Le bilinguisme comme une religion (3/3)

Questions et réponses utiles pour Pauline Marois

Chronique de Bernard Desgagné

Questions et réponses utiles pour Pauline Marois
Un journaliste — In English, please!
Pauline Marois — Si vous voulez des réponses en anglais, allez voir M. Charest. D'ailleurs, j’ai cru comprendre qu’il ne donnerait à l’avenir ses conférences de presse qu’en anglais puisque c’est la langue que comprend la totalité de sa base électorale. On ne peut en dire autant du français. Quant à M. Dumont, il vous répondra sans doute en anglais, mais il vous récitera essentiellement la même chose que Stephen Harper.
Un journaliste — Que proposez-vous pour améliorer le bilinguisme des Québécois?
Pauline Marois — La connaissance de l’anglais n’a pas besoin d’être améliorée au Québec. Elle est déjà excellente. Plus de la moitié des jeunes adultes québécois savent parler anglais. Dans la région de Montréal, la proportion atteint plus de 60 %. En Outaouais, elle est de 80 %. Par comparaison, au Canada anglais, si on exclut les minorités canadiennes-françaises, seulement 7 % des gens parlent français. En revanche, la connaissance des autres langues étrangères aurait besoin d’être meilleure au Québec. Il faut sans doute mettre moins l’accent sur l’apprentissage de l’anglais et davantage sur l’espagnol, le portugais, l’italien, l’allemand, l’arabe ou le chinois, par exemple.
Un journaliste — Mais, les Anglo-Québécois sont bien plus bilingues que les autres Québécois.
Pauline Marois — Dans les régions où se trouvent les Anglo-Québécois, les autres Québécois sont pratiquement aussi bilingues qu’eux. De plus, bien que les Anglo-Québécois affirment connaitre la langue française, ils disent aussi ne pas s’en servir bien souvent. C’est le contraire des Canadiens français du Canada anglais, qui parlent surtout anglais parce qu’ils sont dans un milieu anglais. Les Anglo-Québécois se comportent encore comme une majorité, ce qui nous fait oublier qu’ils sont en fait une minorité et qu’il n’y a donc pas de comparaison possible entre eux et la majorité québécoise. Il est tout à fait normal que la minorité linguistique soit capable de parler la langue commune et même qu’elle l’utilise la plupart du temps. Il en est ainsi dans tous les pays normaux du monde. Il est vrai que le Québec n’est pas encore un pays, mais comme je veux être le premier chef d’État d’un Québec souverain, je tiens le discours d’un chef d’État, et non celui d’un chef de territoire conquis.
Les Anglo-Québécois ont encore beaucoup de progrès à faire pour s’intégrer pleinement à la société québécoise. Je les invite fraternellement à se joindre à nous pour défendre le Québec, sa langue et sa culture. Nous avons besoin d’eux.
Un journaliste — Alors, vous dites que le bilinguisme est suffisant au Lac-Saint-Jean?
Pauline Marois — L’unilinguisme n’est pas une tare. C’est même la norme dans la plupart des pays du monde, y compris au Canada anglais. L’unilinguisme est en fait un très bon indice de la vigueur linguistique d’une nation. Si le bilinguisme est insuffisant au Lac-Saint-Jean, que dire du bilinguisme de Moose Jaw?
Les programmes d’enseignement des langues étrangères au Québec doivent tenir compte des réalités régionales, mais il est certain que l’État québécois doit s’employer avant toute chose à donner accès au savoir et au travail en français plutôt que de répandre la fausse croyance que le monde est anglais et que l’unilingue a moins de chances qu’un autre. Les gens qui maitrisent l’anglais ont tendance à consulter beaucoup les sources d’information anglaises, ce qui n’est pas toujours une bonne façon de faire tomber les oeillères et de s’enrichir. Les médias du monde anglo-saxon ont tendance à être nombrilistes. La culture américaine est autosuffisante et a une énorme force d’attraction. Il vaut peut-être mieux apprendre une autre langue lorsqu’on souhaite vraiment enrichir sa vision du monde.
Un journaliste — Quelle méthode préconisez-vous pour enseigner l’anglais et les autres langues aux Québécois?
