La ville de Québec a pu avoir de très bons maires, d'autres beaucoup moins. L'Allier surtout fut un personnage transcendant de la politique québécoise, respecté même par ses adversaires. À l'époque où L'Allier dominait sur la ville de Québec, on ne peut pas dire cependant qu'il faisait rêver tout le Québec, comme le fait le maire actuel de Québec.
Ce n'est pas parce que le maire actuel surclasse L'Allier tant au niveau de l'esprit que de la vision politique en général. Mais, du temps de L'Allier, il y avait des politiciens ailleurs, à Montréal comme à l'Assemblée nationale déterminés à donner une direction à ce qu'ils sont sensés diriger. L'Allier ne semblait pas le seul à se dresser, unique silhouette verticale dans un nid de carriéristes couchés.
Aujourd'hui, on en vient à croire que pour se faire élire, il faut être un adepte du consensus mou. On règle les problèmes de fourniture des services en se mettant d'accord avec tous les intervenants, du Fédéral jusqu'aux représentants communautaristes. Toujours, on doit rester au niveau du "concret" car seul le solutionnement de problèmes d'organisation au jour le jour est assez rassembleur pour ne pas indisposer des ilots communautaristes.
La population se fait même dire que le meilleur élu est le moins "divisif", celui qui dirigera son administration en s'appuyant sur les facteurs consensuels les plus répandus. Les débordements parfois paranoïaques touchant les accommodements raisonnables sont partiellement produits par cette attitude qui fixe tout de suite la hauteur du plafond.
La concertation communautariste contribue à créer l'impression que le pouvoir d'élire quelqu'un "qui a des couilles" échappe au peuple. Pire, ceux qui finissent par être élus ne sont pas sûrs que le pouvoir leur appartient. Pour conforter une telle perception au sein de la population, la réélection du maire Tremblay est sans doute le plus éloquent des scénarios.
Désavoué par les deux tiers des électeurs, ils se faufilent avec le vote massif de localités comme St-Leonard et St-Laurent. On en a conclu que pour être maire, il faut être fédéraliste et bilingue, deux critères à remplir, deux critères assez "rassembleurs" pour excuser le fait d'avoir mener une marie corrompue.
En comparaison, on rêve du maire de Québec qui se donne la liberté de vouloir un stade et qui peut reposer sur une population qui ne s'analyse pas en termes d'alliances communautaristes. Dans ce portrait complaisant du maire de Québec, il y a une nostalgie d'un pouvoir qui ne tâche pas d'avoir au préalable cinquante directions pour obtenir un écho dans toute la population.
À force de dire que le pluralisme est le remède à l'incompréhension, c'est toute la population qui finit par se sentir aliénée par rapport aux centres décisionnels. Loin de se sentir associé aux processus décisionnels, la loi du consensus mou implique que le vote qui comptera sera celui qui répondra à la volonté d'intégration globalisante.
Aimez donc chacun dans votre coin et vous vous aimerez les uns les autres. Choisissez le politicien qui fait consensus, celui qui dit: Soyez libéraux, soyez généreux pour les goûts d'autrui, il y aura parité pour les vôtres. Ce discours, si libérateur qu'il se veuille, ne peut que se retourner en son contraire.
Les griefs et le dégoût de la politique se creusent quand on dit d'avance à la population en général qu'elle ne doit pas avoir de projet strictement pour soi. Si on lui dit que pour résoudre les "vrais problèmes' il faut rester en territoire connu, ne pas redéfinir les structures, comment croire que le vote libre débouche sur une puissance d'innovation?
Bientôt, il n'y aura plus que les gens qui veulent qu'on les laisse tranquilles qui voteront. Ils voteront pour le politicien qui les laissera tranquilles. Les autres voteurs finiront par renoncer, croyant qu'on vit dans une société dite pluraliste parce qu'elle ne dépasse pas la bonne conscience du consensus mou. Des politiciens comme le maire de Québec feront figure de révolutionnaires dans ce paysage désertique.
Pourtant, comme il le dit, il veut juste administrer Québec comme une entreprise...
André Savard
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