Assermenté premier ministre une troisième fois, Jean Charest a formé hier l'équipe ministérielle sur laquelle il s'appuiera pour mettre en oeuvre un programme consacré en priorité à l'économie. À peu de choses près, ce nouveau cabinet est la copie conforme du précédent.
À l'aube d'une récession, le premier ministre se devait de miser sur la continuité. Il n'avait aucun motif sérieux de se livrer au traditionnel jeu de chaises musicales. Il aurait mis en péril la cohésion qui a fait le succès de son équipe ces 18 derniers mois. Mieux valait s'en tenir à quelques retouches.
Portant le nombre de fauteuils ministériels à 26, Jean Charest a pu réduire la charge de travail de certains ministres. C'est le cas de Monique Jérôme-Forget, qui était ministre des Finances et de présidente du Conseil du trésor. Ce double mandat, qui lui avait été confié pour assurer un meilleur contrôle sur les finances publiques, lui conférait un pouvoir considérable. Dans le contexte économique actuel, sa tâche allait devenir trop lourde.
En retirant la présidence du Conseil du trésor à Mme Jérôme-Forget pour la confier à Monique Gagnon-Tremblay, M. Charest rééquilibre les rapports entre ministres. Les arbitrages finaux se feront ainsi plus souvent au Conseil des ministres ou au bureau du premier ministre même. L'arrivée de Madame Gagnon-Tremblay au Trésor ne doit pas être vue par contre comme la fin de la gestion serrée instituée par sa prédécesseure. Elle a une poigne tout aussi solide.
Monique Jérôme-Forget continuera, malgré ce changement, d'être le numéro deux du gouvernement. Comme responsable des infrastructures, elle sera le fer de lance du plan d'action gouvernemental pour affronter la récession. L'essentiel des efforts visera à créer des emplois par la réfection des grandes infrastructures routières et la réalisation de quelques grands projets institutionnels. Elle sera sur la ligne de front pour obtenir la collaboration du gouvernement fédéral pour le financement de ces projets. Elle fera équipe avec Raymond Bachand qui, au Développement économique, demeure un des principaux piliers du gouvernement.
Le noyau dur du gouvernement est composé de ministres qui travaillent avec M. Charest depuis 2003. Il fallait un peu de sang neuf, qu'apportera Kathleen Weil, nouvelle ministre de la Justice. Dotée d'un grand charisme et d'une solide expérience dans les milieux d'intervention sociale, la barre sera haute pour cette nouvelle élue. Elle le sera aussi pour Pierre Arcand et Tony Tomassi, que rien ne préparait à diriger les ministères des Relations internationales et de la Famille. La nomination de plusieurs ministres délégués augmentera le nombre de limousines, mais cela se justifie, ne serait-ce que pour préparer une relève.
Deux nominations sont à relever. En premier lieu, celle du vétéran Jacques Dupuis, aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Son style batailleur contrastera avec la diplomatie pratiquée par Benoît Pelletier. On peut y voir le signe que Jean Charest se prépare à des affrontements avec Ottawa, notamment pour élargir l'autonomie du Québec en matière culturelle.
Le choix de Pierre Corbeil comme ministre responsable des Affaires autochtones est par contre regrettable. D'abord parce que cet ancien ministre des Ressources naturelles a contrevenu au code d'éthique ministériel en entretenant après sa défaite, en 2007, des liens avec des compagnies minières. Ensuite parce que ces liens récents jettent un doute sur sa neutralité pour agir auprès des communautés autochtones du Nord, où plusieurs projets miniers sont en discussion. Les leaders autochtones ne lui font pas confiance. Bien mauvaise décision que celle-là, d'autant plus qu'il y avait en Geoff Kelly un député à la compétence incontestée en la matière.
Ce cabinet respecte, pour une deuxième fois, une stricte égalité hommes-femmes. Il sera maintenant difficile pour tout futur premier ministre d'échapper à la tradition qu'est en train d'établir Jean Charest. On voit mal Pauline Marois devenant première ministre lors des prochaines élections ne pas y souscrire. Dès lors, la parité deviendra une obligation.
Depuis longtemps, des groupes de femmes réclamaient l'adoption d'une loi obligeant les partis politiques à présenter aux élections un nombre égal de candidats et de candidates. Cela ne sera plus nécessaire. Pour s'assurer de pouvoir composer un Conseil des ministres paritaire, les chefs de parti n'auront d'autre choix que d'accroître le nombre de femmes candidates. Il faut reconnaître à Jean Charest le mérite d'avoir trouvé une formule simple, qui changera nos moeurs politiques.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé