La seule voie pour régler la question nationale

Rentrée parlementaire


Afin de ne pas nuire à ses chances d'être porté au pouvoir, le chef péquiste André Boisclair s'est autorisé à biffer l'article 1.2.3 du programme de son parti adopté lors du congrès de juin 2005 suite à la «saison des idées» visant à assurer le renouveau de la formation souverainiste. Cet article stipulait les nombreuses tâches que le parti devait accomplir, d'ici les prochaines élections, dans le cadre de sa démarche vers la souveraineté.
Une fois ce premier pas franchi sans trop d'anicroches, certains observateurs prédisent même que, malgré ses professions de foi renouvelées envers le programme du PQ, M. Boisclair s'enhardira jusqu'à prendre ses distances avec le cœur même de la stratégie souverainiste de son parti décrite à l'article 1.2.4 du programme où la formation s'engage à «organiser et tenir un référendum le plus tôt possible à l'intérieur du prochain mandat». Si cette éventualité se produisait, les péquistes se trouveraient dans une impasse semblable à celle qui a prévalu sous la direction de Lucien Bouchard et Bernard Landry alors que ces derniers se sont réfugiés derrière la formule des «conditions gagnantes» pour reporter aux calendes grecques un référendum qu'ils craignaient de perdre.
Quoi qu'il en soit, l'évolution du PQ depuis son retour dans l'opposition démontre qu'il n'a toujours pas compris l'enseignement de l'histoire de ces dernières décennies. Ainsi, il ne semble toujours pas avoir réalisé que le Québec n'accèdera pas à la souveraineté grâce à une conjoncture politique momentanément favorable, mais par ailleurs éminemment changeante à moyen terme. Créer un pays est un défi beaucoup plus exigeant que de prendre le pouvoir grâce à une embellie électorale dont on profiterait astucieusement pour aller décrocher une mince majorité dans un référendum. Si on veut un règlement durable de la question nationale, il faut que souveraineté politique se conjugue avec souveraineté populaire; non seulement dans l'urne référendaire mais tout au cours du processus qui y mène.
Une démarche citoyenne large et inclusive
Ce que les têtes dirigeantes du PQ ne semblent toujours pas admettre, c'est le fait que le débat sur l'avenir du Québec n'appartient à aucun parti politique en exclusivité ou groupe de la société civile en particulier ni même à l'Assemblée nationale, mais à toute la population du Québec. C'est pourquoi ce débat devrait d'abord se faire au moyen d'une vaste et inclusive démarche citoyenne où toute la population pourrait se prononcer sur les changements politiques et constitutionnels, de même que sur les valeurs qui y seront associées, comme l'a proposé le Collectif Québec Plus Démocratie, en juin dernier, dans un manifeste cosigné notamment par les députés péquistes Jean-Pierre Charbonneau, Jonathan Valois et Daniel Turp.
De façon concrète, il s'agirait de lancer une démarche appelée à se déployer simultanément à la grandeur du Québec - aussi bien aux niveaux local que régional - qui serait susceptible de faciliter la participation de tous les citoyenNEs. Ces nouveaux espaces publics de délibération prendraient la forme de forums qui constitueraient autant d'agoras populaires où les participants pourraient pleinement s'impliquer et détenir un pouvoir réel sur le contenu et la portée des échanges. Pour que les citoyenNEs soient vraiment au centre du processus, on ferait en sorte que les experts, les élites et les dirigeants des groupes de pression ne monopolisent pas l'exercice de prise de parole collective.
Il faut noter que Jean-Pierre Charbonneau a réussi à faire introduire une démarche semblable de démocratie participative dans le programme du PQ lors du congrès de 2005. Mais la réaction négative d'André Boisclair, lors de la publication du document de Québec Plus Démocratie, laisse craindre que ce ne soit le prochain point du programme qui tombe sous le couperet du chef en train de rédiger la plate-forme électorale du parti avec sa garde rapprochée.
Par ailleurs, la réussite d'une telle démarche citoyenne exige qu'elle s'organise et se déroule selon des conditions bien précises, notamment qu'on prenne tout le temps nécessaire pour la mener à terme avant de passer à une autre étape. Il faudrait aussi qu'on tienne compte des principaux consensus qui s'en seraient dégagés lors de l'étape suivante qui pourrait être l'élection et le déroulement des travaux d'une Assemblée constituante. De plus, il faudrait que la direction de la démarche soit confiée à un organisme non partisan ou trans-partisan représentatif des divers courants d'opinion. Il faut en effet que l'organisme directeur soit en mesure d'obtenir le respect de tous pour que la population puisse avoir confiance dans le processus et y participe. On doit donc faire en sorte que l'intégrité et l'impartialité de cet organisme suscite, sinon l'unanimité, au moins un large consensus. Une autre condition de réussite serait l'investissement des fonds publics indispensables à une démarche aussi importante. Ces fonds devraient aider à obtenir la plus large implication citoyenne possible, non pas à soutenir quelle que propagande que ce soit.
Le changement de paradigme qu'implique la démarche décrite ci-dessus signifie bien entendu, de sortir des sentiers battus du prosélytisme et des campagnes menées selon le bon vieux mot d'ordre « sortir, parler, convaincre ». Il repose sur le postulat que « nos compatriotes n'ont pas d'abord et avant tout besoin d'être convaincus par des porteurs de la bonne parole. Ils ont surtout besoin d'être informés de la manière la plus objective possible, de comprendre les enjeux, de comparer les différents points de vue, de se faire leur propre opinion et d'exprimer ce qu'ils désirent au plus profond d'eux-mêmes. Certains craignent l'expression de ces désirs. Quant à nous, c'est tout le contraire. Nous avons la conviction que la réponse populaire ira dans le sens du plus haut intérêt du peuple québécois » (1).
Paul Cliche,
_ cosignataire du manifeste de Québec Plus Démocratie,
membre de Québec solidaire
(1) Extrait du manifeste de Québec Plus Démocratie.

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Paul Cliche76 articles

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Membre fondateur du Mouvement pour une démocratie nouvelle et auteur du livre Pour une réduction du déficit démocratique: le scrutin proportionnel ; membre de Québec Solidaire; membre d’ATTAC Québec; membre à vie de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal.





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