La politique du président Sarkozy face à l’Islamisme et la dérobade de ses opposants

FRANCE - débat sur l'identité nationale

On reste médusé devant la fuite de certaines familles politiques et intellectuelles françaises qui devraient être les premières à se mobiliser pour défendre la laïcité qui est un des termes majeurs du « contrat démocratique français » qu’on peut aussi appeler « identité nationale française ».
De quelque côté que l’on se tourne, il n’existe pas de pays qui repose sur un tel contrat original. Il est le fruit d’une histoire tragique où les guerres de religions ont fait des ravages avec leurs pactes de concorde et de discorde successifs. Seule la laïcité avec la liberté de conscience qu’elle garantit, a fini par mettre un terme progressivement à cet affrontement inexpiable dû à une emprise cléricale qui imposait sa mythologie et son ordre sociétal de type autoritarien (1) excluant toute liberté de conscience.

Une politique présidentielle en deux actes

Aujourd’hui que la séparation de la religion et de l’État permet depuis un siècle à « celui qui croit au ciel » et à « celui qui n’y croit pas » d’œuvrer ensemble, dans le respect mutuel de leurs croyances, pour que la vie sur terre ne soit pas un enfer, on ne comprend pas que la même combativité n’habite pas toutes les familles politiques et intellectuelles attachées à ce contrat démocratique pour s’opposer résolument aux avancées sur le territoire national d’une nouvelle religion conquérante pour qui la notion de laïcité est une corruption de l’esprit puisqu’elle s’oppose à sa prétention hégémonique de droit divin.

1- Un premier acte

Le président de la République en porte-t-il une part de responsabilité ? On est tenté dans un premier temps de le penser. [Son discours à Saint-Jean de Latran en décembre 2007->10932] a paru remettre en cause la laïcité en osant distinguer une « laïcité positive » d’une autre qui ne le serait pas : son éloge du religieux au détriment de l’instituteur laïc illustrait cette apparente attaque. Car la laïcité est un contrat positif qui n’a pas d’envers puisqu’il permet à l’incroyant et au croyant dans un pays comme la France à l’histoire politico-religieuse tragique de se respecter mutuellement.

Du moins est-ce ainsi qu’on a pu lire ce premier acte de la politique présidentielle. Mais n’avait-il pas, en fait, pour but de stimuler le patriotisme interne des familles de pensée concernées, religieuses et laïques ? L’héritage chrétien du pays a été remis sur le devant de la scène, comme apparaissent à l’horizon des paysages de France, qu’on le veuille ou non, les tours, flèches et clochers des églises et cathédrales. Symétriquement, les partisans de la laïcité ont pu croire à un regain de cléricalisme comme il s’en est produit dans le passé. N’était-ce pas pour le président de la République une façon, fût-elle brutale, de mobiliser les forces morales du pays contre un danger rarement nommé par ruse mais identifiable : l’Islamisme ?

2- Un deuxième acte

Le débat sur « l’identité nationale » apparaît dans ce contexte comme le deuxième acte de cette politique de mobilisation des esprits. Le président n’ajoute plus l’adjectif « positif » au mot laïcité. Et cette « identité nationale » dont il veut que le pays débatte, n’est-ce pas une façon de replacer cette laïcité originale française dans le contexte plus large du contrat démocratique propre à la France ?

Les dérobades de certaine familles politiques et intellectuelles

On ne comprend donc pas les réactions des familles politiques et intellectuelles qui rejettent ce débat. Les raisons avancées apparaissent comme des dérobades inquiétantes dont on s’interroge sur les motivations.

1- Le prétexte d’une tactique électorale

Sans doute, la date choisie conduit-elle à y voir un coup politique en période électorale. Mais existe-t-il un moment qui puisse échapper à ce soupçon quand la vie démocratique est rythmée par des élections locales ou nationales incessantes ? Ce temps privilégié du débat en démocratie qu’est une campagne électorale, n’est-il pas, au contraire, indiqué pour se saisir de tout ce qui importe aux citoyens, y compris au niveau des régions ? Le contrat démocratique français n’en fait-il pas partie ?

2- Le prétexte d’un leurre de diversion

Il est reproché, ensuite, au président de la République d’user d’un leurre de diversion. Il ne mettrait cette question sur la table que pour détourner l’attention de ses échecs en matière économique. On peut l’admettre, mais c’est de bonne politique ! Le président revendique hautement de faire de la politique. Il faut donc s’attendre à ce qu’il use des leurres qui le servent et la dissimulation est le premier.

