La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (OSC) a rendu récemment une décision contre Coventree Capital Group (Coventree). Les informations obtenues au cours des 40 jours d'audiences ont mené à la conclusion du Comité à l'effet que Coventree avait enfreint la Loi sur les valeurs mobilières en omettant d'informer ses actionnaires et ses clients sur des changements majeurs affectant la valeur de ses actions et ses produits de placement : le papier commercial adossé à des actifs (PCAA). Comme la Caisse fut le principal actionnaire et le principal client de cette petite entreprise de Toronto, cette audition était donc l'occasion de faire un peu de lumière sur " ce mystère que la Caisse en ait accumulé autant ", H P Rousseau en parlant des PCAA. Et poser plus directement la question :
La Caisse fut elle une victime consentante ou une victime d'une fraude ?
Rappelons que la Caisse de dépôt a inscrit des pertes de 40 milliards pour l'année 2008 et que, si elle avait eu un rendement comparable aux autres fonds de même catégorie, ces pertes auraient été de 30 milliards. Elle a donc connu une sous performance de 10 milliards, laquelle est grandement attribuable à une surexposition aux produits dérivés, particulièrement au papier commercial adossé à des actifs: les PCAA, pour lesquels la Caisse a inscrit une radiation d'actif d'environs 6 milliards en 2008-09. Cette vulnérabilité aux produits dérivé découlait, selon M J. Parizeau, du fait que le changement de la Loi sur la Caisse, imposé par Charest sous le bâillon (Loi 78: 2004), le rendement d'abord, avait transformé un fonds de pension en un fonds spéculatif (Hedge Fund).
Dans un texte publié sur Vigile quelques jours avant la divulgation des pertes historiques de 2008, j'identifie, à partir de sources ouvertes et publiques d'informations, les 2 acteurs principaux de la saga du papier commercial adossé à des actifs (PCAA non-bancaire) : Coventree Capital Group Inc. (Coventree) et l'agence de notation Dominion Bond Rating Service (DBRS). Sans les agissements douteux de ces entreprises de Toronto, la Caisse aurait évité une part importante des pertes encourues sur le papier commercial.
***
Dans ce texte, je documente que la Caisse de dépôt avait une relation structurée et privilégiée avec Coventree, étant son principal actionnaire au moment de l'émission publique d'action et son principal client par la suite. (Me Pierre Cloutier observe à cet effet que la Caisse était à la fois du coté acheteur et vendeur de ce produit). Cependant cette opération n'aurait pas été possible sans la participation d'une agence de notation qui a accordé la plus haute note de crédit à ce produit qui s'avérera toxique par la suite. Sans cette note AAA, ce produit avait peu chance de trouver preneur auprès des investisseurs institutionnels. C'est ici que DBRS entre en jeux.
« While U.S. rating agencies refused to endorse Canadian paper because of the OSFI-created bank loan flaw, DBRS jumped in and gave the notes its highest ratings. Without the DBRS rating, flawed Canadian ABCP would likely never have found a buyer. » (DAVID EBNER ; The Globe and Mail). "
Les participations de la Caisse de dépôt et de DBRS auront donc permis à cette petite entreprise de devenir le plus gros émetteur de PCAA non-bancaire en 2006 au Canada: 16 milliards ! Tout allait rondement jusqu'au moment où en 2007 éclate la bulle des sub-prime aux États-Unis (mettant en cause des produits de placement CDO, fabriqués ("titriséS") de la même manière que le PCAA). Soudainement, le PCAA, estampillé filet mignon commençait à sentir le baloney. Et en août 2007, la méfiance gagne le marché qui fige. Durant cette période critique, Coventree va jouer un double jeu : d'une part elle informe certains clients que le produit a perdu de sa qualité, tandis que d'autres se font rassurer, dont la Caisse qui sera la dernière à en acheter (?).
Le comportement douteux de Coventree lui vaudra une plainte à la commission des valeurs mobilières de l'Ontario :
« The Ontario Securities Commission is out to make a case that when it came to ABCP, there was grim but realistic information available to market insiders, while a shiny, happy picture was painted for the rest of the investing world. » (Remarque : ABCP est le terme anglais pour PCAA).
