Le colloque du BLOC et d’ IPSO du 8 mai 2010 : une convergence exemplaire

MEECH - 20 ans plus tard...

J’ai assisté au colloque du 8 mai 2010, organisé par le Bloc et les Intellectuels pour la souveraineté (IPSO). Ce fut pour moi un événement marquant. La grande salle du Hilton-Bonaventure y était investie par des bloquistes et des IPSO convaincus. Pas seulement pas les « apparatchiks », mais aussi par des membres de la base.
Pour le contenu et les vidéos des conférences et des débats, je vous réfère aux sites web du Bloc ou d’IPSO. Vous aurez de quoi vous contenter.
Le travail réalisé par les deux organisations – dont je suis membre – fut remarquable. Moi, je n’ai fait qu’assister, et d’échanger avec des étudiants et des militants de la base, du genre de ceux qui se mobilisent pendant les élections, bénévolement. Je vous le dis : ces jeunes et ces citoyens ont eu droit à un contenu de premier niveau, intellectuellement parlant, mais merveilleusement digeste et incroyablement instructif.

Outre ce que les panélistes ont pu exprimer, le moment fort du colloque fut le discours de Gilles Duceppe lors du dîner. Unanimité totale : son allocution fut celle d’un dirigeant souverainiste en pleine campagne référendaire. Je la résume, et vous pourrez vérifier sur vidéo : non seulement le gouvernement canadien et son État ne reconnaîtront jamais les spécificités du Québec, jamais ils n’accorderont à notre nation le droit de s’émanciper à l’intérieur du cadre canadien. Because la Constitution de 1982, et avec en trame de fond l’opinion publique canadian qui nie le fait que nous soyons une nation, qui nous refuse même le droit de légiférer sur la langue. Imaginez le reste. Gilles Duceppe, dans un discours non électoral, inspiré par l’expérience des 20 dernières années, et conforté par le sondage pan canadien commandé par le BLOC et IPSO, en arrive aux conclusions suivantes (mon interprétation libre) :