Mais est-ce que pour autant la réflexion sur le contrat démocratique français est sans importance au regard du niveau de vie des français qui baisse, des salaires qui stagnent, des entreprises qui ferment ou délocalisent, de l’Europe ouverte aux vents de la mondialisation, du dumping social de pays européens anciennement communistes ou émergents comme la Chine ou l’Inde, du chômage qui s’accroît, des grands patrons et des banques qui s’en mettent plein les poches et recommencent à jouer au casino de la finance d’autant plus tranquillement qu’elle sont désormais assurées d’être « réassurrées » par l’État sans contrepartie en cas de faillite imminente, de l’École publique livrée au désordre pour rendre désirable sa privatisation, d’une Justice dont doute avec raison les citoyens, des stars données en modèles qui s’exilent pour mettre les fortunes insensées qu’elles amassent sans cause légitime, à l’abri du fisc ?

Il est certain que le contrat démocratique repose sur des droits et des devoirs autant socioéconomiques qu’individuels. Mais l’économie détermine-t-elle toujours l’idéologie ? Une société alternative l’a cru pendant soixante-dix ans et elle s’est effondrée. Un de ses tyrans se moquait du Vatican en demandant combien il alignait de divisions. Le Vatican en a vu bien d’autres depuis des siècles ; il est toujours debout et l’Union soviétique a disparu. Économie et idéologie, en fait, sont en constante interaction. Raison de plus pour ne pas sacrifier l’une au profit de l’autre.

3- Le prétexte de la stimulation de l’ethnisme

Il est encore reproché au débat sur l’identité nationale de lâcher la bonde aux réflexes les plus sordides comme l’ethnisme, encore appelé, par certains, « la haine de l’autre ». Ne faut-il pas se voiler la face au figuré pour ne pas voir que justement se voiler la face au propre est la première expression de cette « haine de l’autre ». Et le refus d’en parler n’est-il pas le plus sûr moyen de développer l’ethnisme des deux côtés rivaux ?

Est-il illégitime de s’opposer à la propagation des usages d’une culture politico-religieuse qui n’a jamais dû composer avec la laïcité, tels que ces signes extérieurs d’asservissement des femmes comme le voile et la burqa, l’interdiction de la mixité à la piscine ou à l’hôpital, les interdits alimentaires dans les cantines scolaires ? Dans un pays qui a mis tant de temps à se libérer d’une mythologie religieuse et où les guerres de religions ont détruit familles et régions pendant si longtemps, est-il répréhensible de s’alarmer devant une apparente extension d’usages religieux étrangers incompatibles avec le contrat démocratique français si difficilement édifié sur le principe de laïcité ?

4- Le prétexte de faire le jeu de l’extrême-droite

Le quatrième argument opposé n’est pas plus recevable. Mener le débat reviendrait à faire le jeu de l’extrême-droite. Mais n’est-ce pas au contraire le refus de débattre de l’originalité du contrat démocratique français qui laisse le champ libre aux fantasmes de l’extrême droite dont on sait par expérience qu’elle n’a que faire des droits de la Personne et des libertés publiques du contrat démocratique français ? En revanche, elle est experte à user des insatisfactions en la matière pour pratiquer la politique du bouc émissaire et détourner l’attention de la tyrannie qui demeure le seul mode de gouvernement qu’elle sache concevoir.

Sans doute, face au voile et à la burqua qui sont les symboles d’un Islamisme à prétention hégémonique, la politique présidentielle a-t-elle avancé elle aussi masquée par prudence au risque d’être incomprise. Sans doute, l’accroissement et la défense des privilèges des plus riches ne sont-ils pas les meilleures méthodes pour rassembler une nation. Mais faut-il en prendre prétexte pour se détourner de la nécessité de préserver le contrat démocratique français, fut-il nommé « identité nationale » ? On ne pourra pas, en tout cas, le moment venu, reprocher à la politique présidentielle de n’avoir pas pris la mesure du danger que lui fait courir cette mythologie conquérante. Il est singulier que toutes les familles politiques et intellectuelles attachées à la laïcité ne fassent pas bloc dans « une union sacrée » contre ce danger commun. Quelle motivation secrète les anime ? Paul Villach

(1) Autoritarien : l’adjectif est emprunté à Stanley Milgram dans « Soumission à l’autrorité », publié aux Éditions Calmann-Lévy en 1974. Il désigne un individu qui ne trouve son équilibre psychologique que dans une soumission aveugle à l’autorité.


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