La personnalité de Barack Obama : un cas d’école pour la communauté noire au Québec?

Tribune libre 2009


Le soir de l’élection de Barack Obama comme 44e président des États-Unis
d’Amérique, des amis m’ont appelé pour me féliciter de la brillante
victoire de ce diplômé de Harvard qui avait fait du changement le thème
principal de sa campagne. Plus qu’un symbole, cette victoire devenait le
début d’une nouvelle ère de conscientisation des jeunes noirs à travers le
monde entier: puisqu’un Noir a été élu pour diriger une superpuissance
mondiale, dans un pays majoritairement blanc et au passé esclavagiste peu
glorieux, tout devient possible dorénavant pour la communauté noire partout
sur la planète.
La victimisation et l’attitude défaitiste cèdent subitement la place à
l’espoir et au changement de mentalité positive. Une anecdote significative
: plus tôt dans la journée des élections américaines, j’assurais la
permanence à la salle de recherche d’emploi du Carrefour jeunesse-emploi
Bourassa-Sauvé dans l’arrondissement de Montréal-Nord, qui avait fait la
manchette pendant l’été. J’ai été fasciné de voir à quel point les
participants du programme Jeunes en action étaient intéressés à faire des
recherches, en ligne, sur les biographies de Barack Obama et d’autres
personnalités noires historiques comme Martin Luther King et Rosa Parks. Ce
programme, qui s’adresse aux jeunes de 18 à 24 ans vivant des difficultés
d’intégration au marché du travail à court et moyen terme, vise, entre
autres, à briser leur isolement. Sarah Choukroun, conseillère en emploi
dudit programme, me racontait ceci: « Ces jeunes qui ont pour la plupart
décroché du milieu scolaire étaient captivés par leurs recherches. Ils
n’ont même pas souhaité prendre la pause durant l’après-midi. Ce soir là,
aucun n’a manqué la retransmission des élections américaines ».
Je me suis dit en ce moment précis que quelque chose venait de se créer et
que le parcours exemplaire d’Obama devrait être inscrit dans les programmes
scolaires. À ce titre, sa personnalité serait utilisée comme un levier qui
motiverait les jeunes noirs en difficulté afin de développer leur estime de
soi, leur confiance en l’avenir, leur persévérance, le sens du leadership,
l’attitude positive et le goût aux études.
Quelle lecture sociologique peut-on faire de l'influence de la
personnalité remarquable de Barack Obama sur les Noirs qui ont fait du
Québec leur terre d’accueil?
Responsabilité parentale
Les parents doivent assumer leur rôle d’autorité en retenant plus
longtemps les enfants dans le système scolaire. Autrement, le danger qui
les guette malheureusement reste la délinquance, le gangstérisme, le trafic
de drogue, etc. Le taux de décrochage scolaire qui serait particulièrement
élevé chez les Noirs doit pousser les parents à mieux faire leur devoir.
La famille doit plus que jamais constituer le ciment qui consolide une
vision de l’avenir reposant sur la réussite socioprofessionnelle comme gage
de l’intégration d’une personne dans une société.
Diplômé de droit de la prestigieuse université Harvard (en 1991), Barack
Obama qui est devenu le premier Afro-Américain à diriger la Harvard Law
Review, a très bien compris l’importance de l’éducation des jeunes qui
incarnent l’avenir de toute une nation. Le jeudi 28 août, devant environ 84
000 personnes qui participaient à la convention démocrate dans l’immense
stade de football de Denver (Colorado), il a livré un discours qui a donné
un nouveau ton à sa campagne, 45 ans jour pour jour après le célèbre
discours « J’ai fait un rêve » du pasteur assassiné Martin Luther King. Sur
le thème de l’éducation, Barack Obama affirmait ceci : « Je vais investir
dans l’éducation dès la petite enfance. Je vais recruter une armée
d’enseignants, les payer davantage et mieux les soutenir. Et en échange, je
demanderai des critères plus élevés et plus de responsabilités ».
Cette responsabilité, au sens large, exhorte les parents à être plus
vigilants dans l’éducation de leurs enfants (contrôle parental au niveau de
l’accès à certaines émissions télévisuelles, devoir des parents à aider les