• Il existait trois possibilités : statu quo, fédéralisme renouvelé (genre confédération entre les deux peuples « fondateurs »), souveraineté.
• L’État canadien, via son gouvernement, n’entamera pas de discussion pan nationale sur les revendications québécoises.
• L’opinion canadienne refuse que le Québec puisse assumer ses propres prérogatives nationales.
• Le Canada est en phase avec la Constitution de 1982.
• Le Canada n’est plus un pays multinational, mais un pays multiculturel.
• La totalité de la structure constitutionnelle étatique fait que le Québec ne pourrait même plus espérer revenir à Meech.
• Il ne reste donc que deux possibilités : se laisser écraser par rouleau compresseur « Nation building » du Canada, ou la souveraineté.
J’invite tous les artisans et sympathisants de Vigile à prendre connaissance du sondage, si ce n’est déjà fait. Il faut s’en imprégner, rien de moins. Il n’y aura pas de compromis avec le Canada, car le compromis est désormais impossible. La confédération envisagée encore par certains ne verra jamais le jour. Premièrement, parce que les canadiens n’en veulent pas, et deuxièmement, parce que la mécanique mise en place pour amender la Constitution est si exigeante et si emberlificotée (par exemple, des provinces ont voté des lois les obligeant à soumettre à leur population tout amendement par voie de référendum) que tout effort allant en ce sens est voué à l’échec. MEECH n’est plus possible, Charlottetown itou, et bye bye toute velléité confédérationniste. Pour le Canada, c’est réglé. Et que dire de la fameuse/fumeuse loi sur la « clarté » de Dion, le plus-que-fédéraliste? Tout ça, on le savait déjà, dira-t-on. Là n’est pas la question : ce qui faut, c’est s’acharner à briser coûte que coûte l’illusion chez nombre de Québécois que ce pays est réformable.
Pendant que le Canada procède à un rythme effréné à son « Nation building », que faisons-nous? Nous nous divisons lamentablement, nous refusons de nous coaliser, nous n’avons même pas amorcé les discussions essentielles pour élaborer ne serait-ce qu’un début de stratégie. Si cela se fait secrètement, sans que nous le sachions, tant mieux. Mais mon impression – et elle est très forte -, c’est que ce n’est pas le cas. Je sais que c’est difficile, mais il faudra bien s’y attabler.
Ça n’avance pas. On ne peut se contenter de petits feux de paille ci et là. Pour le Bloc et IPSO, c’est pourtant clair : nous faisons face à un blocage qui est là pour durer, un blocage qui, à terme, concrétisera une fois pour toute notre louisianisation annoncée. Une ethnie culturelle folklorique dominée totalement et parfaitement, jusqu’au jour de son assimilation définitive.
Les fédéralistes manipulateurs d’opinion s’élèveront contre ce pronostic, qu’ils qualifieront « d’alarmisme partisan ». Ils seront légions à rassurer le bon peuple en maintenant l’illusion que tout est possible. Le fruit n’est pas mûr, mais il pourrait le devenir, nous dit-on. Le problème, comme cela a été dit pendant le colloque du 8 mai, c’est que d’arbre, il n’y en a plus. Pas seulement rasé : déraciné. Et permettez-moi d’en rajouter : on a même fait appel aux spécialistes de Monsanto pour rendre infertile le sol à tout jamais. Et qui fut le spécialiste en chef de ces experts en biochimie organique? Trudeau, Trudeau, et toujours lui, Trudeau. Le plus grand et le plus articulé des « yes man » canadiens-français qu’y n’ait jamais existé. La virulence létale du poison vient de chez nous. À nous de découvrir l’antidote au venin mortel de cet affreux reptile qui, on le sait, a su se multiplier en individus et en espèces. Le problème, c’est que Monsanto n’œuvre que dans un sens. Notre biochimie n’est pas encore au point. Nous manquons de fonds, et nos spécialistes s’obstinent à croire que la vieille médecine des années soixante-dix peut réussir à endiguer l’effet morbide de « l’affreux reptile ».
La situation du Québec est claire, nette et précise : son déclin démographique au sein du Canada le condamne à une soumission définitive - économique, culturelle et sociale - sans espoir de devenir un jour une république libre de son destin si nous ne surmontons pas nos divisions, lesquelles ne sont au fond que l’expression quasi achevée de notre esprit collectif colonisé. Le souffle de l’envergure, que nous croyions avoir à une certaine époque, nous manque toujours. Pourtant, tout est là. Nous avons tout pour imaginer ce que nous devrions être. Les indépendantistes de toutes allégeances politiques et idéologiques se doivent de construire l’unité qui convaincra les Québécois à se donner un VRAI pays et à devenir des citoyens d’une république dont ils auront eux-mêmes élaboré la Constitution.
Dans ce Canada désormais multiculturel, il n’y a plus de place pour les nations.
Aux citoyens désireux d’en devenir des vrais, à la société civile et aux militants des partis souverainistes de s’engager pour l’unité. Les partis en prendront acte si un réel mouvement pour la convergence prend son envol. Le pattern partisan et diviseur actuel nous menotte, nous place en position de faiblesse permanente. Innovons.



Laissez un commentaire



15 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Michel Gendron ( dans son dernier commentaire ) :
    « Suggérer et soutenir tout effort visant à doter le Québec d’une Constitution ? J’aime, mais s’il n’y a que ça… »
    Oui, Michel, seule une Loi fondamentale, une Constitution résolument républicaine aura l'effet de catalyseur dans le mouvement indépendantiste.
    Chassez Ottawa du Québec avant de s'engager sur la voie de la libération nationale.
    Quoi d'autre ? Pourquoi chercher de midi à quatorze heures alors que l'évidence crève les yeux ?
    En cela je rejoins totalement le commentaire de Christian Montmarquette publié plus-haut.
    Danièle Fortin

