Michael Ignatieff a déclaré vouloir réhabiliter Louis Riel. Ce chef métis francophone qui a voulu fonder le Manitoba, le Manitoba mort-né, pas le Manitoba d’aujourd’hui fondé sur la fermeture des écoles françaises, l’enveloppement des terres accordées en métis pour les diviser en cantons selon la belle formule de l’arpentage anglais.
Que veut dire le mot “réhabilitation” pour Louis Riel? Il est impossible de réhabiliter son oeuvre mais on voudra faire croire que le Canada a donné à Louis Riel un champ d’action exceptionnel. Le mot “réhabilitation” signifie dans la bouche de Michael Ingnatieff “récupération”.
Cette récupération a commencé il y a belle lurette. Depuis longtemps Louis Riel a été refondé comme signe dans l’imaginaire collectif canadien. On affirme qu’il voulait le Canada, berceau de toutes les races, et qu’en aucun cas il n’eut songé à faire du Manitoba une province française. Le jour venu, Louis Riel sera un précurseur du multiculturalisme, un prophète de métissage, et à ce titre il sera “réhabilité” à titre de “proud Canadian”.
Le jour de la réhabilitation de Louis Riel, assez étrangement, on retrouvera le Québec dans le même état qu’au jour où secrètement, tout en assurant la nation québécoise du contraire, le Fédéral s’était promis de mettre fin aux jours en liguant des factions pour cuisiner l'opinion publique du Québec. Si on savait que l’opinion publique du Québec était contre et allait vivre son exécution comme un deuil national, dans la grande chancellerie canadienne, on se répétait en anglais: Le Québec, marqué par une division interne, est incapable d’une action commune.
Sir John A. Macdonald avait dans son conseil trois satellites canadiens-français. Des vrais “nationalistes” comme le dit Harper de ses députés du Quebec. C’est à eux que John A. Macdonald a dit que le Fédéral avait tous les droits, faute d’une démarche sérieuse de la part des citoyens du Québec pour s'opposer. Bref, pendaison de Louis Riel, annexion du Québec dans la Constitution, loi de la Clarté, toujours, faute d’une démarche sérieuse auprès des instances canadiennes, on dit que le Québec ne tient qu’à la raison d’Etat de la grande nation canadienne. Pas de démarche canalisée de la part du Québec et semblant d'exécution juridique de la part des instances canadiennes qui manipulent les ficelles du droit à son avantage, voilà le raccourci, l'achoppement irrémédiable de la vie politique québécoise au Canada.
Tout politicien canadien sait que le Québec est incapable d’une action commune. Les prochaines élections fédérales ne se feront pas sur le thème: “Le Québec, patrie d’un nation aux droits inaliénables”. Elle se fera sur le thème: le registre des armes à feu, une intrusion inacceptable dans votre vie privée. Tous les députés de Québec du Parti conservateur vont jurer en français que le registre des armes brime les régions et que l’obsession autour du registre n’est pas qu’une chose anglaise. Et les libéraux diront aux Québécois qu’ils ont des valeurs canadiennes qu’ils sont les seuls aptes à représenter.
Si on était à l’époque de Riel, ces députés diraient ne pas croire que Riel va être pendu. Ils sont toujours là, venant occuper les chaises réservées à la figuration québécoise. On nous dit que cette division interne au Québec nous est profitable. Elle permet à des Québécois de se faire choisir dans les instances canadiennes parmi les collaborateurs de niveau le plus haut.
L’opinion publique du Québec était contre mais les députés Conservateurs avaient assuré que les partisans du parti allaient continuer à appuyer Sir John Mac Donald. Aujourd’hui ils appuient inconditionnellement Harper avec autant de zèle que les Libéraux ont appuyé Trudeau et Chrétien. Dans tous les cas, on compte sur un échafaudage d’explications, un tissu d’interprétations qui font que la réaction québécoise apparaît comme un “phénomène balancé” entre forces d’oppositions canadiennes jusqu’à plus ample informé.
Michael Ignatieff fera valoir que c’est le parti Conservateur qui a fait pendre Louis Riel alors que les Libéraux s’y opposaient. L’entreprise permettra à Michael Ignatieff d’accuser les Conservateurs d'avoir dans l’intérêt de leur parti plutôt que dans l'intérêt de la grande nation dans toute cette affaire. D’une pierre deux coups, comme Michael Ignatieff est anglophone, on voudra encore une fois que Louis Riel cesse d’être le symbole entre franco et anglo.
[->rub1197]Ce n’est pas que cette déchirure n’existe pas. Encore une fois, une grande revue canadienne vient d’écrire que la nation québécoise est hantée par un gène social néfaste l’inclinant au racisme, au repli sur soi, à une complaisance enchevêtrée dans les plus grandes laideurs, actuelles et potentielles, à la corruption, collective et individuelle. Combien de fois le lecteur a-t-il lu dans cette chronique que ce propos, loin d’être accidentel était une pierre d’assise de la nation canadienne?
