Comme je l’écrivais dans mes derniers billets, une des particularités de l’ultradroite est sa tendance à vouloir modifier le réel pour tenter de l’adapter à son idéologie. Ainsi, [Joseph Facal, dans une chronique publiée hier dans un journal en lock-out->33871], tente de se moquer de ceux qui voient dans la Suède, notamment, un exemple à suivre pour le Québec. Qualifiant au passage les progressistes de « dinosaures » – depuis quand les idées centristes et solidaires sont-elles d’un autre temps? -, il parle des réformes entreprises par la Suède dans les années 90 pour tenter de faire croire que ce pays serait davantage un exemple pour la droite que pour la gauche.
Ainsi, Facal refait jouer le vieux disque usé de la nécessité de réduire les dépenses plutôt que de hausser les impôts. Le problème, c’est qu’il ne peut s’inspirer de la Suède pour cela. Comme le montre le graphique 1, le taux d’imposition des mieux-nantis est beaucoup plus élevé en Suède qu’au Québec ou au Canada. À titre indicatif, c’est également le cas pour les couples avec enfants; la Suède impose beaucoup plus adéquatement ses plus riches que le Québec.
Sources: OCDE et Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques.
On pourrait également parler du taux de syndicalisation (graphique 2). Facal, en tant que signataire du manifeste des « Lucides » (sic), a toujours prôné des mesures nuisant au syndicalisme. On ne peut d’ailleurs pas passer sous silence le fait qu’il n’hésite pas à jouer les scabs pour le Journal de Montréal, alors que les employés légitimes sont en lock-out depuis près de deux ans. Or, qu’en est-il de son exemple suédois? On constate que le taux de syndicalisation y est presque deux fois plus élevé qu’au Québec! S’il fallait s’inspirer de la Suède, ne faudrait-il pas alors encourager la syndicalisation afin de rattraper ce retard?
De la même manière, comment passer sous silence le fait que le système de santé suédois est public à près de 82%, contre 71% pour le Québec (graphique 3)? Joseph Facal n’hésitait pourtant pas à faire la promotion du privé dans la santé dans ce texte. Quand on parle de Facal, duquel devons-nous parler? Celui qui veut augmenter la marchandisation du réseau de la santé ou de celui qui veut que le Québec s’inspire de la Suède en réduisant l’influence du privé dans la santé? Il est confus, le monsieur…
Sur le même thème, Facal prône le dégel des frais de scolarité alors que l’éducation, en Suède, est virtuellement gratuite de la maternelle au doctorat. Veut-il oui ou non que le Québec s’inspire du pays scandinave? Si la réponse est « oui », nous avons un grand rattrapage à opérer pour enrichir les Québécois d’un accès le plus grand possible à une éducation supérieure de qualité.
Il y a quelque chose d’assez surréaliste à voir l’ultradroite valoriser un modèle pourtant plus à gauche que le Québec dans des secteurs aussi vitaux que l’impôt sur le revenu, le taux de syndicalisation, la part du public dans la santé et les frais de scolarité. Pourtant, le modèle suédois faisant une grande place à l’État, loin de mener à la ruine comme nous l’annoncent les propagandistes de l’ultradroite, fonctionne très bien. Comme le démontre ce graphique, le ratio de la dette nette sur le PIB de la Suède est parmi les plus avantageux des pays développés. Alors que le Québec arrive dans la moyenne des pays de l’OCDE au niveau de sa dette (devançant même des pays comme les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Japon et la Belgique), la Suède n’est devancée que par la Corée, la Finlande et la Norvège.
L’ultradroite, on le constate, n’a pas peur du ridicule. Elle n’hésite pas à manipuler les faits et à prôner à la fois des mesures désolidarisantes et à travestir la réalité pour faire croire que des pays réussissant économiquement réussissent parce qu’ils ont adopté de telles mesures. Au contraire, les dernières années nous ont montré l’effondrement de pays ayant radicalement appliqué les mesures de l’ultradroite. Des pays comme l’Islande et l’Irlande sont ruinés précisément à cause de ces politiques.
Si vraiment Facal veut que le Québec s’inspire de la Suède, il nous faudrait commencer à agir dès maintenant et à rejeter en bloc ses idées du dix-neuvième siècle. La solution aux problèmes actuels ne passe pas par la réduction de la taille d’un État déjà largement en décroissance, mais plutôt, si on se fie sur la Suède, par une hausse des impôts des mieux-nantis, une augmentation du taux de syndicalisation (notamment en renforçant le code du travail pour encourager un maximum de travailleurs à se syndiquer), une réduction de l’influence du privé dans la santé et une élimination définitive des frais de scolarité réduisant l’accès aux études supérieures.
Merci M. Facal. Grâce à vous, nous connaissons désormais la recette du succès.
Et nous savons ce que valent vraiment vos idées, M. le scab.
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