enfants à faire leurs devoirs à la maison, etc.).
Barack Obama a eu la chance d’avoir une grand-mère maternelle blanche qui
a financé ses études. Madelyn Dunham, décédée à la suite d’un cancer,
l'avait élevé à Honolulu après le décès de sa mère et le départ de son père
kenyan du domicile conjugal. « C'est elle qui renonçait à s'acheter une
voiture ou une robe pour me permettre d'avoir une vie meilleure. Tout ce
qu'elle avait, elle me l'a donné » dira-t-il. Aujourd’hui, sa grand-mère a
permis à son petit-fils d’écrire une page de l’Histoire. Grâce à ses
talents d’orateur et à l’espoir qu’il suscite, le discours d’investiture du
président élu Barack Obama a été suivi par 38 millions de téléspectateurs
américains selon l’Institut de recherche Nielsen Media.
Lutte contre l’injustice sociale
Lors de la convention d’investiture démocrate de 2004 à Boston, où John
Kerry, candidat malheureux contre George W. Bush, lui avait confié le
discours vedette, Obama se positionnait déjà comme un candidat post-racial
: « Il n'y a pas une Amérique noire et une Amérique blanche, une Amérique
latino-américaine et une Amérique asiatique, il y a les États-Unis
d'Amérique ».
Dans un discours « une union plus parfaite » prononcé le mardi 18 mars
2008 dans la ville mythique de Philadelphie, l’ancien organisateur
communautaire avait énoncé pour la première fois depuis le début de la
campagne la question raciale aux États-Unis. Il disait ceci : « Il faut
continuer, ensemble, à avancer. Pour les uns [les Noirs], cela impliquera
de ne plus se considérer essentiellement des victimes mais de prendre ses
responsabilités, pour les autres [les Blancs], de reconnaître la réalité
quotidienne laissée par les discriminations. Pour tous, cela impliquera de
s’unir contre l’injustice ». En invitant le peuple américain sur le chemin
de la reconstruction positive, cet homme de 47 ans démontre que ce n’est
pas parce qu’on est un Noir qu’on est condamné à vivre dans la misère et
qu’on doit être persuadé d’avance que toutes les portes de la réussite sont
fermées. Grâce à sa persévérance et à son caractère fédérateur, Barack
Obama a su conquérir le cœur d’une écrasante majorité américaine (Noirs,
Blancs, Hispaniques, Arabes, Asiatiques etc). L’époux de Michelle Obama a
su prouver que le facteur racial pouvait être relégué au second plan dans
toutes les sphères de la vie sociale. Le message d’espoir qu’il a su porter
en période de récession économique a rassuré la classe moyenne américaine
et on ose croire que cela aidera le marché boursier à sortir de cette
situation économique difficile dans les mois à venir.
Le peuple américain a élu d’abord un président compétent noir qui inspire
confiance, qui prône le dialogue, l’harmonie entre les peuples et le
multilatéralisme dans les relations internationales.
Le Québec, de son côté, société pluraliste, interculturelle et ouverte
sur le monde, devra lutter davantage contre la précarité et l’exclusion
sociale des jeunes Noirs. Une démarche inclusive qui renvoie ainsi un
message très clair : donner plus de visibilité aux modèles valorisants pour
que ceux qui sont tombés dans le gangstérisme ne puissent plus continuer à
recruter dans les îlots de la misère.
Je suis persuadé que cette société que nous aimons tous et à laquelle nous
sommes fiers d’appartenir ne laissera aucun de ses fils sur le bord de la
route. Certaines recommandations du rapport de la commission
Bouchard/Taylor pourraient contribuer à élargir cette voie vers une réelle
intégration citoyenne.
Oui, nous le pouvons !!!
***
Doudou Sow
Sociologue de formation, spécialisé en Travail et organisations, l’auteur
est actuellement conseiller en emploi pour le projet Mentorat
Québec-Pluriel au Carrefour jeunesse-emploi Bourassa-Sauvé
(Montréal-Nord).
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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Sociologue de formation, spécialisé en Travail et organisations, l’auteur
est actuellement conseiller en emploi pour le projet Mentorat
Québec-Pluriel au Carrefour jeunesse-emploi Bourassa-Sauvé
(Montréal-Nord).





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