La politique, sport extrême

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Élection Québec - 8 décembre 2008



«J'ai découvert un milieu politique attachant, agréable à fréquenter. Par contre, ce que je hais, en politique, c'est la réduction de certaines idées, c'est quand l'idéalisme est réduit à des combats de ruelle et que ça dégénère», dit Pierre Curzi, député péquiste de Borduas. À l'arrière-plan, la chef du Parti québécois, Pauline Marois.
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Louise Leduc - Cela faisait déjà 20 minutes qu'on écoutait au bout du fil le député péquiste Pierre Curzi nous servir des réponses hyperprudentes sur les plaisirs et le pouvoir d'un député de la deuxième opposition. Tout au plus avait-on pu lui arracher que ouais, bien sûr, «le plaisir croît avec le pouvoir», dans un grand éclat de rire. Puis Pierre Curzi de lancer : «Je vous parle, là, puis je trouve que j'en dis beaucoup.»
Pardon ? !«Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites/Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes», enchaîne cet homme de théâtre qui dit n'avoir jamais oublié ces vers de Victor Hugo et qui a eu la preuve de leur intemporalité cet été.
En voulant dénoncer la récupération politique du 400e par le gouvernement fédéral, Pierre Curzi s'est accroché les pieds et s'est trouvé mêlé à une pétition dénonçant la venue de Paul McCartney à Québec.
Ce n'était même pas une «affaire». À peine une crisette. Rien à voir avec le vent contraire essuyé par Bernard Drainville à son atterrissage en politique, rien à voir avec les controverses vécues par Julie Boulet, par exemple. Mais oui, «ça m'a atteint. On m'a accusé de tout le contraire de ce pour quoi je me suis battu toute ma vie, les artistes, la liberté d'expression. Ça vous atteint là où vous êtes le plus vulnérable. Comment faire pour ne pas se blinder et devenir froid ?»
Cette fois-là, M. Curzi dit avoir tout coupé, avoir «attendu que ça passe». Était-ce la bonne solution ? «Je n'en suis plus sûr. Peut-être aurais-je dû répliquer, préciser ma pensée, mais en même temps, ça aurait alimenté la controverse.»
Cette «crisette» est vite retournée aux oubliettes, mais une certaine toile de fond demeure. «Je n'avais pas d'attente particulière à cet égard, mais j'ai découvert un milieu politique attachant, agréable à fréquenter. Par contre, ce que je hais, en politique, c'est la réduction de certaines idées, c'est quand l'idéalisme est réduit à des combats de ruelle et que ça dégénère.»
Réjean Thomas, lui, a échappé à cette médecine-là quand il a été battu en 1994 en se présentant comme candidat péquiste. Peut-être est-ce pour cela qu'il ne ferme pas totalement la porte à un éventuel retour en politique ! «Peut-être le ferai-je, quand je serai plus vieux ! Mais là, je ne suis pas prêt à tout lâcher pour aller me faire lancer des tomates !»
D'autant plus, dit-il, que le milieu politique n'est pas très réceptif à la marginalité - «on est beaucoup plus à la recherche du père de deux enfants à montrer à la télé » - et que le respect de la vie privée n'est plus sacré. « Il suffit d'une grande gueule à la Jeff Fillion...»
«Quand j'ai perdu, quantité de gens m'ont dit que c'était mieux comme cela, que j'accomplissais beaucoup plus en continuant d'être médecin. Moi, je continue de croire qu'un ministre avec une belle vision peut de grandes choses.»
Le docteur Thomas trouve regrettable que les gens soient si cyniques envers la politique, mais ne peut s'empêcher d'observer avec dépit «qu'on ne parle pas à notre intelligence» en politique ces derniers temps. «Comment se fait-il qu'aucun député, par exemple - pas un seul ! - n'ait jugé bon de retirer le crucifix de l'Assemblée nationale ?»
«Les députés ont des comportements de moutons serviles, de lâches, dans certains cas, lance Yves Michaud, maître ès dissidence. Leur présence en politique demeure cependant un actif parce que s'ils n'étaient pas là, il y en aurait de bien pires !»
Les ministres n'ont pas le choix de «fermer leur gueule», admet M. Michaud, qui n'a cependant aucun respect pour tous ceux - «l'immense majorité des députés» - qui, eux, auraient le devoir de parler, de susciter des débats, mais qui préfèrent «s'agenouiller devant les diktats » des partis politiques. « Les dissidents sont souvent les porteurs de lumière.»
Avec un tel discours, Yves Michaud a plutôt exercé son sens du bien commun à l'extérieur de la politique, ces dernières années. Comme Robin des banques «à la défense du moyen actionnaire qui se fait flouer par des bandits cravatés», M. Michaud estime avoir réussi à faire une différence, même s'il n'était pas au Parlement. «Je rends service en affrontant les plus puissants de ce monde et ça avance : il y a un début de commencement d'une parcelle d'éthique dans le comportement de membres du conseil d'administration.»
Quant à Isabelle Hudon, présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain que d'aucuns voyaient se lancer dans cette campagne, c'est plutôt dans une agence de publicité, chez Marketel, qu'elle a préféré poursuivre sa carrière. «L'argent n'a pas été un facteur. Je suis la fille d'un politicien (Jean-Guy Hudon, qui a été maire et puis député fédéral) et moi, je n'ai pas le goût d'être députée. Pas le goût de faire du porte-à-porte, de sacrifier mes soirées, mes fins de semaine à un travail ingrat et tellement exigeant pour lequel les citoyens ont actuellement si peu de respect. Même si l'on me répète qu'il ne faut jamais dire jamais, je crois sincèrement que je ne ferai jamais le saut.»
