La radicalisation étapiste

1997

17 décembre 1997

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Pour tout et pour rien, des leaders d'opinion, dans les médias ou en politique, s'en prennent à ce qu'ils nomment les «purs et durs» du PQ. Boucs émissaires parfaits, ces militants sont affublés des pires épithètes. On les traite de radicaux, d'ayatollahs, d'enragés, de fous de la langue, d'extrémistes, d'intégristes, d'idéologues, d'orthodoxes, de dogmatiques, etc. Bientôt, on nous dira qu'ils bouffent des petits Anglais en sauce béchamel!
Avant chaque conseil national du PQ, on nous rejoue ce mauvais western où les bons cow-boys sont ceux qui suivent la ligne dictée par certains commentateurs et où les méchants, les purs et durs, sont ceux qui la refusent.
Bref, est modéré celui qui pense comme la plupart des leaders d'opinion alors qu'est radical celui qui pense autrement. Allez comprendre quelque chose...
Le discrédit par la répétition systématique de ces étiquettes, c'est ce qu'on appelle la méthode de l'«amalgame». La recette est simple: vous assimilez certaines personnes et idées à de l'extrémisme et, bingo! vous conditionnez l'opinion publique à les rejeter automatiquement. Aucune démonstration n'est requise. Vous ajoutez un ou deux sondages confirmant le tout et le tour est joué! D'une pierre deux coups, vous marginalisez et les porteurs de ces idées et celles-ci. Plus besoin de débattre. Parce que le mot radical marque au fer rouge, l'adversaire est knock-out avant même d'avoir ouvert la bouche.
L'amalgame est un outil efficace de propagande. Mais combien d'entre nous comprennent ce processus qui conditionne au rejet de certaines idées? Combien savent que la force de ce procédé est accentuée par l'omniprésence des médias et leur tendance croissante au conformisme et au nivellement des discours? Combien s'en inquiètent? (Pour mieux comprendre cette tactique de l'amalgame, voir La Parole manipulée de Philippe Breton, paru récemment chez Boréal).
Cela dit, il est vrai qu'on retrouve dans toutes les sociétés des positions vraiment extrémistes. Le problème est que l'usage abusif de ces étiquettes contre des idées qui, en fait, n'ont rien de radical et méritent d'être débattues, effrite notre capacité d'identifier les expressions réelles d'extrémisme pouvant poser certains dangers au bien-être collectif.
En présentant des militants du PQ comme des ayatollahs, les accusateurs qui, pour la plupart, sont fédéralistes ou confédérationnistes et n'en ont jamais rencontré un de leur sainte vie, voient la paille dans l'oeil du voisin mais refusent de voir la poutre qui crève le leur.
A force de voir des présumés intégristes souverainistes jusque sous leur lit, ils ferment souvent les yeux devant l'évidente radicalisation du camp fédéraliste. Une radicalisation qu'on peut qualifier d'étapiste puisqu'elle se fait étape par étape, pas à pas. Du rapatriement unilatéral aux menaces de partition en passant par l'échec de Meech -, ce camp se montre de plus en plus inflexible. Depuis le 30 octobre 1995, cette radicalisation s'accélère à la vitesse de l'éclair. Le ton monte. La rhétorique se durcit. La Cour suprême se fait de plus en plus militante.
Mais c'est sûrement dans le dossier de la langue qu'on retrouve la quintessence même de cette radicalisation étapiste. Depuis l'adoption de la loi 101 en 1977, les juges nommés par Ottawa, les lobbys et avocats anglophones ont pris plaisir à la déchiqueter, étape par étape. Patients et déterminés, ils ont discrédité par un chantage outrancier à notre image internationale le seul outil pouvant protéger d'une telle ingérence: la clause nonobstant. Ce que la plupart de nos gouvernants, aux vertèbres mollassonnes, ont laissé faire. Etrange que devant un tel bulldozage, on ne nous parle jamais des ayatollahs du bilinguisme, des militants enragés de l'anglicisation des services de santé, des idéologues de l'affichage bilingue, des intégristes de la Cour suprême, etc.
Dans cette radicalisation, notons la dernière étape en date de cette semaine (car il y en aura d'autres, ça c'est sûr!): la contestation de M, Julius Grey contre l'application de la prédominance du français dans l'affichage. Connu pour ses victoires contre la loi 101 et tout récemment contre la Loi référendaire, il entend dénoncer en Cour supérieure l'«absurdité» des règlements assurant que le français prédomine par rapport à l'anglais. Bref, après nous avoir dit en 1993 que cette prédominance était un bon compromis, des anglophones tentent maintenant d'en faire invalider l'application en arguant (tenez-vous bien!) que cela ne remet pas «en cause la prédominance elle-même». Parlant d'«absurdité»...
Ce n'est pas tout. Me Grey conteste aussi l'interdiction d'afficher en anglais sur les autobus et les panneaux-réclame et demande à ce que la prédominance soit appliquée non par des fonctionnaires québécois mais par des juges! Pourquoi pas par Alliance Québec, tant qu'à y être?
Prenez-en bonne note: cette cause, tout comme celle contre la Loi référendaire, est financée en bonne partie par Howard Galganov. Si tout cela ne s'inscrit pas dans une radicalisation étapiste, mon nom est Stéphane Dion.
Qu'à cela ne tienne, une chose est sûre: la plupart de nos leaders d'opinion continueront de traiter de dangereux idéologues ceux qui appuient un renfoncement du français et présenteront comme modérés ceux qui combattent pour imposer l'idéologie du bilinguisme. Ainsi va la vie au Québec. Du moins, ces jours-ci.
Dans le cadre de la radicalisation étapiste des fédéralistes, cette dernière offensive contre la loi 101 ne surprend guère. On ne les compte plus depuis le dernier référendum. Ce qui laisse pantois, c'est la volonté décroissante d'y faire obstacle. Faut croire que l'amollissement peut être tout aussi étapiste...
(...)


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