La parole est à Pauline Marois

Jean Charest va mettre de l’eau dans son vin pour obtenir l’appui du PQ et éviter de se faire battre en Chambre sur son budget.

Sortie de crise



Avez-vous déjà vu un parti politique faire exprès pour perdre le pouvoir ? Ou, comme disait l’ancien ministre péquiste Yves Bérubé : « En connaissez-vous des dindes qui ont hâte au repas de Noël ? » Si votre réponse à ces deux questions est négative, vous pouvez deviner ce qui va se passer la semaine prochaine : Jean Charest va mettre de l’eau dans son vin pour obtenir l’appui du PQ et éviter de se faire battre en Chambre sur son budget.
Les libéraux ont montré les muscles hier. Mais lorsqu’on leur parle en privé, dans les corridors, ils admettent volontiers qu’ils seraient les grands perdants d’une nouvelle campagne électorale. « Au fond, a expliqué un député, la décision appartient à Pauline Marois. Peut-être qu’elle va décider qu’il vaut mieux aller en élections tout de suite pour reprendre le statut d’opposition officielle et laisser le pouvoir à Mario Dumont pendant un an, le temps qu’il se casse la figure. »
Le raisonnement n’est pas farfelu : la personne qui a le droit de vie ou de mort sur le gouvernement Charest s’appelle Pauline Marois. Si elle croit vraiment que le PQ sortirait gagnant d’une autre campagne électorale, elle n’a qu’à refuser tout compromis sur le budget. Mme Marois est assurée d’une chose, elle ne peut faire pire qu’André Boisclair. Les péquistes attendaient hier les résultats d’un sondage Léger marketing qui leur donnerait l’avantage dans un nouveau match électoral, sous Pauline Marois. Mais peut-on jouer le tout pour le tout sur la foi d’un seul sondage ? La réponse viendra de Mme Marois et dépendra en partie des conclusions du juge Bernard Grenier, qui a fait enquête sur le financement présumément illégal des forces fédéralistes pendant la campagne référendaire de 1995.
Les péquistes attendent beaucoup de ce rapport d’enquête, qui sera dévoilé mardi, en conférence de presse. Je vous prédis qu’ils seront déçus. C’est évident que le juge va conclure que le camp du Non a violé la Loi électorale du Québec. Mais je vous parie que Jean Charest ne sera pas blâmé, et que Norman Lester et Robin Philpot, qui ont provoqué cette enquête, ne figureront pas comme des modèles de rigueur journalistique dans le rapport du juge. Bref, ce n’est pas Option Canada qui changera la donne de l’affrontement actuel sur le budget du gouvernement Charest.
Du côté libéral, le principal obstacle à une entente avec le PQ sur le budget pourrait bien être Monique Jérôme-Forget en personne. La ministre des Finances et présidente du Conseil du trésor est l’un des rares membres du cabinet à pouvoir tenir tête à Jean Charest. Or, lorsqu’on la rencontre dans les corridors de l’Assemblée nationale, Mme Jérôme-Forget n’en démord pas : elle ne bougera pas. Elle est profondément convaincue que la seule façon de forcer la machine administrative à réduire les dépenses est de sabrer les budgets des ministères. Pas question, donc, de mettre plus d’argent à l’Éducation ou la Santé, comme le demande le PQ. À plus long terme, Mme Jérôme-Forget est convaincue que l’on parviendra à réduire davantage les dépenses de l’État, et que la hausse des coûts de l’énergie amènera des revenus importants au gouvernement. Dans un tel contexte, elle demeure convaincue que la baisse d’impôts annoncée est viable économiquement.
Là où le discours du budget est le moins convaincant, c’est lorsqu’on voit le gouvernement annoncer des emprunts de 20 milliards $ sur cinq ans pour la restauration des infrastructures publiques comme les écoles, les hôpitaux et les routes.
La décision s’imposait, mais elle confirme l’état précaire de nos finances publiques. Pendant des décennies, le Québec n’a pas alloué les fonds nécessaires à l’entretien de ses routes, ses ponts et ses immeubles. On construisait, mais on négligeait l’entretien. En 2004, Mme Jérôme-Forget a demandé que l’on consacre dorénavant 2 % de la valeur de ces ouvrages à leur entretien annuel, mais le rattrapage est trop lourd. On nous demande donc de nous endetter davantage pour réparer les toits des écoles qui coulent et les viaducs qui menacent de s’écrouler... Ainsi, après s’être endetté pour payer l’épicerie, le Québec s’apprête à faire de même pour retaper la maison. En termes clairs, on fait dur !
Dans un tel contexte de croissance de la dette, l’opposition n’a pas tort de dire que le gouvernement n’a pas les moyens d’offrir des baisses d’impôts. L’effort supplémentaire annoncé pour enrichir le Fonds des générations est louable, mais aucun gouvernement, qu’il soit libéral, adéquiste ou péquiste, ne parviendra à lever la lourde hypothèque laissée aux générations suivantes par les baby-boomers si on ne fait pas les sacrifices nécessaires immédiatement, pendant que l’économie demeure florissante.


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