré de ces effectifs ne sera plus très menaçant…
Voilà pourquoi le chef du Bloc québécois doit demeurer là où il est. C’est aux Communes qu’il s’avère le plus utile pour la suite des choses. Son couronnement à la tête du Parti québécois ne règlerait absolument rien. Comme je l’ai déjà écrit peu de temps avant la victoire d’André Boisclair en novembre 2005, un nouveau chef qui reconduit la vieille stratégie référendaire ne séduira pas les Québécois. J’en veux pour preuve celui qui quitte. L’homme vient d’avoir 41 ans et n’a pu, malgré sa jeunesse, insuffler un vent de renouveau au sein du mouvement souverainiste. Qu’est-ce que cela sera si le leader bloquiste, dont l’étoile a beaucoup pâli, lui succède en conservant la stratégie étapiste!
Un congrès national, ainsi qu’un vrai « combat des chefs », est impératif au plus tard à l’automne 2007. Est-il nécessaire de rappeler qu’une élection générale est possible à tout moment à cause de la présence d’un gouvernement minoritaire à Québec? Le Parti québécois doit y annoncer clairement qu’il a entendu la population québécoise qui ne veut pas affronter le gouvernement fédéral selon la formule traditionnelle. Ils savent maintenant comment celui-ci peut torpiller un processus référendaire. Le PQ doit donc leur promettre que le gouvernement canadien n’en aura plus l’occasion.
La voie élective est dorénavant l’unique véhicule démocratique qui place l’option souverainiste à l’abri des manigances frauduleuses d’Ottawa. Y revenir, à la lumière des douloureux enseignements tirés du coup de force de 1995, est tout à fait légitime. Un nouveau chef capable de l’exprimer efficacement aura tôt fait de tuer dans l’œuf l’indignation que tenteront de soulever les médias fédéralistes. Si Mario Dumont ne compte pas « attendre la permission d’Ottawa pour agir » afin d’adopter certaines mesures de son programme, comme l’abolition de l’impôt fédéral, le prochain dirigeant du PQ peut en faire tout autant.
Le combat des chefs entre deux « attentistes » n’a finalement pas eu lieu. Il est à espérer que celui qui pointe à l’horizon donne la victoire à un « Abraracourcix » qui offrira aux Québécois, à chaque scrutin, le choix de trancher entre la mendicité et la liberté. C’est la seule façon d’empêcher le Parti québécois de disparaître. Aux souverainistes de monter aux barricades!
Patrice Boileau


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3 commentaires

  • Christian Charron Répondre

    12 mai 2007

    La voie élective pour faire avancer le projet de souveraineté du Québec est intéressante. Comme vous le dites, si Dumont ne compte pas attendre la permission d’Ottawa pour agir, alors le PQ peut en faire tout autant.
    Dans ce cas, les péquistes devraient arrêter de taper sur la tête des adéquistes, dont la vision sur la nation se rapproche de la leur, et attaquer plutôt les libéraux, au lieu de pactiser avec eux. Car si des changements juridiques et constitutionnels de grande envergure sont proposés, ils serait préférable qu'ils soient appuyés par un maximum de députés.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 mai 2007

    Salutation citoyennes et citoyens,
    Il faut être sans détour. Souveraineté-Association... Souveraineté-Partenariat... Le PQ est-il fondamentalement confédéraliste ou indépendantiste ? S'il se veut confédéraliste, ainsi l'approche du "beau risque" a un sens... Un Québec fort dans un Canada uni alors...
    Les indépendantistes et les confédéralistes dans un même parti, c'est comme mettre dans une même Église les catholiques et les protestants...
    Il faut davantage qu'un changement de chef, sinon... cet exercice démocratique pourrait s'avérer encore une fois n'être que de la cosmétique...
    Patrie et Famille !

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mai 2007

    Vous avez raison de faire ce lien là M. Frappier.
    Dans LE COMBAT DES CHEFS, Aplusbégalix dit : Bienvenue à nos envahisseurs bien-aimés ! Les envahisseurs s'excusent comme suit : Désolés de t'envahir.
    C'était quand même très poli des 2 côtés entre Romains et Gaulois en ce temps là selon Astérix. Ça s'est pas aussi bien passé dimnanche passé à la télé.