Faut-il recourir à la loi parce que le bon exemple et la rigueur font défaut ?

La mascarade vestimentaire et ses accessoires promotionnels : une affaire civile et non religieuse

Pour que la séparation des pouvoirs demeure, l'État doit se garder des interventions religieuses

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Chronique de Gilles Verrier

En s'essayant à définir ce qui est un symbole religieux et ce qui ne l'est pas, le gouvernement Legault joue un jeu dangeureux. On se demande s'il n'est pas en train de faire de l'État lui-même un intervenant religieux ? N'est-il pas vrai qu'à l'intérieur même des cultes le port facultatif ou obligatoire de signes et de certains vêtements ne fait pas consensus ? L'État doit-il s'en mêler ? La séparation de ce qu'on appelle les pouvoirs religieux et politiques voudrait que l'État se tienne à l'écart, car l'État n'a ni la compétence ni le mandat de déterminer ce qui appartient aux cultes. Selon la même logique, il serait tout indiqué que l'approche de l'État pour régler la question de la mascarade vestimentaire des uns et des autres, qui ne se limite d'ailleurs pas au religieux, soit une approche strictement civiliste et non religieuse. Autrement dit, l'État doit régler le problème de la qualité déclinante de sa représentation en réaffirmant ses propres droits. Qui plus est, la référence continue à la "laïcité" à laquelle s'attache le discours public, ne peut manquer d'apparaître à plusieurs comme un peu suspecte. Il est loin d'être clair que la laïcité n'est pas elle-même un culte, lui-même caché sous un voile : le culte de la très secrète franc-maçonnerie, ennemie jurée du catholicisme depuis la révolution française. En ce sens, tout en ayant l'air de ne pas y toucher, c'est l'État lui-même qui, de deux façons, se met le doigt dans l'engrenage de la controverse religieuse. 



Il apparaît donc indiqué que la réserve de l'État au regard des éléments qui appartiennent à la pratique des cultes soit rigoureusement maintenue. L'État doit intervenir autrement, à partir de son rôle qui consiste à faire respecter la paix sociale et l'ordre public. Cette mission s'accomplit par l'intermédiaire de fonctionnaires mandatés pour représenter l'autorité publique. Or, ces derniers ne peuvent représenter équitablement le pouvoir public, réputé égal pour tous, sans projeter une image de cohésion minimale, qui devrait être la même sur l'ensemble de la juridiction. Eu égard à l'équité et à l'uniformité du pouvoir public, toute réclame en faveur [ou défaveur] de causes sportives, philanthropiques, humanitaires, musicales, ethniques ou religieuses, etc. qui transitent par des moyens vestimentaires ou symboliques s'oppose au devoir de réserve des fonctionnaires et agents de l'État en autorité. Par la promotion d'une image à la carte, délibérément individualisée, ces pratiques qu'on laisse faire, minent l'autorité de l'État, son intégrité et le caractère universel du pouvoir public. C'est dans cet esprit que l'État devrait agir. Et on peut penser qu'il pourrait le faire pour une bonne part sans nouvelle loi, simplement par le renforcement d'une réglementation existante ou renforcée et de son application moins libérale, depuis le niveau ministériel jusqu'aux échelons inférieurs. En mettant fin au laxisme en somme. J'admets que cela peut se discuter, mais je suis d'avis que le recours à une loi m'apparaît prématuré tant que tous les moyens existants, et moins sujets à la controverse, ne sont pas mis énergiquement en oeuvre. Je favorise nettement la pugnacité avant la loi, plutôt qu'une loi dont l'application est laissée sans moyens. On n'a qu'à penser à la loi 101, que l'État du Québec prive de moyens depuis toujours. 


Ceci dit, la question assassine est la suivante : Comment voulez-vous que l'État se présente avec une cohésion minimale dans ses rapports avec les citoyens quand les membres de l'Assemblée nationale eux-mêmes arrivent difficilement à s'entendre sur un code vestimentaire approprié ? Dans ce cadre ultra libéral, où le chacun pour soi des Catherine Dorion a la cote, toute rigueur semble céder aux caprices. On est donc en droit de se demander si les législateurs ne cherchent pas bien maladroitement à imposer par la force de la loi ce qu'ils pourraient réussir, du moins en partie, par leur bon exemple et des pratiques administratives rigoureuses et déterminées. En temps normal, un État qui se respecte devrait être capable d'imposer sa présence dans les formes raisonnables qu'il détermine et qu'il juge à propos sur tout le territoire. Réflexion faite, malgré les apparences, la question religieuse n'a pas grand-chose à voir là-dedans, si ce n'est que les adeptes des cultes devront se soumettre comme tout le monde à l'État de droit. En définitive, loi ou pas, le gouvernement devra mettre ses culottes.  





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Gilles Verrier140 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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4 commentaires

  • Éric F. Bouchard Répondre

    14 avril 2019

    À la lecture de ces textes, on regrette que Vigile ne veuille constituer un groupe de réflexion formel sur la question nationale rassemblant ses meilleures plumes. Favoriser ainsi une réflexion qui puisse nous extirper de l’acculturation inhérente à la québécitude.


    En quelques solides paragraphes, Gilles Verrier nous montre que la laïcité si chère aux soi-disant nationalistes québécois n’est pas la seule voie possible, ni surtout la plus souhaitable, pour préserver le caractère national du Québec.