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Je croirai Duceppe lorsqu'il utilisera le mot «indépendance». Comme il serait normal qu'il le fasse
    Landry utilise maintenant le mot «indépendance». Il a dit, dernièrement, que ça lui avait pris du temps à comprendre cela, mais maintenant, il comprend.
    Mario Dumont utlisait le mot «souveraineté» mais il n'osait pas le définir.
    Duceppe fait la même chose: on sait pas ce qu'il entend par ce mot. Est-ce souveraineté-association comme l'entendait Lévesque et qui n'était qu'une confédération canadienne?
    Est-ce le mot souveraineté comme l'entendait Bouchard, ce qui signifiait pour lui aussi une confédération canadienne? Est-ce la souveraineté sans le trait d'union comme on l'a utilisé, à un moment donné, au PQ?
    Marois, plus subtile, parle de gouverannce souverainiste dans la Fédération.
    Ma foi, retournez donc au Grand Théâtre de Québec pour y relire ce qui est écrit sur le mur.
    NT

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    À vous tous,
    Une précision s'impose: le texte que j'ai écrit est davantage un brûlot qu'une tentative de proposer une stratégie. Et si j'ai été emballé par le contenu du colloque du Bloc et d'IPSO, c'est parce que j'ai entendu ce que j'espérais entendre : Gilles Duceppe qui affirme qu'il n'y a que la souveraineté qui puisse satisfaire le Québec. Rien d'autre.
    Néanmoins, j'aimerais rappeler que j'ai aussi dit ceci:
    Aux citoyens désireux d’en devenir des vrais, à la société civile et aux militants des partis souverainistes de s’engager pour l’unité. Les partis en prendront acte si un réel mouvement pour la convergence prend son envol. Le pattern partisan et diviseur actuel nous menotte, nous place en position de faiblesse permanente. Innovons.
    C'est clair, ça ne dit pas que nous devons nous rallier coûte que coûte à un parti, mais bien qu'il est de notre responsabilité d'entreprendre des démarches citoyennes qui, je l'espère, pourrons susciter l'engagement des citoyens, ou à défaut de le pouvoir, de réduire sensiblement la morosité ambiante.
    Une chose est certaine, par ailleurs: la société civile se doit de connecter ses revendications avec l’impératif de la question nationale, comme par exemple en ce qui concerne la laïcité et notre dépendance au pétrole. La question nationale est devenue une sorte de tabou dont on craint de parler au sein de la société civile. On laisse ça aux partis, qui eux ont l’impression – à tort ou à raison – que la question du pays n’intéresse pas plus qu’il ne faut la population. Je ne demande pas mieux que de leur prouver qu’ils ont tort.
    Sur le comment, comme vous, je m’interroge à chaque jour. Des pétitions, des appels citoyens? Certes, mais ce n’est pas assez. Parmi les commentaires, quelqu’un parlait de l’importance d’aborder la question d’argent et du niveau de vie. Oui, mais là encore, ce ne sera pas assez. Pour ma part, je suggère ad nauseam qu’il faut mettre sur pied des États généraux pour l’indépendance. Là aussi, c’est nécessaire, mais en soi, ce ne sera pas suffisant. Des actions du genre Moulin à paroles ? Bien sûr, mais il faudra plus. Que les militants des partis en parlent au sein de leurs exécutifs, dans leurs comités? Excellent, mais on sait que l’idée d’union n’y est pas encore à l’ordre du jour, et encore moins ce qu’on fera de cette union. Suggérer et soutenir tout effort visant à doter le Québec d’une Constitution? J’aime, mais s’il n’y a que ça… Et je pourrais continuer ainsi sur des pages et des pages, comme vous tous sauriez le faire.
    Nous, les indépendantistes, n’avons pas de stratégie collective. Les Québécois continuent de croire qu’une réforme du Canada est encore possible. Or, elle ne l’est pas. Que le Bloc et IPSO l’affirment avec autant de conviction, nous devons en prendre acte. Le colloque de samedi dernier confirme ce que nous savions, mais les Québécois ne pensent pas tout à fait comme nous. Dans notre coffre à outils, nous en avons maintenant un autre : celui de la certitude que le Canada n’est pas réformable dans le sens de nos aspirations. Rien, notion, nada, nietchevo.
    Alors, que faire? J’ai des réponses, vous en avez, et parmi celles-là, incluant les miennes, il y en a des excellentes, des bonnes et des nulles. Et
    Le débat doit se poursuivre. Soyez cependant convaincu de ceci : nous venons d’entrer dans une nouvelle ère. On s’adapte, ou on crève.
    Salutations militantes à vous tous.