CELUI QUI A RETROUVÉ LE DROIT DE NE PAS SAVOIR
Joseph Facal, ex-ministre péquiste«Je n'ai aucun regret d'être entré en politique et aucun regret d'en être sorti. J'ai aimé le sentiment d'être au coeur de la prise de décisions, j'ai aimé la capacité à influer sur le cours des événements.
«J'ai moins aimé les sacrifices que cela impose sur le plan de la vie personnelle et j'ai moins aimé les frustrations qui naissent quand vous faites partie d'une équipe qui ne va ni au rythme, ni même parfois dans la direction que vous souhaiteriez. Dans un cas comme dans l'autre, ça fait partie de ce qu'il faut accepter et ces contraintes de la vie politique sont connues d'avance.
«Moralement, ce n'est pas toujours facile. La question est de savoir où chaque individu situe sa propre limite personnelle, où le compromis devient compromission.
«En quittant la vie politique, j'ai récupéré mon droit de dire «je ne sais pas». En politique, quand on vous pose une question dont vous ignorez la réponse, l'honnêteté fondamentale qui vous ferait confesser votre ignorance deviendrait une arme dont vos opposants s'empareraient pour vous tourner en ridicule.
«Quand vous ignorez la réponse, vous êtes obligé d'en inventer une. Vous dites que vous ne répondrez pas à une question hypothétique, que la question mérite réflexion, que vous allez créer un comité. Ça, ce sont les trucs du métier, mais ça reste des trucs...»
CELUI QUI FAIT SES BOÎTES, «AVEC UN PINCEMENT AU COEUR»
Benoît Pelletier, ex-ministre des Affaires intergouvernementales
«Après 10 ans, une certaine lassitude s'était installée, mais surtout, j'estimais que je ne pouvais plus exiger d'aussi grands sacrifices à ma famille. N'empêche, c'est très dur de partir.
«Bien sûr, il y a une rhétorique, une couleur qu'on essaie toujours d'accoler à l'adversaire, ce qui amène à le dépeindre de façon caricaturale. Nous, on était dépeints comme des néo-libéraux, les péquistes, comme étant obsédés de la souveraineté et l'ADQ, comme un parti sans fond. Ça, c'est la joute politique - une joute politique que j'ai eu beaucoup de plaisir à voir se dérouler sous mes yeux - et les électeurs sont capables de faire la part des choses.
«Sur le fond, j'ai surtout vu en politique des gens qui s'imposent des règles éthiques très élevées.
«Certains disent que tous ne sont pas de même calibre, mais chacun contribue à sa façon. On a besoin de grandes intelligences, comme on a besoin de grands coeurs et de grands travailleurs.»
LE NOUVEAU QUI LONGE MOINS LES MURS
Éric Laporte, député adéquiste de L'Assomption
«Avant, j'étais conseiller en placements et je n'avais jamais pensé être politicien. À l'époque, je gagnais plus d'argent que comme député, mais avec la crise financière, je me demande bien de quoi ça aurait l'air!
«On a dit que c'est le chef qui nous empêchait de parler, mais moi, quand je suis arrivé au Parlement, je longeais les murs pour ne pas être apostrophé par les journalistes! Et j'étais bien content de ne pas être parmi les premiers à devoir me lever à l'Assemblée nationale pour poser une question!
«Puis, je me suis lancé, j'ai déposé un projet de loi sur l'adoption pour faciliter les retrouvailles, je me suis occupé du dossier de l'UQAM et de l'assurance médicaments.
«Ce que j'aime beaucoup, en politique, c'est de pouvoir être bien ancré dans mon milieu, y faire une différence.
«Ce que j'aime moins, c'est la petite politique à l'intérieur de la circonscription, les jeux de coulisses que font des personnes qui voudraient bien avoir ta job.»
LE GARS QUI SE FAIT DÉSIRER
Larry Smith, président et chef de la direction des Alouettes
«Ça fait des années que je suis sollicité à Ottawa et à Québec, mais pour l'instant, ma vie personnelle est ma grande priorité. J'ai toujours pensé que je pouvais contribuer à la société tout en n'étant pas en politique. Je siège à plusieurs conseils d'administration, je fais partie d'organisations qui me permettent de mener les batailles qui sont importantes pour moi: la lutte contre le décrochage scolaire, la pauvreté, l'analphabétisme ou encore la promotion du sport.
«Comme le disait Jean Chrétien, la politique est un sport de contact, comme le football! Je ne dis pas jamais, mais pour l'instant, j'aime bien ma vie qui est exempte de ces critiques qui fusent de partout quand on est en politique.»
LA JOURNALISTE QUI A TRAVERSÉ LE MIROIR
Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine
«Comme journaliste, j'étais habituée à une vie personnelle rendue compliquée par le travail. Pour moi, le choc n'a donc pas été très grand, d'autant que l'adrénaline et la passion sont les mêmes dans les deux domaines.
«Une des différences, cependant, c'est qu'en journalisme, quand tu poses des questions serrées, c'est pour pousser la personne à te dire vraiment ce qu'elle pense. En politique, il faut que tu apprennes à attaquer tes adversaires, en t'appuyant sur des faits plutôt que sur des accusations gratuites. Pour cela, tu dois connaître tes dossiers à fond.
«Ce qui est le plus difficile à apprendre? Apprendre à accepter la critique, apprendre à se faire une carapace face aux articles durs. Au début, ça fait mal.»
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Photo :Ivanoh Demers, La Presse


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