    50 ans à se faire rouler dans la farine... ne serait-il pas temps de trouver la parade?


  • Gilles Verrier Répondre

    10 avril 2019


    L'égalité libérale, un absolutisme rigide, voudrait mettre sur le même pied toutes les religions. Il faut questionner cette justice apparente. Suum cuique tribuere, relève du droit naturel des Anciens. La locution signifie que la juste part attribuée à chacun n'est pas nécessairement la même part attribuée à tous. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le catholicisme au Canada français ne peut être mis sur un pied d'égalité avec quelque autre religion. Le judaïsme, l'islam, et autres lui sont postérieurs et n'ont pas sa singularité historique et sociale. En termes pratiques, les religions, dans une société particulière ne sont pas égales entre elles et ne peuvent réclamer le statut d'égalité. Comme la langue anglaise ne peut réclamer un statut d'égalité avec le français au Québec. Le français étant la langue officielle. Plaider le contraire, en langue comme en religion, est plaider la disparition nationale. 


     

    Si le gouvernement Legault avait abordé la question sous l'angle du code vestimentaire, (le contenu de la loi n'étant de fait que du code vestimentaire !) en passant au-dessus de la tête des religions, il n'aurait pas eu à offrir comme monnaie d'échange l'enlèvement du crucifix. Et il s'épargnait le fardeau de la preuve. Or, à terme, c'est le Québec historique qui risque de payer le gros prix d'une fausse égalité des religions, promue par des gouvernemets bien intentionnés mais foncièrement dénationalisés. 

    Avec une stratégie grossière, qui sort trop vite les gros canons pour si peu d'enjeux, et qui, d'avance, sacrifie le crucifix pour en faire l'égal du coran; fort de ce politiquement correct, on aurait presqu'envie de dire à la CAQ : « PQ sort de ce corps ».

     

    Certes le Canada anglais à Montréal comme à Toronto ne nous aime pas. Mais cette nation formée sur nos ruines nous a-t-elle déjà aimés ? 

     

  • Gilles Verrier Répondre

    6 avril 2019

    Allez lire Richard Martineau :


    Il faut lire Martineau : 


    https://www.journaldemontreal.com/2019/04/06/regles-de-conduite


    Martineau le justifie très bien : nous sommes en présence d'une question qui relève du code vestimentaire. Mais il s'arrête juste avant de tirer la bonne conclusion qui devrait s'appliquer à sa démonstration: les problèmes d'écarts vestimentaires dans l'occupation de certaines fonctions publiques se règlent par des règlements clairs et mis vigoureusement en application. C'est cette approche du bon sens que défend ma chronique qui questionne l'utilité de s'attaquer aux mouches avec une masse de 20 livres. 


    Il fallait sortir complètement du paradigme religieux de Bouchard-Taylor qui pollue la question. L'État devait éviter de tomber dans un piège qui l'oblige désormais à définir avec une certaine précision ce qui est de nature religieuse. En ce faisant, l'État devient confessionel et s'écarte de la neutralité qui devrait être la sienne par rapport aux cultes. Les ennuis ne font que commencer ! Et si les ennuis ne sont pas d'ordre légaux en vertu des chartes, ils seront d'autres ordres. D'ordre administratif et potentiellement des contestations des cultes eux-mêmes qui refuseront que l'État définisse pour eux ce qui leur appartient. 


    Une loi n'est jamais à exclure, mais elle ne devait advenir qu'une fois les moyens de l'action gouvernementale épuisés, au terme d'une action qui met en oeuvre l'effectivité de l'État. Une loi, en son temps, pour forcer à entrer dans le rang les individus récalcitrants. Ces individus, minoritaires, devaient être d'abord isolés et placés devant un fait de conformité vestimentaire et d'apparence généralisé. L'État a parfaitement le droit d'exiger via toutes ses instances que des fonctionnaires désignés se présentent obligatoirement dans une tenue sobre, la tête nue et le visage découvert devant les contribuables. Autrement dit, pas de tuques de hockey, même pendant les éliminatoires. Le reste est à l'avenant. 


    Le fait que l'on applaudisse à ce projet de loi prématuré et surtout mal ciblé s'explique probablement par d'autres motifs. C'est une autre discussion.


  • Me Christian Néron Répondre

    29 mars 2019

    Le premier devoir de l'État est de maintenir la paix, l'harmonie et le bien commun.



    Le fondement du droit est la nature sociale de l'homme. Son but avoué est de favo-


    riser le bon fonctionnement de la société. Le fait que certains croyants vont aller au


    Ciel après leur mort, et que d'autres vont aller griller en Enfer, n'est pas quelque


    chose qui devrait empêcher le législateur de dormir sur ses deux oreilles.



    La seule chose qui l'intéresse est d'éviter que ses citoyens en viennent à se battre


    entre'eux. Il n'est pas nécessaire d'attendre une crise majeure qui pourrait dégénérer


    en guerre civile. D'où l'utilité des lois.



    Il ne faut pas oublier que nos concitoyens qui ont le privilège de prier le plus grand


    Dieu du monde nous arrivent ici après avoir détruit leur pays  ou l'avoir rendu invivable.


    Un pays où il fait bon vivre est pour eux un défi de taille. Ils ont une grande expertise


    en matière de démolition. Ils sont aussi habitués à pleurer des larmes de sang.



    D'où l'utilité des lois.