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    10 mai 2010

    Il EXISTE BEL ET BIEN UN MOYEN DE FAIRE TOMBER LE GOUVERNEMENT CHAREST : etre méchants grossiers,au besoin! ( pour bien exprimer son MÉPRIS)
    Et comment? En le sabotant EN GUERILLA..En se fichant des paix sociale et linguistiqye .Et en faisant de la désobéissance civile au quotidien ( on oublie de tenir compte de telle ou telle loi paealysante du genre linguistique iu multicul, er les jugements idoines de la Cours dite Suprême, on agit seLon nos intérèts dans les domaines de soi disant compétence fédérale sans se soucier de ces dernières, erc...
    Et puis , comme je ne rate jamais l`occasion de lwe faire , on saisi TOUTES les occasions de parler de la nécessité de l`Indépendance ( foin de l`euphémiste "souveraineté! ) à VOIX HAUTE , pour DÉRANGER, m.ême avec ceux qui ne veulent pas en enrendre parler: surtout avec eux( le seul moyen de ne plus avoir à en parler c`est de la FAIRE ! ).. la "vendre" non comme une liberté ( qu`elle est bien sur) mais comme la RESPONSABILITÉ qu`elle est aussi, celui qui la refuse étamt donc un ...irresponsable pur et dimple ( ce qui est "bébé" , étiquettes ultra blessante à poter !!! ) !
    Etc...
    Etc...

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    J'invite ceux qui pensent que l'argent ne joue pas dans la libération nationale, de venir tenir ce discours dans les Cégeps et les Universités. On demande aux étudiants une petite hausse de scolarité et ils descendent dans la rue.
    Le Québec demande une petite franchise pour la santé. Et hop! on est dans la rue...
    On veut hausser un peut les tarifs pour payer la dette et hop! dans la rue....
    Au Québec, on est contre tout ce qui touche le soi, à ce qui est dans la poche de chacun. Les autres doivent payer: pas soi-même.Je rêve moi auissi comme tant d'autres, mais je suis réaliste aussi. Le réalisme dit quenotre démographie chute; on ne fait plus d'enfants, on les tue à coup de 30,000 par année avant qu'ils naissent, on laisse entrer des immigrants à la pochetée parce que les Québécois pure laine sont des diplômés ignorants et ils se fâchent parce que l'Étranger vient chez lui...Bourgault était franc et net. Mais il disait aussi qu'il faudrait FAIRE DE GROS SACRIFICES. Il ne faut pas oublier ce bout-là
    NT

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Entièrement d'accord avec Pierre Bourgault (ce qui prouve qu'il est encore bien vivant).
    Les fédéralistes-impérialistes utilisent la tactique d'énumérer ce que la nation québécoise perdra si elle suis la voie de l'indépendance. Alors notre élite embourgeoisée ne trouve autre réaction que de tenter de contredire l'ennemi sur le même terrain. Ainsi notre élite se laisse "embarquer" dans la logique imposée par l'ennemi.
    Aux prétentions des fédéralistes-impérialistes de ce que nous pourrions perdre par l'indépendance il faut non-pas répondre mais énumérer ce que nous perdrons si nous ne nous donnons pas cette indépendance nationale.
    Et laisser ainsi au peuple le choix de ses valeurs. J'ai confiance au sens vertueux des Québécois.
    Chose certaine, il ne choisira pas entre deux marchands de tapis. Les intentions de vote le prouvent.

