Rentrée parlementaire à Québec

L'envers d'un combat de boxe

Rentrée parlementaire


Paul Roy (La Presse)
Québec - Avant le début d'un combat de boxe, l'arbitre réunit les deux pugilistes au centre du ring pour leur donner ses directives: "Vous devez obéir à mes ordres et vous protéger en tout temps..."
Mais les boxeurs n'écoutent pas. Ils connaissent par coeur. À un mètre l'un de l'autre, ils se fixent sans défaillir. Loucher serait un impardonnable aveu de trouille.
Le combat commence. Les coups pleuvent. À la tête, au corps, le sang gicle.
Douze rounds plus tard, la décision des juges. Le vainqueur lève les bras au ciel.
Puis survient un moment béni: deux hommes - parfois deux femmes - couverts de sueur et de sang, s'étreignant comme deux amis se retrouvant à l'émission de Claire Lamarche.
Hier, à l'Assemblée nationale, c'est le contraire qui s'est produit: le moment béni est venu en premier, quand le nouveau chef de l'opposition péquiste, André Boisclair, a fait son entrée sous les applaudissements des députés des trois partis.
Cette entrée, qui coïncidait avec le début de la session parlementaire - la deuxième session de la 37e législature -, ne devait d'ailleurs pas donner lieu à un combat de boxe. Jean Charest, le premier ministre, avait même rabroué son whip Norm MacMillan, le mois dernier, pour avoir déclaré que le chef péquiste irait au plancher dès le premier round. Et André Boisclair disait à tous, ces derniers temps, qu'il ne s'en allait pas boxer.
Normal, dans ces circonstances, que l'affaire débute dans la joie et la bonne humeur. André Boisclair s'est dirigé vers le premier ministre, les deux hommes se souriaient chaleureusement en se serrant la main et en se tapant amicalement l'épaule.
Et comme si besoin était, dans son discours d'accueil, la leader parlementaire du Parti québécois, Diane Lemieux, a précisé, au sujet de son chef: "Il est d'abord ici pour servir et représenter tous les intérêts de tous les Québécois. (...) Nous sommes donc loin du match de boxe anticipé avec excès d'enthousiasme par le whip du gouvernement."
Le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, a bien eu quelques mots aigres-doux à l'endroit du député de Pointe-aux-Trembles, mais Jean Charest a rapidement ramené l'harmonie en déclarant: "Malgré les divergences qui séparent les parlementaires, (...) nous avons davantage en commun que tout ce qui nous sépare. Notre attachement au Québec, notre adhésion aux plus hauts idéaux démocratiques."
Le premier ministre s'est fait plus sérieux quand il a rappelé à André Boisclair sa profession de foi envers le programme de son parti, un programme de "processus référendaire" et de "transition vers la souveraineté".
Le ton avait changé. Jean Charest venait de taper sur le clou qui risque d'être son préféré d'ici les prochaines élections: l'échéancier référendaire du PQ. Il ne souriait plus. Les députés péquistes, qui avaient applaudi à plusieurs reprises, sont restés silencieux. Et Jean Charest d'en rajouter: "S'ils veulent prendre un moment pour applaudir, M. le Président, ils le peuvent."
Dans sa réplique, le chef péquiste n'a pas hésité, encore une fois, à parler de la nécessité de faire la souveraineté, le "pourquoi". Il a été plus discret, toutefois, sur le processus référendaire, le "comment". "Les choses essentielles, a-t-il dit, c'est de revenir au pourquoi de la souveraineté. (...) J'ai l'impression que ces dernières années, nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir sur la façon dont nous allions harnacher la rivière."
Puis de décocher un premier jab: "Le premier ministre et son parti ont creusé leur tombe, tentant de faire plaisir à tout le monde, pour les séduire un instant et, au lendemain de l'élection, les oublier complètement et mettre au rancart".
Le combat était en cours. Il s'est poursuivi durant toute la période des questions. Et il reprend aujourd'hui. C'est reparti.


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