Au moment où le Canada a pendu Riel, il ne faisait aucun doute pour la population canadienne qu’elle faisait preuve de supériorité morale. Les Québécois que l’on appelait alors les Canayens français ont toujours été la preuve vivante de la supériorité morale de la nation canadienne. Seulement, cette division interne du Québec, depuis qu’elle s’est déplacée autour de l’axe opposant fédéraliste et indépendantiste, ne les sert plus.
Aujourd’hui, la disparition du phénomène indépendantiste a pris rang d’espérance eschatologique au Canada, une étape à franchir qui mettra la petite nation corrompue sur le chemin d’une moralité accrue. On reproche hypocritement à une revue canadienne des propos récurrents, prononcés sur toutes les tribunes, davantage encore dans les arrière-cuisines. Ce fameux gène social néfaste qui hante le Québec, Trudeau le vilipendait avec autant d’aigreur que dans le papier du Maclean's. Selon les sondages, il est le premier ministre canadien le plus populaire.
Allons-nous demander des excuses à Trudeau? Ne serait-il pas plus simple d’admettre d’abord que la culture canadienne provient d’un long travail de préparation des esprits qui se soude autour de la disqualification morale des Québécois? N’importe quel événement au Québec peut servir de prétexte et rallumer cette dynamique interne à la culture canadienne.
Le jour de la réhabilitation de Riel, ce dernier sera un pur jeton dans la préparation des esprits. Il y aura les bons canadiens, croyant dans l’interprovincialisme, le métissage, “un monde nouveau sans distinction d’origine” comme l’a déjà dit Harper, et les autres, ceux du sceau de l’infamie, les corrompus, les génétiquement tarés conduits à la disqualification morale. Et on dira que si Louis Riel était vivant, il ferait des réunions, alimenterait des querelles de cuisine contre les séparatistes québécois comme tout bon Canadien. La culture canadienne, vous y naissez, vous y grandissez et vous devenez un spécialiste de l’ouverture d’esprit, c’est bien connu.
Le jour de la réhabilitation de Riel, les serviteurs les plus intimes du pouvoir canadien, les militants, les étoiles montantes des partis fédéralistes, les militants multiculturalistes vous diront que Riel fut leur premier disciple. Ce jour-là, tous les hôtes et les argus de la moralité supérieure seront là, dans la liste des gens prévus à l’avance.
Il y aura quelques personnes pondérées pour dire qu’il y avait une partie de contestation dans la fronde de Riel. On prendra bien soin de dire que la misère des autochtones existe encore et que le sort des francophones s’améliore très lentement. On dira que Riel ne fut pas parfait, peut-être même guidé par la folie du désespoir, allez savoir pourquoi. Et on vous dira que le système canadien a pris bonne note des succès et des défauts de la colonisation de l’Ouest. [Depuis, vous dira-t-on, on a liquidé les défauts et renforcer les succès.->30746]
Il n’y en a pas un qui vous dira à la télévision que c’est précisément ce que Louis Riel craignait d’entendre. Vous allez devoir vous taper tout cela à la télé. On déplacera le bulletin de nouvelles pour la diffusion de la cérémonie. Ce sera aussi long que les élections au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue, selon le discours officiel traduit dans un français laborieux.
André Savard
La réhabilation programmée de Louis Riel
Le mot “réhabilitation” signifie dans la bouche de Michael Ingnatieff “récupération”
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
2 octobre 2010Louis Riel, comme nos Patriotes de 1837/38 et nos Felquistes étaient un brave parce qu'il a osé s'attaqué à plus fort que lui. Toutes ces personnes méritent notre admiration même s'ils ont perdu leurs batailles.
Archives de Vigile Répondre
28 septembre 2010Quant à moi, réhabiliter Louis Riel, grâce à Ignatieff est une insulte, un affront impardonnable. Mais de quoi se mêle-t-il ce Russe blanc qui, s'il le faut, se déguise en cowboy ?
Le PLC cherche désespérément des électeurs, particulièrement au Manitoba.
Que ne feraient pas les fédéralistes libéraux pour l'unité canadienne mise à mal par les conservateurs. Pendant des décennies n'ont-ils pas tenté de noyer les Indiens, les Métis, les Canadiens français et les Québécois de souche française dans une mer multiculturelle ?
Ce dossier est simplement une affaire politique. Les libéraux fédéralistes salivent à l'idée de reprendre le pouvoir et tous les moyens sont bons, même Riel.
Je suis certaine que Riel doit empêcher Ignatieff de dormir... (sourire)
Marie Mance Vallée
Métisse