  • Serge Charbonneau Répondre

    10 mai 2010

    Les chiffres, les chiffres, les chiffres.
    «nous avons oublié en chemin toutes les notions de liberté, de responsabilité et de dignité qui sont à la base même de la souveraineté des peuples.»
    Bourgault.
    Et les valeurs...
    Et la fierté...
    Et la dignité...
    Et aussi, le courage !
    Bourgault avait mauditement raison !
    «il vaut mieux gérer ses propres affaires que de les laisser gérer par les autres. Il en va des peuples comme des individus.»
    Bourgault.
    Le cas grec est une leçon.
    Il faut regarder le monde, c'est une école qui nous montre bien des choses.
    De notre côté, il faut que l'on devienne au plus vite «Maitres chez nous».
    À bien des endroits, même s'ils possèdent en théorie leur pays, on leur enlève leur souveraineté.
    On a à apprendre de la Grèce et on a à apprendre des pays d'Amérique latine qui se sont pris en main.
    Il est grand temps de nous prendre en main.
    «tout n’est pas qu’affaire d’argent dans la vie.»
    Bourgault.
    Je m'ennuie de Bourgault.
    Merci Monsieur Laurence.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Monsieur Michel,
    J'ai fort bien connu Bourgault. Je connaissais ce texte. Il est formidable. Mais, les gens dans la rue, veulent savoir quand même un peu. J'ai connu ce questionnement en 1970...en 1973...C'est le même aujourd'hui.
    Les gens ordinaires, qui en arrachent tous les jours, veulent savoir si leur situation économique sera mieux après l'indépendance. C'est près du pain et du beurre. Je le sais. Mais, c'est ainsi. Sans mépriser personne, il ne faut pas oublier qu'il y a environ 1 million d'analphabètes au Québec.
    Allez dans la rue, voir le vrai monde. Et posez la question que j'ai posée antérieurement: Qu'est-ce qui vous fait peur dans l'Indépendance? La réponse arrivera sans une longue réflexion: on a peur de la baisse de notre niveau de vie.
    NT

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Monsieur Gendron
    Si la direction du Bloc et du PQ en est venue à la conclusion que le Canada est un pays irréformable (ce que je savais depuis longtemps!), qu'attend-t-elle pour faire un virement à 360° de son discours de la souveraineté à celui de L'INDÉPENDANCE pour le Québec? Ça servirait à unifier davantage les forces indépendantistes. Et pour vendre l'indépendance aux Québécois, il va falloir créer un média pour la véhiculer cette idée d'indépendance n'est-ce-pas? Chose qui n'a jamais été faite dans le passé avec les résultats qu'on connait fort bien aujourd'hui.
    André Gignac le 10 mai 2010

