Budget du Québec

La nouvelle contribution santé: à quelles fins?

Santé - ticket modérateur et taxe santé


Ainsi donc, après sept ans de tentatives répétées, le gouvernement tente une nouvelle fois, à la faveur d'un budget, de sabrer les services universels et accessibles que se sont laborieusement donnés les Québécois. Sa proposition la plus méprisable concerne la mise en place d'un ticket modérateur selon lequel il faudra payer faute d'être en santé. Injuste. Détestable.
Quant à la contribution santé annuelle de 25 $, puis de 100 $ et de 200 $, elle rebute par son mode de financement: revenus modestes et revenus faramineux contribuent à même hauteur. Injuste. Détestable.
Les établissements
Mais, il y a encore plus à craindre dans cette proposition. Les quelque 945 millions de dollars perçus seraient destinés aux établissements. Depuis le temps, nous savons tous qu'une des causes premières de l'engorgement de nos hôpitaux tient à ce que des lits trop nombreux sont occupés par des personnes en perte d'autonomie qui requièrent des soins et des services quotidiens ou des services de proximité et qui n'en trouvent pas à domicile.
Engagements irresponsables aidant (il faut se rappeler des promesses du Parti libéral qui, en 2003, s'engageait à éliminer le temps d'attente dans les hôpitaux), il faut craindre que le gouvernement, malgré un discours qui se veut rassurant à cet effet, ne destine en priorité ces nouveaux revenus aux centres hospitaliers question d'apaiser l'humeur de la population. Ce serait une très grave erreur.
Vieillissement
De 2006 à 2051, la population âgée de 65 ans et plus passera de 14,1 % à 29,7 %, tandis que celle âgée de 85 ans et plus passera de 1,5 % à 7,5 %. Le vieillissement de la population se manifeste déjà cruellement pour des centaines de personnes qui ont de la difficulté à poursuivre une vie autonome et digne, faute de services appropriés chez elles. Non seulement ces personnes se retrouvent-elles dans des situations inacceptables, mais leurs proches sont trop souvent et trop lourdement mis à contribution.
Il y a des limites à ce que les proches aidants peuvent consentir dans le soutien qu'ils offrent à leurs parents vieillissants ou à un membre de la famille en perte d'autonomie. Ne pas tenir compte de ces limites, c'est consentir à ce que bon nombre d'entre eux s'éloignent de leurs proches pour protéger leur propre santé physique et mentale. Les études disponibles montrent en effet que les liens entre personnes aidées et proches aidants sont plus fréquents et plus constants s'ils sont moins exigeants (Trois leçons de l'État-providence, Esping-Andersen, Seuil, 2008, Paris).
Soutien des familles
Certains pays, comme le Danemark, ont compris que: 1- la création d'un réseau d'aide se présentait comme une nécessité éthique pour les aidés et les aidants; 2- ce réseau permettait la création de milliers d'emplois assurant des revenus décents et une meilleure retraite à des milliers de travailleuses; 3- ce réseau permettait à l'État de faire des économies importantes.
Au Québec, on estime que 15 % des personnes de 65 ans et plus font appel à des services à domicile (Enquête sur la santé des collectivités canadiennes, Statistique Canada, 2003). De ces 170 000 personnes, plus de la moitié font exclusivement appel à des services fournis par les proches aidants, ce qui est énorme. Il y a un besoin pressant à combler pour arriver à mieux soutenir ces familles.
Briser l'isolement
Au Québec, les services de soins et d'aide à domicile sont offerts par les centres de santé et de services sociaux, de même que par les entreprises d'économie sociale en aide domestique (EESAD). Ce réseau de 101 entreprises permet d'offrir des services d'entretien ménager et d'autres tâches liées à des coûts accessibles pour les personnes. Il permet également de mieux protéger les aînés contre des abus et de briser l'isolement des personnes par une présence rassurante et encadrée.
L'existence de ce réseau, et son expérience cumulée depuis quelque 10 ans, est déjà un formidable acquis. Cependant, ces entreprises connaissent de nombreuses difficultés: indexation insuffisante de la contribution gouvernementale par acte posé, personnel mal rémunéré et instable, formation professionnelle à peine reconnue, coûts mal assumés en milieux ruraux (La Contribution de l'économie sociale à l'amélioration de la qualité de vie des aînés, Chantier de l'économie sociale, Consultation publique sur les conditions de vie des aînés, 2007, Montréal). Il y a encore beaucoup à faire.
Un effort sérieux s'impose si l'on veut à la fois offrir un cadre de vie approprié aux aînés et si l'on entend consolider et développer un réseau de soins et de services professionnels de qualité dans ce domaine, comme le Québec l'a fait dans celui des services de garde à la petite enfance. Alors que le Danemark consacre 3 % de son PIB en soins à domicile, la part du PIB canadien en soins à domicile serait de 1/4 % (Moderniser l'État: la route à suivre, OCDE, 2005, Paris). Celui du Québec se situe probablement dans les mêmes eaux. Passer de 1/4 % à 3 % représente un énorme mais inévitable défi social et budgétaire.
C'est ce à quoi devrait être dédiée en priorité la nouvelle contribution santé si l'on veut vraiment s'en sortir. Mais, il faudra d'abord que le mode financement régressif de cette contribution soit corrigé.
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Camil Bouchard - Professeur au Département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal


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