Le Bloc doit-il mourir ? NON !

Recomposition politique au Québec - 2011



NON !
Les Québécois ont mis un terme, ce lundi, à une phase politique longue de 20 ans. Ils ont décidé de tourner le dos à une stratégie: parler à Ottawa de sa propre voix, peser sur les décisions lorsqu’on avait la balance du pouvoir, ne pas diluer sa force dans des arbitrages au sein d’un parti dominé par le Canada anglais.


C’est fini. Le message est reçu. En fait, 23% des Québécois ont tout de même voté Bloc ce qui, dans un système proportionnel, aurait donné aux bloquistes 17 députés, plutôt que quatre.
En fait, les Québécois avaient décidé de diversifier leur stratégie politique. Moins de bloquistes, plus de néo-démocrates. Ils ont mal jugé l’ampleur de leur geste.
Le fait subsiste. Le système électoral a démultiplié la force de la vague orange et ravi au Bloc, non seulement son statut de premier parti, mais son statut de parti tout court.
Que faire ? La tentation est forte de tout sacrer-là. De saborder le navire. Le voyage était si beau, le naufrage si spectaculaire, avec un formidable capitaine sombrant avec le navire. Il y a une étrange satisfaction dans cette image. Un cycle complet, avec un début et une fin. Une histoire à raconter, sans fils qui trainent.
À cette tentation lyrique, qui reste beaucoup dans le non-dit, s’ajoute l’argument stratégique. C’est le “regroupons nos forces” à Québec. Concentrons-nous sur le PQ. Laissons le système fédéral faire la démonstration de sa surdité envers le Québec.
C’est tentant.
Parler Qc
L’avenir du Bloc appartient bien sur aux bloquistes. Il appartient aussi, un peu, aux souverainistes. Et je ne suis pas de ceux qui jugent préférable de monter au combat avec le moins de moyens possibles.
En termes de militance, la disparition du Bloc n’aurait pas d’impact significatif sur le Parti québécois. Déjà, avec une victoire potentielle dans deux ans, le nombre de candidats de qualité qui se bousculent aux portes du PQ pour les quelques bonnes circonscriptions disponibles est considérable. Et c’était avant que 44 députés d’expérience ne deviennent disponibles.
En termes de positionnement politique dans l’opinion, chacun comprend que le Bloc n’est plus un joueur majeur. Les Québécois savent — ou sont sur le point de se rendre compte — qu’ils sont renvoyés au seul lieu dans lequel ils peuvent vraiment décider eux-mêmes: l’élection québécoise.
La preuve ? Auraient-ils envoyé à Ottawa 75 députés néo-démocrates ce lundi, le reste du Canada aurait quand même élu un gouvernement conservateur majoritaire.
Donc, saborder ce qui reste du Bloc n’ajoutera rien au repositionnement politique structurel qui s’ouvre. Mais s’il arrive — et ça arrivera — que les partis fédéraux à Ottawa, dont le NPD, refusent de relayer des positions québécoises, la présence du dernier quarteron de bloquistes pourra illustrer, chaque fois, ce que le Québec a perdu comme poids à Ottawa.
Comme des canaris dans la mine, ils seront les seuls à “Parler Qc”. À ces moments, ils seront entendus.
Un calendrier fixe
En termes stratégiques, les souverainistes ont désormais un horizon clair. La date de la prochaine élection fédérale est fixée: le 19 octobre 2015.
Nous savons aussi avec certitude qu’il y aura, à mi parcours, une élection québécoise. Quelque part à la fin de 2013.
Si le Parti québécois remporte le pouvoir, cela signifie qu’il trouvera devant lui, deux ans après son élection, une échéance électorale fédérale.
Pourrait-il être utile, dans les efforts de gouvernance souverainiste ou de marche vers la souveraineté, d’utiliser cette échéance comme un tremplin, un rebond, un écho de la volonté québécoise ?
Dans cette éventualité, existerait-il un véhicule crédible, fidèle au Québec, qui a fait ses preuves et gagné ses lettres de noblesses, qui pourrait ressurgir pour être utile à la nation ?
Oui, il en est un. Il s’appelle le Bloc Québécois.
Peut-être, tout cela n’arrivera-t-il pas. Peut-être qu’entre 2013 et 2015, il deviendra clair que cet instrument-là, à ce moment-là, ne sera pas utile.
Mais décider, aujourd’hui, de s’enlever la possibilité, demain, de puiser dans l’énorme force tapie dans l’histoire du Bloc Québécois serait, à mon humble avis, de l’étourderie.

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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