«La population bouge, la carte électorale change»

Ottawa — tendance fascisante



Signe du déplacement de la population, la couronne de Montréal gagne trois circonscriptions dans le projet de nouvelle carte électorale déposé hier par le directeur général des élections, Marcel Blanchet. «La population bouge, la carte électorale change», a résumé Me Blanchet.

Mais d'âpres discussions sont à prévoir pour lui en Gaspésie, dans le Bas-du-Fleuve et dans Chaudière-Appalaches. Pour tenir compte de l'exode de la population, il propose d'y faire disparaître trois circonscriptions, celles de Gaspé, Kamouraska-Témiscouata et de Beauce-Nord.
Comme par hasard, le projet de carte enlève un député à chacun des trois partis: le péquiste Guy Lelièvre est dans Gaspé, l'adéquiste Janvier Grondin dans Beauce-Nord, et, à la surprise générale, le ministre libéral Claude Béchard, risque de perdre sa circonscription. «C'est une coïncidence, tout le travail a été fait sans qu'on tienne compte des partis qui étaient représentés», a soutenu hier M. Blanchet en conférence de presse. D'ici juin, le DGE consultera pour sa proposition de carte, mais sa décision ultime, qui tombera après l'été, ne pourra être contestée, si ce n'est par une loi de l'Assemblée nationale adoptée par les députés qui pourraient décider de passer outre à la décision du DGE, comme ce fut le cas en 1992 et 1998.
Pour le DGE, il s'agit de la plus ambitieuse réforme de la carte électorale proposée au cours des 30 dernières années. Cette fois, M. Blanchet sort le grand jeu de dominos et change les frontières de 86 des 125 circonscriptions. C'est que la loi électorale prévoit que la population de chaque circonscription ne devrait pas être en deçà ou au-delà de 25% de la moyenne provinciale, qui est de 45 207 électeurs.
M. Blanchet soutient que la redistribution qu'il propose devrait tenir la route durant au moins deux élections. Si elles étaient déclenchées après février 2009, les prochaines élections générales devraient être tenues sur la base d'une nouvelle carte.
La région de Montréal, grande bénéficiaire
Pour le groupe d'experts chargés de faire une proposition, l'élément clé de la nouvelle donne reste l'augmentation très rapide de la population dans la couronne autour de Montréal. Plus de 200 000 personnes se sont ajoutées. Dans une région comme Lanaudière, en dépit de l'ajout d'une nouvelle circonscription, La Plaine, les électeurs continueront d'y être les plus sous-représentés, note le DGE.
À Laval, le DGE propose aussi un nouveau siège, celui de Marc-Aurèle-Fortin, constitué d'une partie de Fabre et de Vimont.
Finalement, en Montérégie, la circonscription de Roussillon verrait le jour à partir d'une portion de Châteauguay et de La Prairie.
Des régions perdantes
Comme le DGE est tenu de se limiter à 125 circonscriptions au total, ces nouveaux sièges doivent être compensés par la disparition d'autres dans des régions moins populeuses. Dans d'autres régions, en Outaouais ou en Mauricie par exemple, le DGE se contente de changer des municipalités de circonscription parce que Papineau compte trop d'électeurs ou que Laviolette est sur le point d'en manquer. Dans la carte actuelle, 20 circonscriptions ne respectent pas la règle du 25%, sept dépassent le plafond de 56 500 électeurs et 13 sont en dessous du plancher de 34 000 électeurs. En conséquence le poids d'un électeur en Gaspésie est deux fois plus important qu'un vote dans la couronne de Montréal. «Cette situation commande des correctifs importants. C'est une question de justice et d'équité», de souligner M. Blanchet.
Pour la ministre responsable de la Gaspésie, Nathalie Normandeau, les arguments qui avaient fait reculer le DGE en 2001 «sont toujours valables». Dans Bonaventure, «toute la partie ouest du comté se retrouve en Matapédia. Des Gaspésiens se retrouvent tout à coup dans la région administrative du Bas-Saint-Laurent. Il ne tient pas compte de l'histoire de la région», observe-t-elle.
Joint par La Presse, le ministre Béchard avouait être «surpris» par cette proposition qui, selon lui, n'a aucun sens. Cette proposition du DGE est, souligne-t-il, une mise au jeu. Me Blanchet devra aller expliquer en région ses décisions, (23 audiences publiques sont prévues dans 21 municipalités, entre le 21 avril et le 13 juin) et on verra bien ce qui, ultimement, sera conservé, explique M. Béchard. La carte proposée hier fractionne des régions administratives, réunit des populations qui n'ont pas de points communs, a-t-il fait remarquer.
Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, on prévoyait davantage que la circonscription de Matane, détenue par le péquiste Pascal Bérubé, serait disséquée. Or elle survivra, prenant même une portion importante de Gaspé. «On met dans le même comté Matane et Gaspé, cela n'a aucun sens», commentait Pascal Bérubé, remettant en question sa carrière politique hier. «La complexité de notre travail est grande, les distances sont immenses, on a pas de l'Internet et sur la moitié du comté le cellulaire ne rentre pas», d'illustrer M. Bérubé.


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