La semaine dernière la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a rendu une décision contre Coventree:
"..., le comité a conclu que Coventree a enfreint la Loi sur les valeurs mobilières en omettant de publier et de déposer sans délai un communiqué divulguant les changements importants apportés à la suite de la publication d'un communiqué par DBRS en janvier 2007 et en omettant de publier et de déposer sans délai un communiqué divulguant les changements importants qui ont eu lieu avant la fermeture des marchés le 1er août 2007. "
"The Ontario Securities Commission (OSC) ruling (...). The OSC’s decision included pages of private communications between Coventree executives and board members who knew since the beginning of August, 2007, that skittish investors were balking at buying ABCP. During those days, the Caisse, a Coventree investor and major ABCP holder, sought to calm the market by buying large volumes of the stranded notes. "
Les informations confidentiels mises à jour dans cette décision confirme ce que je craignais dans mon texte du 22 décembre 2009 :
"Donc jusqu’à la toute fin, Coventree se servira de la Caisse comme un déversoir pour ces produits qu’elle savait toxiques. Comment expliquer que la Caisse, qui a une expertise de renommée internationale, ait pu se faire instrumentaliser par cette "binerie" de Toronto, dont elle avait été le principal actionnaire lors de l’émission publique d’action (2006). Incompétence ou autre chose ? Qui a fait quoi ? Quand ? "
D'où la question qui tue :
La Caisse victime consentante ou victime d'une fraude, avec le papier commercial ?
.....
P.S. On pourrait poser de nombreuses questions qui tuent dans ce désastre financier de la Caisse. Entre autres, j'en pose une ici à M François Legault : Pourquoi avoir pressenti mme Monique Jérôme-Forget, madame la Sacoche elle-même, responsable de la Caisse à l'époque, pour qu'elle joigne son équipe ?
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[Un comité de la CVMO rend sa décision sur Coventree Inc., Geoffrey Cornish et Dean Tai
concernant des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario->http://www.osc.gov.on.ca/fr/NewsEvents_nr_20110928_osc-coventree.htm]
28 swepte3mbre 2011
TORONTO – Dans une décision rendue publique aujourd'hui, un comité de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO) a conclu que Coventree Inc., M. Geoffrey Cornish et M. Dean Tai ont omis de s'acquitter de leurs obligations d'information continue et que la conduite de Coventree et de MM. Cornish et Tai, en contrevenant au droit ontarien des valeurs mobilières, allait à l'encontre de l'intérêt public.
Le personnel avait allégué que Coventree avait omis de s'acquitter de ses obligations d'information continue en ne divulguant pas la décision prise par Dominion Bond Rating Service Limited (DBRS) en janvier 2007 de changer sa méthode de notation de crédit, ce qui a modifié de façon importante l'entreprise ou les activités de Coventree.
Le personnel avait également allégué que Coventree avait omis de s'acquitter de ses obligations d'information continue en ne divulguant pas la liquidité et des événements connexes, ni le risque d'une perturbation des marchés dans les jours qui ont précédé la perturbation du marché du PCAA, survenue en août 2007.
Dans sa décision, le comité a conclu que Coventree a enfreint la Loi sur les valeurs mobilières en omettant de publier et de déposer sans délai un communiqué divulguant les changements importants apportés à la suite de la publication d'un communiqué par DBRS en janvier 2007 et en omettant de publier et de déposer sans délai un communiqué divulguant les changements importants qui ont eu lieu avant la fermeture des marchés le 1er août 2007.
Le comité a également conclu que MM. Cornish et Tai ont autorisé ou permis la non-conformité de Coventree au droit ontarien des valeurs mobilières ou y ont acquiescé et sont réputés de ne pas l'avoir respecté.
Un comité de la CVMO a rejeté les allégations du personnel selon lesquelles Coventree avait omis d'assurer une divulgation complète, fidèle et claire dans son prospectus en ne divulguant pas le fait que DBRS avait adopté, en novembre 2006, des critères relatifs à la notation de crédit plus contraignants pour le PCAA, ainsi que les allégations selon lesquelles Coventree avait effectué des déclarations trompeuses importantes en avril 2007.
Une audience sur les sanctions dans cette affaire est en instance.
Un exemplaire des motifs et des décisions du comité de la CVMO relativement à l'affaire Coventree Inc., M. Geoffrey Cornish et M. Dean Tai est accessible sur le site Web de la CVMO à l'adresse www.osc.gov.on.ca.
La CVMO a pour mandat de protéger les investisseurs contre les pratiques déloyales, irrégulières ou frauduleuses et de favoriser des marchés financiers justes et efficaces en plus de promouvoir la confiance en ceux-ci. Nous invitons les investisseurs à vérifier l'inscription de toute personne ou compagnie offrant des occasions de placement et à consulter le matériel d'information de la CVMO à l'intention des investisseurs accessible à l'adresse
www.osc.gov.on.ca
www.osc.gov.on.ca.
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9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
15 février 2012La question qui tue est aussi celle-ci: Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu d'enquête sur des pertes aussi gigantesques?
Je ne comprends pas que la Caisse ait pu acheter en 2006 pour 2.6 milliards d'obligations de BAA, British Airport Authority qui ne valent rien. Elles valent tellement rien que la Caisse en rachetait les années suivantes pour 150 millions pour garder sa valeur. Puis quand M.Sabia est entré en fonction, silence sur cette anomalie. Comment a-t-on réussi à vendre ou se faire subventionner des aéroports qui ne rapportent rien,ça, c'est incompréhensible. C'est le pays qui a le contrôle sur les tarifs.
C'est comme si notre Agence Métropolitaine de Transport mettait des obligations sur le marché et réussissait à les vendre. Et sans compter certains édifices gouvernementaux anglais qui ont été privatisés et dont la Caisse s'est porté acquéreur. Au moins ceux-là sont loués et en principe devraient rapporter, mais il y a un doute.
Il faut savoir, comprendre que les finances de l'Angleterre sont en mauvaise posture, on vend le pays morceau par morceau. Ainsi sa principale banque, la Banque Barclays est passée presque
sous contrôle étranger. Cheikh Mansour ben Zayed Al-Nayan est devenu premier actionnaire de Barclays avec 16.3% du capital. Puis avec une levée de fonds de 7.2 milliards de livres (14 milliards can) 30% du capital de Barclays est passé entre les mains d'Abou Dhabi et du Qatar au 1 nov 2008. Peut-être plus aujourd'hui.
Tout ceci pour vous expliquer le contexte dans lequel se sont déroulées les transactions que je qualifie de douteuses car rien n'explique leur achat.
Je suis convaincu que si une enquête était déclenchée, pour faire disparaître les éléments douteux de l'enquête, un sauveur miraculeux se pointerait à l'horizon et les achèterait toutes, ce qui donnerait une raison suffisante pour arrêter l'enquête et tout oublier.
Mais en attendant M.Sabia a des comptes à rendre.
Si en 2006 on a secouru l'Angleterre, se pourrait-il qu'ailleurs au Canada semblables transactions aient eu lieu? Il se pourrait fort bien.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
14 février 2012La saga Coventree se termine sur un "happy ending" pour ses dirigeants. Ils partent avec des millions en poche après avoir été trouver coupable d'avoir trompé les actionnaires et les clients; lesquels se trouvent pognés avec les produit toxique (PCAA):
...
"For ABCP holders, it won’t be nearly as happy an ending to the tale as for Mr. Cornish, Mr. Tai and the other owners of Coventree.
http://www.theglobeandmail.com/globe-investor/investment-ideas/streetwise/shareholders-the-lucky-ones-as-coventree-winds-up/article2337120/
...
Et toujours silence radio des médias sur le plus grand désastre financier dans l'histoire du Québec !
JCPomerleau
Jean-Claude Pomerleau Répondre
25 octobre 2011Coventree, condamnée à payer des pénalités de 16 millions par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO):
...
"Coventree Inc. has been informed by the Ontario Securities Commission that the regulator will seek an order requiring the company and its founders to pay $16.5-million in combined costs and penalties."
(...)
"The regulator also wants to prohibit both Tai and Cornish from turning to Coventree to help pay the penalties."
(...)
http://www.theglobeandmail.com/globe-investor/osc-seeks-165-million-from-coventree-executives/article2212525/
....
M Tai et M Cornish, étaient les partenaire privilégiés de la Caisse de dépôts.
(Coventree et les médias francophones; toujours silence radio)
...
JCPomerleau
Jean-Claude Pomerleau Répondre
11 octobre 2011Bonjour M. Pomerleau,
Merci pour cet article. De toute évidence, tout la lumière n'a pas encore été faite sur cette histoire. Les questions que vous posez sont tout à fait pertinentes. Je tenterai d'obtenir des réponses.
Bien cordialement,
Nicolas Marceau
Nicolas Marceau
Député de Rousseau à l'Assemblée Nationale du Québec
Porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances et de développement économique
Jeannot Duchesne Répondre
4 octobre 2011Si on commençait par demander pourquoi M. Rousseau a démissionné quelques mois avant l'annonce de la catastrophe?
Qui avait déjà engagé M. Rousseau avant l'annonce de sa démission?
Est-ce un hasard que le successeur de M. Rousseau fasse une dépression dès le début de sa nomination?
Qui étaient dans le secret des dieux?
Yves Rancourt Répondre
4 octobre 2011Mes félécitations, monsieur Pomerleau, pour cet excellent texte. Mais, comme je ne suis pas très familier avec ce secteut d'activités, vous me permettrez une question et le préalable qui l'accompagne: je suppose que, dans ce domaine comme dans d'autres, il y a des gens crédibles à la Caisse ou ailleurs qui sont arrivés, tout en sachant que le produit était douteux, à convaincre les autorités de la Caisse du bienfait d'acheter ce produit, sachant que cette transaction leur procurerait une forte commission? Un peu comme le vendeur d'un vieux bazou va retirer une commission de sa vente.
De là la question qui me trotte toujours dans la tête dans ce dossier: savez-vous qui, à la Caisse ou ailleurs, est assez crédible pour avoir avoir convaincu les autorités de la Caisse d'acheter un tel produit? Autrement dit, sans vous demander de noms, savez-vous qui, à la Caisse ou ailleurs, s'est rempli les poches avec cette transaction?
Mes salutations respectueuses.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
4 octobre 2011Les pertes historiques de la Caisse de dépôt soulèvent de nombreuse questions laissées sans réponse. La paresse des médias y est pour quelques choses. Par exemple, je n'ai trouvé aucun article de journaliste concernant cette décision de la CVMO contre Coventree, pourtant au centre du scandale du papier commercial.
...
Comme simple citoyen, j'ai publié sur Vigile quelques textes sur la Caisse de dépôts afin de comprendre ce qui pouvait expliquer le désastre financier de 2008 et qu'elle est la suite pour cette institution:
http://www.vigile.net/Le-demembrement-en-trois-temps
http://www.vigile.net/La-Caisse-Tripotage-politique-et
http://www.vigile.net/La-Caisse-Alerte-rouge
Et sur le rôle des agences de notations de Toronto:
http://www.vigile.net/Le-Quebec-floue-de-plus-10
...
JCPomerleau
@ Richard Le Hir Répondre
4 octobre 2011M. Pomerleau,
Excellente analyse, mais mauvaise question.
Sur la base des faits que vous avez résumés avec brio, et notamment du rôle d’investisseur de la Caisse dans Coventree, la question se pose est la suivante : Que faisait la Caisse dans le capital de Coventree ?
Il est en effet essentiel de comprendre que, à partir du moment où la Caisse investissait dans Coventree, elle devenait à la fois une caution morale et une caution financière pour Coventree.
Elle peut donc être poursuivie par tous ceux qui ont fait affaires avec Coventree. En effet, à titre d’investisseur privilégié, elle devenait également un « insider » de Conventree, un initié, donc elle était informée des activités de l’entreprise.
Qui plus est, étant informée de ces activités et du risque qu’elles comportaient, la Caisse a malgré tout acheté du PPCA de Coventree, ce qui engage sa responsabilité auprès de ses mandants, l’ensemble des Québécois.
Et non seulement en a-t-elle acheté, mais elle en a vendu, ce qui engage sa responsabilité auprès des institutions ou des entreprises auxquelles elle en a vendu.
Dans cette affaire, plus on creuse, plus ça sent mauvais. Quelque part en cours de route, la finalité de la Caisse – la sécurité financière des Québécois - a été détournée. Ce qu’il nous reste à découvrir, c’est par qui et au bénéfice de qui.
La décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario va déclencher une vague de recours, un peu à la faôn de ce qui se passe en ce moment aux États-Unis dans la foulée du scandale des « sub-primes ».
Toute entente conclue à ce jour devient révisable à partir du moment où la mauvaise foi, les fausses représentations ou la fraude sont établies.
La Caisse n'est pas sortie de l'auberge, et les Québécois vont en découvrir, des vertes et des pas mûres !
Richard Le Hir
Stefan Allinger Répondre
4 octobre 2011Merci pour cet excellent article. Vous m'avez fait rire avec la comparaison du filet mignon et du baloney.
Vous posez des questions extrêmement importantes sur la vérité concernant toute cette histoire. Les crosseurs cravatés sont raffinés et discrets comme la mafia. Ils fonctionnent avec les non dis et les réunions secrètes à huis clos.
Le capitalisme financier est en train de mourrir mais les plus riches vont le nier jusqu'à la fin toute en retirant leurs millions avant la chute.
C'est tellement simple à comprendre que des profits maximaux en le moins de temps possible est contre la loi de la nature, qui elle, prend des million d'années à produire des ressources naturelles.
Moi je regarde tout ça en riant et en disant enfin!
Stefan Allinger