  • Michel Laurence Répondre

    10 mai 2010

    Je n'ai pas trouvé mieux que ce qui suit, c'est de Pierre Bourgault et je vous signale que ça date de 1995.
    LES MARCHANDS DE TAPIS
    Le Devoir - Le 15 novembre 1995
    Comme c'est désolant. Voilà que la querelle des marchands de tapis reprend de plus belle. D'un coté les fédéralistes qui affirment que l'indépendance du Québec va nous coûter une beurrée et de l'autre les souverainistes qui additionnent les pommes avec les oranges pour tenter de nous démontrer qu'elle va nous enrichir au delà de toute espérance.
    Des chiffres, des chiffres, encore des chiffres. Les fédéralistes qui veulent nous garder dans la fédération canadienne en confirmant notre statut de province entretenue et fière de l'être et les souverainistes qui veulent nous en sortir en nous offrant un statut de parvenus digne du plus rentable des casinos.
    Voilà plus de 20 ans que cela dure. À l'époque, les fédéralistes ont tendu un piège aux souverainistes et ceux-ci y ont sauté à pieds joints sans se rendre compte qu'ils s'enfermaient dans une dialectique boiteuse qui ne pouvait que les détourner de leurs véritables objectifs.
    Quand on s'est mis à répondre au "combien ça va coûter?", on a commencé à réduire la cause de la souveraineté à une simple question de dollars et de cents et on a commencé à convaincre les gens qu'elle n'était plus rien d'autre qu'une grossière affaire de portefeuille plus ou moins rempli.
    Comme il fallait prouver que le risque économique était nul, on s'est mis à chercher des chiffres et à en inventer au besoin puisque, par définition, l'avenir n'est pas chiffrable.
    Puis, on a cru qu'il serait plus facile de chiffrer le passé. Alors on s'en est pris à la trop coûteuse fédération et on a multiplié les études qui devaient nous démontrer sans l'ombre d'un doute qu'elle nous menait à la ruine.
    Le résultat est net: la discussion des marchands de tapis nous passe par-dessus la tête, nous n'y comprenons plus rien, nous nageons dans les plus vives contradictions et nous avons oublié en chemin toutes les notions de liberté, de responsabilité et de dignité qui sont à la base même de la souveraineté des peuples.
    Moi, j'en ai marre de ces discussions de comptables qui ne mènent à rien et qui ne font qu'entretenir chez la plupart d'entre nous la peur du risque, la mollesse des intentions et la propension à jouer son avenir sur un simple billet de loterie.
    Ce qu'il faut dire et qu'on ne dit pas assez, c'est que même si la fédération canadienne était "payante", il faudrait quand même faire l'indépendance du Québec.
    Pourquoi? Tout simplement parce qu'il vaut mieux gérer ses propres affaires que de les laisser gérer par les autres. Il en va des peuples comme des individus. L'adolescent qui quitte le foyer paternel comprend qu'il court là un risque et qu'il pourrait bien n'être plus "entretenu" par ses parents. Mais il part parce qu'il croit nécessaire d'assumer ses responsabilités, de vivre sa liberté, de construire son propre patrimoine et de le gérer à sa guise. Il ne prétend pas qu'il sera mieux en mesure de le faire s'il reste chez ses parents jusqu'à 40 ans. Il est plutôt convaincu, non sans raison, du contraire.
    Aura-t-il moins d'argent? Peut-être, mais il le dépensera à sa convenance. Devra-t-il subvenir à ses propres besoins? Sans doute, mais il ne subira plus le chantage à l'allocation, à la subvention et à la "péréquation" de ses parents. Va-t-il s'ennuyer des bons petits plats de maman? Sans doute, mais il aura acquis la responsabilité de se les mijoter lui-même et la liberté de varier le menu à sa guise. Saura-t-il réussir? Il va essayer de son mieux, conscient et heureux de ne plus vivre au crochet de personne, ce qui s'appelle la dignité.
    Les peuples, de tout temps, n'ont pas fait autrement. Ils ont compris qu'ils ne deviendraient pas plus libres en retardant leur accession à l'indépendance. Ils ont compris qu'ils ne deviendraient pas plus responsables en confiant aux autres la gestion de leurs affaires. Ils ont compris qu'ils ne deviendraient pas plus riches en laissant aux autres le soin de développer leur économie à leur place. Ils ont compris qu'on ne devait pas confier la politique aux marchands de tapis. Ils ont compris qu'il y a des risques qu'il vaut la peine de courir. Ils ont compris qu'il n'y a pas d'interdépendance sans indépendance. Ils ont compris qu'il vaut mieux discuter directement avec les autres sans passer par des intermédiaires souvent indignes. Ils ont compris que pour dire Welcome comme le chante Vigneault, il faut d'abord être chez soi.
    Ils ont surtout compris que l'indépendance n'est pas une récompense pour les peuples parfaits mais un instrument essentiel à qui veut le devenir. Que la souveraineté est à l'origine des choses et non pas à leur fin. Que, s'il y a des risques à devenir souverains, il y en a peut-être plus à rester sous domination. Que tout n'est pas qu'affaire d'argent dans la vie.
    J'en ai marre de me faire dire que je ne serai pas prêt à sacrifier dix piastres pour faire l'indépendance du Québec. J'en ai marre de me faire dire qu'on va me donner dix piastres si je vote pour l'indépendance du Québec.
    Je ne veux pas savoir si je serai plus riche ou moins riche. Je suis prêt à courir le risque parce que je crois depuis longtemps que nous sommes nous aussi, comme les autres, capables de prendre nos responsabilités, d'exercer nos libertés et de vivre dans la dignité.
    J'en ai marre de me faire offrir de l'argent en échange de ma dignité ou de m'en faire offrir en échange de mon esprit d'aventure et de liberté.
    Proposez-nous un pays au lieu de tenter de nous convaincre de l'échanger pour un rouleau de cinq cents.
    Proposez-nous la liberté en nous demandant si nous sommes prêts à en payer le prix, de quelque nature qu'il soit. Mais cessez vos marchandages sur notre dos.
    Nous serions moins âpres au gain si vous nous proposiez autre chose que des prébendes. Du rêve, peut-être.
    Pierre Bourgault