Pauline Marois — Les études sérieuses et les observations sur le terrain montrent que ce sont les adolescents et les jeunes adultes qui sont les mieux outillés pour apprendre les langues étrangères. C’est donc par des cours intensifs à partir de la deuxième année du secondaire et au cégep que l’enseignement des langues étrangères serait le plus efficace.
Dans le cas de l’anglais, il est vraiment inutile de forcer la note puisque les Québécois l’apprennent déjà très bien. L’apprentissage d’une langue ne se fait pas seulement à l’école et, vu la forte présence de l’anglais en Amérique du Nord, il est facile d’être en contact avec l’anglais, que ce soit par la télévision, l’Internet ou les autres médias. L’immersion anglaise n’est vraiment pas nécessaire au Québec, sauf peut-être dans certaines régions, et encore. L’immersion et les voyages-échanges pourraient cependant être utiles dans le cas des autres langues étrangères.
Un journaliste — Pourquoi voulez-vous que les immigrés cessent de parler leur langue chez eux? Gil Courtemanche écrivait justement un article là-dessus dans Le Devoir du 2 février 2008. Beaucoup de gens disent que la langue parlée à domicile n’a aucune importance. Pourquoi voulez-vous vous mettre le nez dans le salon et la salle à manger des gens?
Pauline Marois — Évidemment, ni moi, ni les autres défenseurs de la langue française n’avons jamais affirmé une chose pareille. Les immigrés sont les bienvenues au Québec et nous espérons qu’ils sauront transmettre à leurs enfants québécois leur langue maternelle, ce qui nous enrichit de gens capables de faire l’interface entre le français du Québec et d’autres langues étrangères que l’anglais.
Je m’inquiète toutefois au sujet des substitutions linguistiques qui s’opèrent sur le territoire québécois. Il a été clairement démontré, entre autres grâce aux travaux de Charles Castonguay, que ces substitutions favorisent nettement l’anglais. Bien sûr, il y a des immigrés qui adoptent le français, mais cette adoption se fait la plupart du temps dans le pays d’origine. Comme vous le savez, le Québec sélectionne une partie de ses immigrants, et la connaissance de la langue française est un important critère de sélection.
J’aimerais bien vous dire que nous devons la francisation apparente des immigrés au Québec à la loi 101, mais ce n’est pas le cas. Nous la devons au Maroc, à l’Algérie, à la Tunisie et à Haïti.
Ce qui nous inquiète, ce n’est pas que les Québécois d’origine étrangère parlent leur langue maternelle chez eux ou même sur la place publique. C’est plutôt que, lorsqu’ils adoptent une autre langue après leur arrivée au Québec, ce soit l’anglais qu’ils préfèrent au français dans la grande majorité des cas.
Un journaliste — Ne craignez-vous pas la réaction de la communauté anglaise du Québec?
Pauline Marois — Il n’y a vraiment pas beaucoup d’Anglo-Québécois qui votent pour le Parti Québécois, malheureusement. Alors, mon parti ne risque pas de perdre beaucoup de votes à cause de ma position sur la langue. De plus, les Anglo-Québécois qui votent pour le Parti Québécois approuvent sans doute largement ce que je dis. Je préfère essayer de convaincre les Anglo-Québécois de se joindre au reste des Québécois pour vivre en français, plutôt que d’essayer de leur faire tous plaisir alors que je sais pertinemment que certains d’entre eux vont toujours résister fortement à la francisation du Québec. Ce refus est malheureux, et je leur tends la main fraternellement dans un esprit d’inclusion et dans le respect des origines de chacun. Mais il reste que je veux faire du Québec un pays français, et non une copie conforme du Canada bilingue de Pierre Trudeau.
Un journaliste — Quelles mesures proposez-vous pour renforcer le français au Québec, en attendant que l’indépendance vous permette de faire du Québec un véritable pays français?
Pauline Marois — Je vous ai déjà fait part de certaines mesures concernant notamment la francisation des entreprises de moins de 50 employés. Après avoir consulté les spécialistes de la question, j’y ajoute maintenant les mesures suivantes :
À part les Anglo-Québécois, tous les jeunes cégépiens du Québec devront fréquenter les cégeps français.