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    Quelqu'un a-t-il déposé une étude chiffrée portant sur le coût de l'indépendance? C'est LA réponse que les Québécois attendent.
    NT

  • Gilles Bousquet Répondre

    10 mai 2010

    M. Gendron, si les Québécois, de façon solidement majoritaire, votaient OUI à un retrait de la fédération actuelle avec un mandat de négocier une participation, comme État souverain, à une vraie confédération canadienne, en tenant compte que la Cour suprême du Canada oblige le ROC à négocier l’affaire, et que le ROC refusait quand même, l’idée serait utile puisqu’elle créerait une grave crise qui bénéficierait grandement à la souveraineté pure…la séparation claire et nette du Québec d’avec le Canada.
    Pour ce qui est de la séparation des souverainistes entre 3 partis ou peut-être 4 « un nouveau est annoncé », si les Québécois ne comprenait pas que, diviser leurs votes, nuit à la réalisation de la souveraineté du Québec en faisant élire un parti fédéraliste, ils ne mériteraient simplement pas de devenir souverains…point.
    Faut avoir confiance au Québécois, vu que le dernier sondage nous rassure. En dépit de la division de nos 3 partis souverainistes, si une élection avait lieu demain, le PQ prendrait le pouvoir de façon majoritaire, une première étape vers l’objectif souhaité.
    L’important pour un souverainiste est de voter pour le candidat souverainiste qui a plus de chances de gagner dans son comté. Le parti souverainiste au pouvoir choisira bien, selon la conjoncture du moment, la bonne façon et le bon objectif vers la souveraineté du Québec qui est son objectif numéro 1.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2010

    " L'annexion mène à l'assimilation" (Maurice Séguin)
    La bonne nouvelle c'est la fin des illusions. Il nous faut donc prendre acte que le statu quo mène à l'assimilation. Point.
    La mauvaise nouvelle. C'est que nous n'avons pas de plan. Et surtout nous n'avons pas la bonne lecture du contexte et de la situation. Ceux qui pensent qu'il suffit de faire l'union des forces souverainistes et de convaincre une majorité de voter OUI à un référendum, pour mettre fin à la menace d'assimilation, se trompe de registre stratégique.
    Le changement de statut résultera d'abord d'un rapport de force favorable entre, l'État du Québec et Ottawa, et non d'une volonté démocratiquement exprimé. Cette fixation sur le Grand soir deviendra une erreur tragique, si on ne se réveil pas à temps.
    Seul notre État du Québec peut nous garantir contre l'assimilation. Or notre État est présentement squatté par de puissant réseaux d'intérêts qui sont en train de le plombé (le passage de Charest au pouvoir nous coûte déjà des dizaines de milliards); Il nous faut donc en reprendre le contrôle de TOUTE URGENCE !
    Ensuite nous devons agir souverainement et incarner cette volonté politique dans notre État, sur les assises duquel repose nos garanties d'exister comme peuple Français en Amérique; sans se soucier de demander des permission. C'est la deuxième Révolution tranquille qui va nous permettre de consolidé notre État lui donner une potentialité qui nous placera dans un rapport de force favorable pour la rupture.
    Je répète, le changement de statut ne résultera que d'un rapport de force favorable et non d'un souhait du peuple démocratiquement exprimé. Cette illusion nous fait flirté avec la tragédie historique.
    Il nous faut comprendre rapidement l'urgence de reprendre en mains notre État pour agir; et non attendre de quelconques conditions gagnantes qui mènent au Grand soir. Si non nous resterons enfermé dans la cage à castor canadienne; avec pour perspective que, l'État fédéral auquel nous contribuons, va utiliser tous ses moyens pour mener à son terme final les conclusions du rapport de Lord Durham.
    C'est là ou nous en sommes: La fin des illusions; celles que le Canada nous offres les garanties contre notre assimilation; et, celle que nous pouvons sortir du piège en faisant le compte de bouts de papiers lors d'un référendum.
    JCPomerleau

  • Serge Charbonneau Répondre

    10 mai 2010

    Je comprends difficilement votre enthousiasme Michel.
    Il est bien évident pour quiconque suit la politique canadienne depuis des décennies, qu'il n'y a rien à tirer et à attendre du Canada.
    Il est aussi évident que nous ne pourrions même plus proposer un demi-Meech.
    Ce qui n'est pas évident c'est comment faire comprendre à ceux qui ne l'ont pas encore compris qu'il est «urgent» de voler de nos propres ailes.
    C'est là le défi, faire comprendre ce qui est pourtant évident. Ça semble paradoxal, faire comprendre l'évidence, mais c'est loin d'être un paradoxe.
    Le défi c'est de contrer la propagande qui nous endort dans les bras asphyxiants canadiens. Il y a eu le scandale des "commandites" et il y a encore bien des petites magouilles médiatiques efficaces.
    Comment dénoncer les magouilles et faire comprendre la réalité qui crève les yeux. C'est le premier défi.
    Le deuxième grand défi: l'UNION des forces pour la souveraine Indépendance. Comment UNIR le Québec pour nous séparer du Canada?
    Vous savez très bien que ce deuxième défi est tout aussi grand que le premier.
    Les fédéralistes le savent aussi. Ils savent très bien que pour régner, il faut désunir.
    De notre côté, on sait depuis des lustres que les UNIONS qu'est-ça donne ?
    Ça donne le pouvoir. L'UNION donne le pouvoir de faire des choses. L'UNION fait la force. La division c'est notre faiblesse.
    Comme vous dites:
    «ce qui faut, c’est s’acharner à briser coûte que coûte l’illusion chez nombre de Québécois que ce pays est réformable.»
    Plus que ça, ce qu'il faut c'est démontrer quotidiennement avec chacun des dossiers de l'actualité que l'unique solution à la très grande majorité de nos dossiers litigieux avec ce pays qui nous contrôle de plus en plus, c'est de devenir vraiment maîtres chez-nous, bref de devenir Indépendant de ce pays qui ne cesse de travailler à notre assimilation.
    Je suis totalement d'accord avec vous lorsque vous dites:
    «Pendant que le Canada procède à un rythme effréné à son « Nation building », que faisons-nous ? Nous nous divisons lamentablement...»
    Je partage tout votre discours, Michel, mais c'est l'enthousiasme de votre titre qui m'étonne. Comme si le Bloc et les Intellectuels avaient eu des solutions miracles pour nous mener au Pays.
    Sur Vigile, nous connaissons tous tout ce que vous dites. Nous ne découvrons absolument rien. Et lorsque vous dites: «Innovons» je suis totalement d'accord, mais c'est cette fameuse réunion qui me déçoit.
    Le genre de réunion de grands sages et de grands bonzes qui se disent des vérités et s'auto congratulent. Où croyez-vous que la convergence du Bloc et des Intellectuels va nous mener? Cette convergence est naturelle comme l'esprit de famille. Elle me laisse plutôt tiède. Tiède dans le sens que ces brillantes personnes n'ont rien de percutant et d'innovateur pour en arriver à faire reconnaître le Pays.
    Je crois que l'Indépendance se fera en éveillant les Québécois et les Québécoises et je crois qu'il faut que des milliers de lieux de réflexions doivent être utilisé par tous les groupes "intellectuels", "politiques", "militants" et citoyens pour mettre en marche la réflexion citoyenne et le pouvoir citoyen.
    Ne prenez pas négativement ces considérations, Michel. Mais j'espère trouver et mettre en place des outils «simples» pour UNIR et ÉVEILLER les citoyens.
    Les intellectuels et les politiciens de carrières ne me paraissent pas tellement innovateurs même s'ils convergent (c'est tout de même la moindre des choses qu'au moins ils convergent).
    Salutations indépendantistes.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Christian Montmarquette Répondre

    9 mai 2010

    Il y en a une «innovation» sur la table.
    50% + 1 des citoyens se donnent une constitution (même provisoire), répudient le Canada, déclarent les uns après les autres l'indépendance, et signent.
    La démocratie à l'état pure.
    Qui ôserait dire qu'un tel processus est illégitime ?
    Seuls des antidémocrates refusant la volonté populaire.
    Le véritable problème se situe dans l'organisation sérieuse des choses et le financement du projet.