La francisation des jeunes enfants devra commencer au stade préscolaire, pour qu’ils n’accusent pas de retard lorsqu’ils entrent à l’école française.
Un observatoire indépendant de la langue française sera créé et devra rendre des comptes à l’Assemblée nationale et au peuple québécois. Toutes ses études seront publiques. Il examinera la question sous toutes ses coutures au lieu de chercher à dissimuler les statistiques les plus gênantes pour ceux qui voudraient que le Québec reste prisonnier du bilinguisme canadien.
Les entreprises, les organismes et les professionnels du Québec seront tenus de s’exprimer non seulement en français, mais aussi dans un français correct. Pour ce faire, ils auront l’aide de l’Office québécois de la langue française. Les fautes dans les communications officielles comme la publicité ne seront pas sanctionnées, mais elles devront être corrigées. Le refus de corriger une faute pourra donner lieu à une sanction. C’est l’Office qui jugera s’il y a faute.
Les communications de l’État québécois se feront strictement en français. Les communications en anglais se feront sur demande exprès. Le nom du demandeur sera alors ajouté à une liste de personnes admises gratuitement à des cours de français. Le refus de suivre ces cours entrainera le refus de l’État de fournir des services en anglais à cette personne, à l’avenir.
Les programmes d’enseignement du français dans les écoles anglaises devront comprendre des périodes intensives de français au secondaire et au cégep. De même, les universités anglaises devront donner au moins un tiers de leurs cours en français d’ici 5 ans. Ces mesures visent à garantir la capacité de travailler avec aisance en français de toute personne formée dans les établissements québécois, avec les deniers publics des Québécois.
Avant de pouvoir travailler au Québec, toute personne ne faisant pas partie du personnel diplomatique d’un pays étranger devra réussir un examen de français correspondant à l’examen de français de la fin des études collégiales ou de la fin des études secondaires, selon le cas. Au besoin, l’examen pourra être adapté si la personne présente un handicap ou si elle n’a pas terminé ses études secondaires. Pourront être exclus les détenteurs d’un permis de travail temporaire ainsi que les artistes et les sportifs professionnels. Ceux-ci se verront quand même offrir des cours de français et seront fortement incités à les suivre.
Évidemment, une fois le Québec devenu indépendant, d’autres mesures de francisation vont s’ajouter pour que le français soit vraiment la langue commune des Québécois, plutôt qu’une langue en perdition soumise à une vive concurrence de l’anglais sur son territoire.
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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2008

    Je n'ai jamais eu rien contre l'apprentissage d'une autre langue. Loin de là. Ce n'est pas ça le problème. Tout le monde sait parfaitement le noeud du problème au Québec; la minorisation, l'assimilation et la disparition des francophones.
    L'anglais, belle langue de culture et de civilisation, dont 50% du vocabulaire vienr du français et du latin!, a sa place dans le monde. Mais voilà le problème. Sur son passage, bien souvent elle écrase, sciemment ou pas, et réduit en poussière tout. Mois je me souviens de l'Irlande et de l'Ecosse.
    Il y aurait 20 millions de citoyens américains d'origine française aux USA; pour la plupart des Canadiens-français. Que reste-il de franco-américains parlant le français aujourd'hui ?
    Que reste-t-il de la diaspora canadienne-française dans les autres provinces ? Pas grand chose malgré la propagande et les mensonges.
    Une partie infime a gardé sa langue et sa culture. Tout le monde parle de diversité culturelle. C'est même le discours officiel de Gouvernement du Québec et du Canada. Et pourtant on fait tout au Québec et dans le reste du monde pour diminuer la diversité culturelle.
    Le bilinguisme ce n'est pas nécessairement l'anglais. Le bilinguisme justement devrait être autre chose de plus généreux et de plus grand. Mais ce ne l'est pas. Ça se résume à l'unilinguisme anglais et l'obsession de faire partie de la culture dominante.
    Religion de bilinguisme mais surtout religion de l'uniculturalisme américain. L'uniculturalisme américain est bien plus dangeureux que même le bilinguisme. Je fais une différence parce que personne ne semble capable de faire la différence.